Après le déluge, le calme? Tant s’en faut. Du moins, à La Chaux-de-Fonds. La meurtrière tempête, sa quarantaine de blessés et ses dizaines de millions de francs de dégâts n’ont pas une semaine. Peu importe! Frédéric Hainard, ancien conseiller d’Etat neuchâtelois déchu, n’offre aucune trêve.
L’avocat de profession — surnommé «le shérif» à la suite d’abus d’autorité commis en 2009 — n’a pas goûté à une interview publiée par Blick peu après l’apocalypse. Il pointe celle de Laurent Favre, actuel ministre cantonal à la tête du Département du développement territorial et de l’environnement.
À lire aussi
Frédéric Hainard ne fait aucun prisonnier. L'ex-procureur fédéral suppléant est catégorique: l’élu libéral-radical «se fout de la gueule du monde». Pas sorti de sa réserve pour rien, il tance au passage Jean-Daniel Jeanneret, président de la Métropole horlogère. Interview sans langue de bois.
Frédéric Hainard, vous vous dites outré par les propos tenus par Laurent Favre sur nos plateformes. Pourquoi?
Reprenons l’histoire depuis le début. J’étais à l’étranger lors de la tempête de ce lundi. Mon voisin me prévient que ma maison a souffert de lourds dégâts. Un arbre est tombé sur le toit, le détruisant au passage. Je suis donc parti en catastrophe. Je suis arrivé chez moi, à La Chaux-de-Fonds, à 1h du matin. J’ai chialé devant l’ampleur du désastre. Alors, deux jours plus tard, quand j’ai lu l’interview du conseiller d’Etat Favre qui fait part de tous ses bons sentiments, j’ai bondi. Il se fout vraiment de la gueule du monde.
Vous ne le croyez pas sincère?
Il a simplement répété ce que son secrétaire général lui a murmuré. Ce qui, en soi, n’est pas un problème. Le problème, c’est qu’il est facile de dire à distance qu’on a de la compassion. Mais je n’ai pas vu un politicien sur place. Pire: tandis que plein d’habitants sont dans le pétrin, tous les maçons et les couvreurs disent donner la priorité aux mandats de la Ville. Nous, les privés, on doit se débrouiller. Très franchement, l’aide de l’Etat, on ne l’a pas vue. Laurent Favre, de la compassion? Mon cul!
Mais vous êtes assuré. En quoi l’Etat devrait vous aider?
Les dommages aux maisons, tout le monde s’en fout parce que c’est l’Etablissement Cantonal d’Assurance et de Prévention (ECAP) qui paie. Celles et ceux qui, comme moi, ont la chance d’avoir une assurance spécifique, verront certains dommages extérieurs être remboursés. Mais, dans mon jardin, j’ai 17 sapins qui sont tombés. Coût de l’évacuation: 17’000 francs pour ma pomme. On aurait aimé avoir l’aide de la Ville et de ses bûcherons. Pourquoi pas aussi de l’armée et de la protection civile. Mais rien! Dans la théorie de Laurent Favre, tout est beau. En pratique, c’est: «démerdez-vous».
On vous sent vraiment très remonté…
Je suis vert de rage. Il y a pour 270’000 francs de dégâts sur ma maison. Ce n’est pas si grave, je peux dormir dedans. Mais mon jardin, qui était celui de ma maman et, avant ça, celui de mon grand-papa, est détruit (sa gorge se noue). Même dans 70 ans, tout ce qui a été arraché n’aura pas repoussé. Je trouve dégueulasse que Jeanneret (ndlr: le président de La Chaux-de-Fonds Jean-Daniel Jeanneret) et Favre profitent du drame pour se mettre dans la lumière.
Vous ne les jugez pas un peu trop vite? L’Etat a, comme tout le monde, été pris de court par l’apocalypse qui était imprévisible. Par ailleurs, répondre aux sollicitations des médias fait partie de leur job.
Attention! Je ne critique pas l’administration communale et cantonale, dont la gestion de cet événement est remarquable. Tout le monde travaille jour et nuit. Je cible les élus qui ont profité du drame pour se faire mousser. Comprenez-moi bien, si Laurent Favre s’était prononcé dans la presse en disant que l’Etat apportait son soutien via les efforts de ses collaborateurs, je n’aurais rien eu à redire. Mais là, il se met en scène personnellement. Comme si lui avait fait quoi que ce soit… Je lui ai d’ailleurs écrit pour lui expliquer la réalité du terrain. Mais il ne m’a pas répondu. C’est symptomatique.
Dans la tourmente, vous avez démissionné du Conseil d’Etat en 2010 et avez définitivement été condamné pour abus d’autorité en 2016. Que répondez-vous aux personnes qui diront à la lecture de vos propos que vos tacles sont une manière déguisée de régler vos comptes avec les autorités?
Votre question est légitime. Il y a 14 ans, Laurent Favre n’était pas là. Il ne m’a pas fait de mal. D’ailleurs, je n’ai aucun compte à régler avec lui puisque je n’ai jamais travaillé avec lui. Je vais même vous dire: je l’aimais bien. Cela a changé: aujourd’hui, je trouve qu’il parle beaucoup, mais qu’il travaille peu.