À la suite de la publication de ce texte, le Dr. Philippe Saegesser a souhaité amener des précisions. À lire en fin d’article.
Certains propos pourraient prêter à rire si leurs conséquences n’étaient pas si graves. Dans une vidéo publiée le 11 août dernier sur le site d’Agora TV News, la chaîne suisse complotiste, plusieurs personnalités controversées, comme Astrid Stuckelberger, une ancienne privat-docent de l’Université de Genève qui a basculé dans la complosphère, enchaînent les théories farfelues sur le Covid une heure durant. Le fait que les arguments lancés de façon péremptoire soient en réalité scientifiquement infondés ne dérange pas Richard Boutry, l’ancien présentateur à France Télévisions qui anime les échanges avec une complaisance assumée et que «Marianne» surnomme désormais le «roi du bullshit».
Si la participation de ces personnages sulfureux aux «débats» n’est pas surprenante, celle du Dr Philippe Saegesser interpelle. Le praticien, membre du comité de la Société vaudoise de médecine (SVM) d’après le site internet de l’association, ne sourcille pas quand Astrid Stuckelberger assure avec une assurance déconcertante que le vaccin Covid rend les gens «magnétiques» (lire notre fact-checking). Il ne bronche pas non plus quand une intervenante parle de «génocide» ou quand l’ex-universitaire genevoise déblatère sur l’hypothèse d’un Nuremberg bis.
Des délires antivax
Pire, le praticien n’est pas seulement un témoin passif de la litanie complotiste. Le Vaudois intervient à deux reprises. Après avoir appelé les vaccinés et les non-vaccinés à rester «solidaires» pour éviter d’accentuer un clivage dans la société, il enchaîne: «Je pense que pour ceux qui ne sont pas encore vaccinés, il faut qu’ils résistent. Qu’ils trouvent un moyen juridique pour éviter qu’ils perdent leur métier, qu’ils mettent en péril leur famille, l’équilibre économique de leur famille, il faut tenir bon. Cela demande beaucoup de force psychologique mais je crois qu’il faut les soutenir dans cette difficulté».
Alors que la Suisse est actuellement frappée par une quatrième vague de coronavirus, le docteur ne s’arrête pas en si «bon» chemin. «La principale chose qu’il faut dire à l’ensemble des personnes qui nous écoutent c’est qu’ils ont clairement une très grande légitimité à émettre de très gros doutes ou du moins à avoir un très gros degré de suspicion concernant la nocivité des vaccins», assène-t-il, après avoir souligné très clairement ses liens avec la Société vaudoise de médecine. «La première des choses, c’est que les gens qui ne souhaitent pas se vacciner, ce n’est pas pour des raisons farfelues.»
L’homme s’étrangle en disant que l’exercice de la médecine et de la science repose désormais sur des études «randomisées en double aveugle» et plus sur le «bon sens» ou encore le «pragmatisme». Pour étayer ses dires, il s’appuie sur l’expérience d’un de ses collègues qui aurait traité «à satisfaction» 50 patients avec de l’hydroxychloroquine, le traitement du controversé professeur Raoult. Depuis, il a été prouvé à de multiples reprises que cette molécule était sans intérêt thérapeutique.
Ces études ne convainquent pas le praticien. «On sait malheureusement qu’une bonne partie de ces articles scientifiques sont soumis à la pression notamment des lobbys pharmaceutiques qui financent et on sait qu’il y a une forme de corruption vis-à-vis de cette certitude. […] On a l’impression qu’on a une forme d’idéalisation ou de sacralisation du profit comme une nouvelle religion et que toutes les valeurs sur lesquelles reposent l’exercice de la médecine et la science n’ont plus cours aujourd’hui. On est dans une machine infernale destructrice.»
Des positions «hautement problématiques»
Ces délires antivax font bondir Steve Claude, un pharmacien jurassien qui lutte avec beaucoup d’ardeur contre la désinformation en lien avec le Covid sur les réseaux sociaux. «Je suis choqué et c’est bien sûr regrettable de voir ce médecin faire état de ses liens avec la Société vaudoise de médecine car cela accrédite ses positions surréalistes et hautement problématiques», explique-t-il à Blick. «Il fait par ailleurs partie d’un collectif appelant à un moratoire sur les vaccins Covid. Ses propos sont gravissimes et vont à l’encontre des données de la science.»
Pour le passionné de littérature scientifique, les thèses du Dr Philippe Saegesser ne relèvent pas de la liberté d’expression. «C’est de la criminalité à ce stade», écrit-il sur Twitter. L’homme a interpellé la Société vaudoise de médecine. Celle-ci lui a répondu, là aussi sur le réseau social à l’oiseau bleu: «Les propos du Dr Saegesser n’engagent que lui. La SVM s’est prononcée publiquement à maintes reprises en faveur du vaccin et a activement contribué à l’effort collectif lié à la campagne de vaccination vaudoise. Elle continuera à s’investir conjointement avec les autorités».
Une prise de position loin d’être suffisante pour Steve Claude. «Est-ce normal qu’un médecin membre de votre comité propage de la désinformation vaccinale et s’affiche aux côtés de conspirationnistes? N’y a-t-il pas un devoir de réserve de la part des professionnels de santé?», a-t-il rétorqué, en vain. Nous avons contacté Philippe Eggimann mardi en fin d’après-midi pour tenter d’obtenir de nouvelles explications. Ce mercredi matin, le président de la Société vaudoise de médecine nous renvoie d’abord dans un courriel le texte publié sur Twitter. Il indique en outre qu’il répondra «plus précisément» dans la journée.
La réaction du Dr. Philippe Saegesser à la suite de cet article
À la suite de la publication, le 25 août 2021, de l’article «Les délires Antivax d’un ponte de la médecine vaudoise» impliquant ma personne, je tiens à apporter des précisions concernant certains éléments relatés dans ledit article qui portent atteinte à ma crédibilité.
1. Le qualificatif d’Antivax qui m’est attribué laisse supposer que je suis opposé aux vaccinations en général et par principe, ce qui est inexact. Mon opposition actuelle s’appuie sur le principe de précaution et s’adresse à des dispositifs appelés, selon moi, abusivement «vaccins», issus du génie génétique, jamais utilisés à une si grande échelle et dont l’utilisation, pour un objectif d’immunisation collective pose, selon moi, de nombreuses interrogations.
2. Le terme de «délires» qui a été utilisé pour qualifier mes déclarations ne cadre nullement avec le souci de les établir selon des fondements scientifiques et éthiques.
3. Le terme «résister» que j’ai utilisé fait référence aux conditions d’une acceptation liées à des pressions externes et non, comme cela devrait être nécessaire, à un consentement libre et éclairé.
4. Je tiens à ajouter que mes propos et ma participation à l’émission à laquelle l’article fait référence sont à prendre en toute indépendance, tant à l’égard de la société médicale à laquelle j’appartiens qu’à l’égard des tiers ayant participé à cette émission.