«Sors de derrière la caisse, ou bien tu exploses!»
Une victime et un ex-complice du braqueur jurassien Marco Müller témoignent

On qualifiait autrefois Marco Müller de «braqueur de banque le plus dangereux de Suisse». Le voilà mort chez lui dans le Jura après des décennies de cavale. À Bassecourt, Blick est parti sur ses traces pour rencontrer l'une de ses victimes et un ex-complice.
Publié: 22.03.2024 à 06:13 heures
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Dernière mise à jour: 24.03.2024 à 09:02 heures
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Le braqueur de banque Marco Müller est désormais mort après des décennies de cavale.
Photo: Zvg
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Nicolas Lurati et Léo Michoud

Le braqueur de banque et ancien joueur des Young Boys de Berne Marco Müller est resté en cavale pendant 36 ans – période durant laquelle la police ne l'a jamais attrapé. Ce n'est que lorsqu'il a été retrouvé mort le 26 février dans son village jurassien de Bassecourt que sa fuite a officiellement pris fin.

Marco Müller a-t-il vraiment réussi à vivre 36 ans au cœur du Jura sans être découvert? Blick a remonté sa trace. Rencontre avec l'employé de la banque cantonale bernoise que Marco Müller a attaqué à l'époque ainsi qu'avec un ancien complice.

Braquage de banque à la dynamite

Une petite rétrospective s'impose. En 1979, Marco Müller braque une banque. Pas n'importe laquelle. Celle de son village de toujours, Bassecourt. «Un gangster armé s'est présenté au guichet à 8h25, nous apprend un communiqué de l'époque, reproduit par la «NZZ». Sous la menace d'un pistolet, il s'est fait remettre par l'homme au guichet le contenu de la caisse, soit 33'800 francs.» Marco Müller aurait ligoté le banquier avec du ruban adhésif et se serait enfui avec une voiture volée.

Mais ensuite, le bandit aurait également dit que Girard n'avait pas à s'inquiéter, car il n'était intéressé que par l'argent.
Photo: Léo Michoud

C'est cette victime que Blick a rencontré ce jeudi à Bassecourt. Yves Girard se souvient très bien de l'incident. L'homme de 71 ans se livre: «Pendant qu’on passait l’aspirateur, j’ai remarqué un gars qui me regardait depuis le bar d’en face. Une Ford Escort aux plaques soleuroises stationnait devant la banque, les portes ouvertes. Un bonhomme entre, avec une perruque rouge et un long manteau, comme dans les films de Sergio Leone. Il sort des bâtons de dynamite et me dit: 'tu sors de derrière la caisse, ou bien tu pètes!'».

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«Je lui ai dit de ne pas faire le con, car je venais de me marier. Il m’a dit: 'T’en fais pas, c’est l’argent qui m’intéresse'»
Yves Girard, ancien banquier de Bassecourt (JU)
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L'ancien gérant poursuit: «Il me tutoyait. Je lui ai dit de ne pas faire le con, car je venais de me marier. Il m’a dit: 'T’en fais pas, c’est l’argent qui m’intéresse'. Il a vidé le tiroir-caisse, mais est passé à côté d’une bien plus grosse somme, dans un coffre-fort laissé ouvert.»

Une tête brûlée connue de tous

Au moment du braquage, Yves Girard ne reconnait pas Marco Müller. Il découvre son identité quelque temps après: «Je sais que c’est lui qui a fait le coup, car plus tard, il s’en est vanté. Sur le moment, j’aurais eu plus peur si j’avais su que c’était lui derrière ce déguisement. C’était une tête brûlée.»

Marco Müller en voulait encore. Il a continué les délits. Lors d'un braquage de banque avec prise d'otages, au Locle (NE), il en a remis une couche. Trois complices l'accompagnent, dont André Jäggi. Depuis l'époque, cet ami d'enfance de Marco Müller a purgé sa peine en prison. Il le connaît mieux que quiconque. «Après le hold-up du Locle, on a dévalisé une armurerie à Bienne et fait une tentative de cambriolage à Delémont», se souvient-il pour Blick.

André Jäggi, lui, est un ancien complice de Marco Müller.
Photo: Léo Michoud

André Jäggi précise: «Après les casses, c’est lui qui prenait le plus gros des sommes. Je n’avais que des commissions. Il m’empruntait parfois de l’argent en me disant qu’il me le rendrait au prochain hold-up.»

Mais la voracité de Marco Müller ne connaissait aucune limite: à Delémont, il a soutiré plus de 800'000 francs à un convoyeur de fonds sous la menace d'une arme. Il s'est ensuite enfui à moto. Une fuite de courte durée puisque 30 minutes plus tard, il se retrouve avec les menottes aux poignets, direction la prison. Un séjour pas vraiment au goût du malfrat qui décide de s'enfuir.

Le jeu du chat et de la souris se poursuit. Marco Müller trouve refuge en France. Audacieux, il offre un cadeau de Noël aux policiers jurassiens et leur envoie une caisse de cognac. Des années s'écoulent. Puis la police française le rattrape à l'aéroport d'Orly à Paris. Retour à la case prison, en Suisse.

«Ses délits étaient prescrits»

Rebelote. Marco Müller n'a d'yeux que pour la vie en liberté. Le jour de son évasion, il descend en rappel par la fenêtre dans la cour. «L'ancien sportif de haut niveau se balance avec agilité sur le mur de la prison», écrivait déjà Blick en août 1988! Il se blesse sur les barbelés. Peu importe, pourvu qu'il se taille. Il attache à nouveau une corde «et se laisse glisser, tel Tarzan, une dizaine de mètres plus bas.» Marco Müller plonge dans l'eau.

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«Je ne pense pas qu’il est revenu dans le village pendant sa cavale. Il n’était pas idiot. Même déguisé, j’aurais reconnu sa démarche, sa manière de se frotter les mains contre les cuisses»
André Jäggi, ami proche et ancien complice de Marco Müller
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Pendant des décennies, il restera introuvable. «Je ne pense pas qu’il est revenu dans le village pendant sa cavale, suppose son ancien complice André Jäggi. Il n’était pas idiot. Même déguisé, j’aurais reconnu sa démarche, sa manière de se frotter les mains contre les cuisses. Personne ne connaît Marco mieux que moi.»

Et puis, en février 2024, l'accident de personne sur le chemin de fer. «La police est venue me dire qu’il est mort. Ça m’a fait tout drôle.» Ce n'est que maintenant, plus de trois semaines après le décès accidentel, que le grand public s'est rendu compte qu'il s'agissait du bandit Marco Müller. «Il n'était plus recherché par la justice suisse, explique la procureure jurassienne Charlotte Wernli, interrogée par Blick. Entre-temps, ses délits étaient prescrits.»

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