Trop proche, trop bruyant, trop laid...
Des Thurgoviens en colère veulent empêcher la construction d'un parc éolien

A Wolfikon (TG), la population veut s'opposer à la construction de trois éoliennes dont l'emplacement serait trop près des limites de la commune. Une nouvelle loi au niveau national pourrait toutefois bientôt réduire les habitants au silence.
Publié: 07.10.2022 à 11:35 heures
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Dernière mise à jour: 10.10.2022 à 13:00 heures
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Voici à quoi devraient ressembler les éoliennes prévues en Thurgovie.
Photo: EKZ
Sandro Zulian

Trop bruyantes, trop laides, trop proches des zones habitées… Ce sont souvent les raisons avancées par les défenseurs de la nature, les protecteurs du paysage et les riverains pour s’opposer à la construction d’éoliennes. Il apparaît facile, dès lors, de comprendre pourquoi les projets de parcs éoliens n’ont pas vraiment progressé en Suisse. Que ce soit à Thundorf (TG), à la Montagne de Butte (NE), en passant par Lindenberg (AG/LU) et Grenchenberg (SO/BE), les initiateurs de ce type de projet ont dû faire face à de forts vents contraires. C’est ce que rapportait le SonntagsBlick en octobre 2021 .

Dans la petite commune thurgovienne d’Amlikon-Bissegg, d’un peu plus de 1300 âmes, les habitants s’opposent, eux aussi, à la construction d’un parc éolien. Ceux du quartier de Wolfikon, en particulier, veulent empêcher l’installation de trois des huit hélices prévues dans le projet. Certaines d’entre elles devraient se trouver à moins de 400 mètres de la première maison du village.

Avec leurs 250 mètres de hauteur, ces éoliennes seraient les plus grandes constructions isolées de Suisse. L’ensemble du parc devrait un jour produire 80 GWh d’électricité par an.

«C’est comme mettre une éolienne dans le salon»

Mais les habitants d’Amlikon-Bissegg craignent également le bruit et l’ombre produits par ces installations, ainsi que la perte de valeur de leurs biens immobiliers. Ils pensent en outre que les éoliennes auront un effet dissuasif pour les éventuels nouveaux arrivants. C’est notamment pour cette raison que le président de la commune d’Amlikon-Bissegg, Thomas Ochs, s’est érigé en chef de file de la lutte contre le projet.

«C’est comme si on plaçait une éolienne pratiquement dans notre salon», s’insurge le premier citoyen de la commune auprès de Blick. L’homme de 52 ans critique, entre autres, le fait que sa commune n’ait pas été impliquée dans l’ensemble du projet. «Nous avons appris il y a quelques semaines seulement que trois des éoliennes devaient être construites près de la limite communale de notre village, raconte le Thurgovien. Cela ne se passe pas comme ça!»

Presque tous les habitants d’Amlikon-Bissegg ont signé une pétition réclamant un droit de codécision. Jeudi dernier, les opposants au parc éolien se sont réunis pour une séance d’information à la distillerie Macardo du village. Ils y ont exprimé leur mécontentement. Le ton était ferme. «Nous n’avons rien contre l’énergie éolienne. Mais une telle installation ne doit pas se trouver si près de chez nous», a martelé le président de la commune.

Les opposants à l’éolien bientôt réduits au silence?

La petite commune n’est pas seule à se battre. L’association Freie Landschaft Thurgau (FLTG, Paysage libre de Thurgovie), du Soleurois et habitant de Grenchenberg Elias Meier, veut également empêcher la construction du parc éolien de Thundorf.

Pour cela, les fédérations, les associations et les riverains ont jusqu’à présent la possibilité de faire opposition à de nombreuses étapes de la planification d’un parc éolien. Ils peuvent porter ensuite les procédures devant le Tribunal fédéral et obtenir des retards massifs sur l’aboutissement du projet.

La commission de l’environnement du Conseil national risque toutefois de chambouler les choses. À l’avenir, une nouvelle loi doit empêcher de contester plusieurs fois, et jusqu’au Tribunal fédéral, la construction de parcs éoliens planifiés en Suisse.

Le projet de loi stipule que les installations éoliennes d’intérêt national n’auront plus besoin de permis de construire. Une fois le plan d’affectation adopté (auquel les associations et les ayants droit peuvent toujours s’opposer), il sera possible de lancer les travaux.

Actuellement traitée par le Conseil national et le Conseil des Etats, la loi déclarée comme «urgente» devrait entrer en vigueur dès décembre prochain.

Thundorf peut-être bientôt «d’intérêt national»

Jusqu’à présent, deux installations sont mentionnées dans la loi prévue: un parc éolien dans le canton de Vaud et un autre à Granges (SO). Ce dernier devrait un jour produire 30 GWh d’électricité. L’association Birdlife Suisse et l’association pour la protection des oiseaux du canton de Soleure ont porté plainte jusqu’au Tribunal fédéral contre le plan d’affectation nécessaire à cet effet. En novembre 2021, le tribunal a décidé que le parc éolien pouvait être construit, mais qu’il devait être redimensionné.

Si le Conseil national et le Conseil des Etats votent en faveur de la loi urgente, les travaux de construction devraient bientôt commencer à Granges. La procédure liée au permis de construire serait alors supprimée.

Le parc éolien de Thundorf devrait logiquement profiter de cette nouvelle loi. Pour le conseiller national thurgovien Kurt Egger (Verts), les opposants du village n’auraient plus les armes pour contrer le projet. Le politicien siège lui-même dans la commission de l’environnement et a participé à l’élaboration de la loi urgente. «Avec une puissance de 80 GWh d’électricité, le parc éolien de Thundorf sera rapidement considéré comme un projet d’intérêt national», affirme-t-il, convaincu.

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