Dimanche, les Genevois se rendront aux urnes et pourront bannir à jamais les symboles nazis de leurs rues. La loi pour l'interdiction des symboles de haine dans les espaces publics a été rédigée par le conseiller national de l'Union démocratique du centre (UDC) Thomas Bläsi.
Pourtant, son parti est le seul à ne pas soutenir ce texte. À l'exception de la formation de droite, du «comité pour la nature» et de «Liberté», une liste de coronasceptiques, toutes les couleurs politiques disent «oui» à la loi. Le refus en assemblée générale avait choqué plusieurs membres du parti agrarien, à commencer par Céline Amaudruz, vice-présidente.
Le grand-père de l'élu Thomas Bläsi est un rescapé du camp de Mauthausen. En lisant la «Tribune de Genève» du mardi 4 juin, le conseiller national est tombé de sa chaise en découvrant la décomplexion avec laquelle deux mouvements néofascistes et néonazis s'opposent à son texte de loi et défendent le droit d'arborer des symboles nazis en public. Interview.
Thomas Bläsi, que ressentez-vous en lisant l'attachement d'un néonazi aux «signes de fierté blanche»?
«Race blanche supérieure» et «défenseur de la chrétienté» sont des phrases particulièrement choquantes pour les familles des survivants, des déportés, des homosexuels et des gens du voyage qui ont été massacrés par des personnes tenant exactement le même discours que ce monsieur.
Il répond en effet de façon décomplexée à nos confrères…
Ces personnes ont un discours qui a vocation à choquer. On a prétendu qu'elles n'existaient pas et que mon texte était inutile… Mais la bête est encore très vivace! Ces extrémistes revendiquent avec force toute la symbolique que l'on veut interdire. Ils usent de la démocratie alors qu'ils ne la représentent absolument pas.
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Vous portez ce texte, craignez-vous des représailles?
Non, il n'y a pas d'urgence absolue. Mais aujourd'hui, j'ai prévenu le service qui garde ma pharmacie, à Genève, tandis que j'étais en session à Berne. Je leur ai demandé de faire des patrouilles supplémentaires pour éviter que mes employés ne soient dérangés. On ne sait jamais avec ces personnes.
Votre parti est désormais le seul à ne pas soutenir ce texte… Ce rapprochement avec la volonté de mouvements fascistes vous attriste?
J'ai contacté l'UDC Genève aujourd'hui et je leur ai demandé s'ils jugeaient toujours mon texte inutile. Ma demande a été bien reçue. Une grosse moitié me soutient: Madame Amaudruz, Messieurs Poncet, Ivanov ou Florey. Ils se sont investis avec moi. J'ai reçu énormément de sympathie des membres, mais aussi des lettres de familles juives installées en suisse et que je ne connais pas, qui m’ont exprimé leur soutien dans ce combat difficile.
Le 26 mai, des néonazis organisaient un concert dans la campagne genevoise. Votre texte est-il devenu urgent?
Oui, il est essentiel de voter cette loi. On voit bien que ces personnes ont un nazisme décomplexé et de plus en plus exposé.
Mais la loi va-t-elle changer la donne, empêcher l'idéologie nazie de séduire les suprémacistes?
Le texte va simplifier le travail de la police. Il lui est très difficile de surveiller toutes les locations privées pour des fêtes à travers le canton. Qui plus est, ces personnes mentent et n'annoncent jamais un rassemblement néonazi. Il est également difficile de punir ceux qui exhibent ces symboles s'ils ne les accompagnent pas d'un discours antisémite. Les Genevois ont la main pour couper le cordon qui subsiste entre le nazisme des années 1930 et ce renouveau détestable.
Vous sentez-vous toujours à votre place au sein d'un parti qui appelle à ne pas couper ce cordon?
Le refus en assemblée générale est représentatif d'un échantillon de notre parti présent ce soir-là. Je n'y étais d'ailleurs pas, car je suis proche aidant. Je ne pouvais pas m'y rendre, tout simplement. Aujourd'hui, au Conseil national, les UDC d'autres cantons m'ont demandé pourquoi Genève ne me soutenait pas. Ils souhaitaient que la section cantonale se manifeste avant le 9 juin. Ils doivent y réfléchir.