Après avoir bondi de 69% en 2022, l'indice de la pénurie de main-d'oeuvre en Suisse a crû encore de 24% cette année, selon les données d'Adecco Suisse et du Moniteur du marché de l'emploi suisse de l'Université de Zurich, publiées mardi. Il est difficile de recruter dans les domaines de la santé, l'informatique et l'ingénierie.
Deux facteurs sont mis en avant pour expliquer cette persistance. «D'une part, le nombre de demandeurs d'emploi a nettement diminué», avec un taux de chômage à 2% en octobre dernier. «D'autre part, le nombre de postes vacants a augmenté de 7% par rapport à l'année précédente», selon le communiqué.
Les secteurs tournés vers la demande domestique, comme l'hôtellerie et la restauration, «ont pu grandement compter sur une solide demande intérieure» et prévoient encore des créations d'emplois malgré le ralentissement économique. A l'inverse, les secteurs tournés vers l'exportation peinent face à la baisse de la demande mondiale.
«Bien que les perspectives conjoncturelles mitigées pour l'année prochaine et la baisse visible de la dynamique de l'indice de la pénurie de main-d'oeuvre laissent présager une phase de détente à court et moyen terme, les entreprises resteront durablement confrontées à une pénurie» de ressources qualifiées dans le pays, a souligné Marcel Keller, directeur d'Adecco Suisse, cité dans le document.
Il note aussi que «le vieillissement de la population, la numérisation croissante et la transition vers une économie verte continueront d'alimenter cette tendance à l'avenir.»
Un Röstigraben marqué
Les métiers les plus recherchés se trouvent dans la santé (infirmiers, endocrinologues ou pharmaciens), l'informatique (développeurs, analystes de logiciels et d'applications, consultants SAP), ainsi que dans le secteur de l'ingénierie (techniciens en génie mécanique, planificateurs en chauffage). Adecco note toutefois une certaine détente dans l'informatique, avec une forte hausse du nombre de demandeurs d'emploi en septembre dernier dans ce domaine.
Le phénomène de pénurie a été plus marqué en Suisse alémanique (+28%) qu'en Suisse romande (+14%). La première région a connu une diminution plus marquée du nombre de personnes en recherche d'emploi (-16%) et une augmentation modérée du nombre de postes vacants (+8%) sur un an.
A l'inverse, la Suisse romande a enregistré un recul plus modéré du nombre de demandeurs d'emploi (-10%) et une hausse de seulement 3% des postes vacants sur un an. Le marché du travail s'est donc développé «de manière nettement plus dynamique» en Suisse alémanique que de l'autre côté du Röstigraben.
L'étude insiste sur le fait que le manque de personnel «tend à se transformer en pénurie de main-d'oeuvre généralisée», même dans des secteurs affichant «une offre excédentaire de personnel qualifié» et «exigeant moins de qualifications, comme le personnel auxiliaire».
Le géant du placement de personnel estime que les entreprises doivent «mieux tirer parti du marché du travail intérieur», en investissant dans la formation et la formation continue, en faisant appel à des personnes en réorientation professionnelle, en assouplissant les conditions de travail ou en recrutant du personnel temporaire, a égrené Martin Meyer, en charge de la Suisse alémanique chez Adecco, qui plaide aussi pour «considérer la main-d'oeuvre étrangère».
(ATS)