Trop «favorable à Israël»
L'interdiction du Hamas a été édulcorée par le Département de la défense

Le Département de la défense a critiqué la version initiale de la loi sur l'interdiction du Hamas, la qualifiant de «favorable à Israël» et «hostile à l'Iran». C'est ce que montrent des documents internes. La Confédération a finalement édulcoré le projet de loi.
Publié: 25.03.2024 à 14:34 heures
1/7
Après l'attaque terroriste d'octobre dernier contre Israël, le Parlement et le Conseil fédéral voulaient interdire le Hamas. Et ce rapidement.
Photo: Keystone
Daniel Ballmer

L'émotion était grande. La volonté d'agir tout autant: après l'attaque terroriste d'octobre dernier contre Israël, le Parlement et le Conseil fédéral voulaient interdire le Hamas. Et ce, rapidement. En février déjà, le ministre de la Justice Beat Jans s'était présenté devant les médias pour présenter la base juridique nécessaire à cet effet.

Mais des documents non publiés jusqu'à présent montrent que la Confédération a ralenti le projet de manière décisive sous la pression du Département de la défense (DDPS) de la conseillère fédérale Viola Amherd. Les membres du DDPS auraient même menacé de ne pas soutenir le projet si le texte n'était pas édulcoré, rapporte la «NZZ am Sonntag».

Mise en garde contre l'espionnage et le terrorisme

Ainsi, dans la version initiale de l'Office fédéral de la police (Fedpol), responsable du dossier, le Hamas et ses organisations annexes devaient être interdits – mais aussi «les organisations et groupements dont la direction, les objectifs et les moyens sont identiques à ceux du Hamas». Cette formulation a déplu au DDPS, qui a exigé la suppression de ce passage.

Le projet de loi de Fedpol est trop large et contient des ambiguïtés, ont critiqué les fonctionnaires du département de Viola Amherd. Il pourrait être interprété de telle sorte qu'à l'avenir, le Hamas soit considéré comme interdit, mais aussi les milices proches de l'Iran ou le Hezbollah libanais. Des problèmes pourraient également survenir dans les relations avec des Etats comme la Turquie ou l'Iran. Le DDPS ne précise pas quelles sont exactement les difficultés bilatérales qui menacent. Il n'a pas non plus souhaité répondre aux questions de la «NZZ am Sonntag».

Pourtant, le DDPS aurait plus que clairement formulé ses doutes en interne: «Si la loi devait être adoptée sous cette forme, la Suisse se positionnerait clairement comme favorable à Israël et hostile à l'Iran». Le DDPS a même vu dans cette nouvelle loi un danger pour la Suisse: «Les menaces d'interdiction contre le service de renseignement et de terrorisme pourraient augmenter. De plus, cela entraînerait des conséquences diplomatiques et humanitaires». Il est vrai que cette loi aurait fait pencher la position de la Suisse dans la région du Proche et Moyen-Orient. Pour le DDPS, il était clair que cosigner le projet sous cette forme n'était pas envisageable.

«Tout à fait scandaleux»

La confrontation a porté ses fruits. Le Conseil fédéral a affaibli le projet d'interdiction du Hamas. Le passage controversé a été supprimé; la loi reste non contraignante: ainsi, le Conseil fédéral pourra à l'avenir interdire les organisations dont la direction, les objectifs ou les moyens sont identiques à ceux du Hamas. Autrement dit: il décide au cas par cas.

Au Parlement, cette procédure fait grincer des dents les partis de droite. «La loi interdit une organisation terroriste. Et si nous interdisons le Hamas, il est logique d'interdire également des organisations qui sont en grande partie identiques au Hamas», a déclaré le président du PLR Thierry Burkart. Mais l'affaiblissement permet des contournements, ce qui est incompréhensible. «Je regrette vivement que la Confédération ait cédé sur cette question et édulcoré la loi», ajoute Thierry Burkart. «En matière de terrorisme, il ne peut y avoir qu'une seule attitude: la Suisse ne doit pas tolérer de telles organisations.»

L'UDC fait également preuve de peu de compréhension. Selon elle, il est étrange que le DDPS ait réussi à faire passer un affaiblissement du projet initial. «La justification est tout à fait scandaleuse», déclare Peter Keller, secrétaire général adjoint de l'UDC. «L'interdiction des organisations terroristes n'a rien à voir avec une attitude 'pro-israélienne', mais il est dans l'intérêt de la Suisse et il répond à une exigence de sécurité intérieure.»

Il appartient désormais au Parlement de décider quelle version de la loi il souhaite faire passer. 

Découvrez nos contenus sponsorisés
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la