Que se passe-t-il lorsqu'un unique point de rencontre rassemble tous les fans de foot à Genève? Eh bien, ça déborde. Le match Suisse-Écosse du 19 juin au soir a attiré tellement de monde que 1500 à 2000 personnes ont forcé l'entrée à la mi-temps, sur la plaine de Plainpalais.
L'interdiction prononcée par la Ville de Genève de projeter les matchs sur les terrasses des bistrots fait hurler les restaurateurs. Raison invoquée? Trop compliqué de gérer les nuisances sonores et… les débordements! «Ça me rend folle, tonne la patronne d'un établissement du centre-ville. La ville est comme morte, sauf à la fan zone. Et moi, je connais mes clients, ils ne sont pas 1500.»
«Les cafetiers savent gérer leurs clients»
Un argument repris par la Fédération des bars, restaurants et monde de la nuit, ainsi que par le Groupement professionnel des restaurateurs et hôteliers. Dans un communiqué commun, que Blick a pu consulter en primeur, ils affirment que «plusieurs professionnels avaient déjà alerté qu’un unique et gigantesque point de rencontre présente un risque plus important en termes de sécurité que de nombreuses terrasses».
Le vice-président de la Fédération, Stéphane Détruche, évoque à Blick un manque de confiance de la part des autorités. «Les cafetiers-restaurateurs sont aussi des professionnels qui savent gérer leurs clientèles et les débordements, soupire-t-il. Sur les grandes terrasses, il y a parfois des sécus, ou des chuchoteurs, chacun a son dispositif selon son établissement.»
Absorber la foule éméchée de la fan zone
Les bars voisins de la fan zone, principalement à la rue de l'École-de-médecine, absorbent d'un coup une foule déjà passablement alcoolisée, à l'instant où les rencontres se terminent. «Ils se retrouvent avec un flot plus important que prévu de gens éméchés, alors que si ces personnes avaient passé la soirée sur leurs terrasses, les bars les géreraient mieux», développe Stéphane Détruche.
Un cafetier de Plainpalais interrogé est, lui, plutôt content de s'éviter les fans de foot. «Ça n'est pas très 'business' comme opinion, mais les matchs, ça n'intéresse pas tout le monde. Si vous branchez une télé, il y a le bruit du foot, les cris des fans, les gens qui s'attroupent pour regarder sans consommer, et ça ne fait pas de chiffre d'affaires.»
TV achetée pour l'occasion
Le responsable opérationnel du Bistrot de Charlotte, Sacha, ne partage pas cet avis. «Nous avions acheté une TV pour l'occasion, et prévu plusieurs soirées spéciales, qu'on a toutes dû annuler», déplore le numéro 2 de ce restaurant proche du quai des Bergues.
Pour lui, les événements comme l'Euro amènent une clientèle bienvenue alors que la restauration souffre d'une importante concurrence à Genève. «Les matchs ont lieu pile dans des créneaux où les gens vont au resto pour l'apéro ou pour manger. Tout est concentré à Plainpalais, sur la rive droite rien n'a été prévu.»
«Pourquoi pas autoriser avec des règles?»
Le responsable de restaurant déplore avoir appris l'interdiction sur les réseaux sociaux ou en lisant les médias. «On n'a jamais eu de vraies réponses de la Ville. Ça s'est décidé à la dernière minute. C'est injuste, ils pourraient mettre en place un système qui marche. Ils sont forts pour imposer des règles précises, pourquoi pas pour planifier cela en amont?»
La Fédération des bars, restaurants et monde de la nuit rappelle en effet qu'il existe déjà une loi sur les terrasses, ainsi que des autorisations à demander pour chaque animation spéciale. «Lors du dernier Euro, tout s'est très bien passé, les cafetiers ont diffusé les rencontres sans aucun débordement.»
La gérante d'un restaurant de Plainpalais résume la déception générale: «Les autorités œuvrent déjà toute l'année pour nous donner envie de tout quitter. C'est un coup dur de plus.»