Ce fut un revers cuisant dans la lutte du pays contre le dérèglement climatique et un choc pour la ministre de l’environnement Simonetta Sommaruga. Dimanche 13 juin l’électorat suisse a rejeté à 51,6% le projet de loi sur le CO₂. Il sera désormais encore plus difficile d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat. Les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de moitié d’ici à 2030 par rapport à 1990.
Une évaluation publiée jeudi par la Fondation suisse de l’énergie (SES) indique à quel point il est nécessaire d’agir. La Suisse produit déjà une part considérable de son électricité à partir de l’énergie hydroélectrique. Mais cela ne suffira pas: il faut mettre les bouchées doubles sur la production d’énergie renouvelable, et sur ce point le pays est à la traîne.
L’éolien au lieu du nucléaire, le solaire au lieu du pétrole
Le potentiel de l’énergie éolienne et solaire est énorme. Mais c’est précisément dans ce domaine que notre pays est en retard. Dans un premier temps, il faudra compenser l’abandon progressif de l’énergie nucléaire, puis produire davantage d’électricité renouvelable pour se débarrasser progressivement de l’utilisation des combustibles fossiles. Des changements sont déjà en cours: des véhicules électriques remplacent de plus en plus les voitures à essence et diesel, les systèmes de chauffage au mazout et au gaz disparaissent également à mesure que les pompes à chaleur les remplacent.
Les besoins en électricité issue de la production renouvelable augmentent… Mais la Suisse fait moins bien que ses voisins. «Par rapport aux autres pays européens, la Suisse est encore en retard en termes de production d’énergie solaire et éolienne par habitant», conclut la SES. Il est urgent d’augmenter les investissements pour la production nationale d’électricité.
La Suisse 24e sur 29
Si la Suisse est le premier pays mondial en termes de compétitivité, elle obtient une bien plus mauvaise place dans le classement de la Fondation suisse de l’énergie.
Dans une brève étude, la SES a comparé la production d’énergie solaire et éolienne par habitant en Suisse avec celle des 27 États membres de l’UE et du Royaume-Uni. Résultat: la Suisse se classe 24e, juste devant la République tchèque, la Hongrie, la Slovénie, la Slovaquie et la Lettonie.
Seuls 4,7% de la consommation d’électricité en Suisse sont produits grâce à l’énergie photovoltaïque et éolienne. Au Danemark, par exemple, ce chiffre est de 54%. Par rapport aux neuf pays voisins, la Suisse arrive en avant-dernière position.
Les pays d’Europe du Nord sont en tête de liste depuis des années: le Danemark, l’Allemagne et la Suède produisent tous beaucoup plus d’énergie éolienne que la Suisse. L’Irlande a quant à elle délogé l’Allemagne du top 3.
Si l’on ne prend en compte que le photovoltaïque, la Suisse se situe encore à la 8e place, battue ici par l’Allemagne, Malte, l’Italie, la Belgique, l’Espagne, la Grèce et les Pays-Bas, c’est-à-dire en partie aussi par des pays plus septentrionaux et plus plats, avec un temps d’ensoleillement moindre.
Le gouvernement appelé à agir
Sur la base de ces résultats, la SES appelle les responsables politiques à agir. C’est le seul moyen d’atteindre les objectifs climatiques et d’assurer une production suffisante d’énergie.
Très prochainement, une occasion d’agir devrait se présenter: le Conseil fédéral entend exposer son projet sur la nouvelle loi sur l’énergie avant la fin du mois de juin. «En particulier, il faut revoir à la hausse les objectifs de production d’énergies renouvelables dans la loi afin qu’ils soient en accord avec les objectifs climatiques», commente Felix Nipkow, membre de la SES.
La Fondation suisse pour l’énergie envisage une multiplication de 12 à 17 d’ici 2035 par rapport à la production actuelle. Aujourd’hui, environ 311 kilowattheures (kWh) par habitant seraient produits par l’énergie solaire et éolienne. D’ici 2035, ce chiffre devra atteindre les 4 000 à 5000 kWh (provenant principalement de l’énergie solaire). À titre de comparaison, l’Allemagne produit actuellement 2200 kWh par habitant grâce à l’énergie solaire et éolienne.
Le Conseil national veut combler le déficit de subventions
Le Conseil national vient de faire un premier pas dans cette direction. Il veut promouvoir les nouvelles installations d’énergie éolienne, de petite hydraulique, de biogaz, de géothermie et de photovoltaïque à partir de 2023 avec des contributions d’investissement uniques. Il a approuvé un projet de loi correspondant mercredi.
Jusqu’à présent, les énergies renouvelables ont été principalement soutenues par le tarif d’achat orienté vers les coûts (KEV). Celle-ci expire à la fin de l’année 2022. Par sa décision, le Conseil national veut empêcher l’apparition d’un potentiel trou dans les financements.