Severion Moser, président de l'Union patronale
«La réforme de la LPP n'est pas un vol des retraites, au contraire!»

Le président de l'Union patronale suisse Severin Moser veut éviter un nouveau revers avec la réforme de la LPP. Il explique pourquoi il défend le projet avec le parti du Centre et comment il voit l'avenir de l'AVS. Interview.
Publié: 16.08.2024 à 08:27 heures
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Dernière mise à jour: 16.08.2024 à 09:07 heures
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Le président des employeurs Severin Moser se défend contre les reproches des syndicats qui voient dans la réforme de la LPP un vol des rentes.
Photo: Linda Käsbohrer
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Ruedi Studer

Après la défaite sur la 13e rente AVS, les associations économiques risquent de subir un revers sur la réforme de la prévoyance professionnelle (LPP). Le président de l'Union patronale suisse Severin Moser veut éviter cela. Avec le parti du Centre, son association mène la campagne pour le oui. Dans une interview accordée à Blick, l'ancien athlète explique comment il compte franchir l'obstacle.

Monsieur Moser, vous avez longtemps pratiqué l'athlétisme et êtes habitué à la compétition. Maintenant, vous êtes en finale pour la réforme de la LPP. Comment comptez-vous remporter la victoire?
Nous mettons encore une fois les bouchées doubles dans le sprint final. C'est une bonne réforme, un compromis bien suisse, soutenu par une large alliance. La question est de savoir si nous en restons au statu quo ou si nous faisons un pas en avant.

À l'origine du débat se trouvait le compromis des partenaires sociaux de l'association patronale et des syndicats. Le Parlement l'a balayé d'un revers de main. Cela ne vous agace-t-il pas?
C'est ainsi que fonctionne le système suisse. Mais le projet actuel ne s'écarte pas énormément du compromis des partenaires sociaux. Nous soutenons la réforme de la LPP avec conviction, car elle élimine les défauts actuels du deuxième pilier.

De quels défauts parlez-vous?
Il y a trois éléments importants. Premièrement, les bas salaires et les revenus à temps partiel seront désormais mieux assurés. C'est une contribution importante à la réduction de l'écart de pension entre les sexes. Deuxièmement, la baisse du taux de conversion minimal. D'un point de vue purement arithmétique, il est clair que si l'on vit plus longtemps et que les taux d'intérêt sont bas, le taux de conversion doit baisser.

Et troisièmement?
Il est plus difficile pour les travailleurs âgés que pour les plus jeunes de retrouver un emploi lorsqu'ils quittent un travail. Avec la réforme, l'échelonnement des cotisations salariales LPP sera lissé et les cotisations pour les plus âgés seront réduites. Elles seront ainsi moins chères. Cela les aidera dans leur recherche d'emploi.

La baisse du taux de conversion est la pièce maîtresse du projet. Mais dans de nombreux cas, la promesse de maintenir en grande partie le niveau des retraites ne sera pas tenue...
C'est explicitement faux. Si l'on ne considère que les prestations minimales légales dans la LPP, il y a des gagnants et des perdants. Mais si l'on y ajoute le régime surobligatoire, c'est-à-dire les prestations complémentaires facultatives, 85% des assurés ne sont pas du tout concernés par l'adaptation prévue du taux de conversion. Pas plus que les retraités actuels. En réalité, seule une petite partie des assurés est confrontée à une réduction de la rente et ceux-ci sont pour la plupart indemnisés par de généreuses prestations compensatoires. D'autres recevront une rente plus élevée et beaucoup seront en outre assurés pour la première fois dans le cadre de la LPP avec la réforme.

Pierre-Yves Maillard voit les choses différemment. Pour lui, la classe moyenne typique est la grande perdante. Les artisans, les ouvriers du bâtiment ou le personnel soignant avec un revenu de 70'000 à 90'000 francs par an...
Dans la réalité, ces cas n'existent guère, car la grande majorité est déjà assurée de manière surobligatoire. Pierre-Yves Maillard se réfère à quelques cas exceptionnels. Je considère qu'il est faux de combattre toute la réforme pour cette raison.

Mais l'incertitude demeure, car même la Confédération n'est pas en mesure de montrer combien de personnes bénéficieront d'une meilleure ou d'une moins bonne rente.
Comme je l'ai dit, la plupart d'entre elles sont déjà mieux assurées et ne sont donc pas directement concernées. Si vous voulez savoir exactement ce que la réforme signifie pour vous, le mieux est de vous renseigner auprès de votre caisse de pension. Celles-ci se feront un plaisir de vous renseigner.

Le comité des arts et métiers autour de la conseillère aux Etats UDC Esther Friedli s'oppose également au projet. Il critique une redistribution supplémentaire et des coûts supplémentaires inutiles pour l'économie. Que répondez-vous à cela?
Je peux comprendre que les coûts supplémentaires fassent mal à certaines branches. Mais cette critique prouve que la majeure partie de l'économie accepte les coûts supplémentaires et investit de manière substantielle dans le deuxième pilier. Cela contredit aussi l'affirmation des syndicats selon laquelle les salariés se voient retirer quelque chose. Cette réforme n'est pas un vol de rentes! Au contraire, elle assure une extension substantielle, en particulier pour les bas salaires et les travailleurs à temps partiel.

Cet investissement pourrait être réalisé sans abaisser le taux de conversion.
Dans ce cas, une lacune importante du régime obligatoire LPP ne sera pas éliminée et la redistribution des actifs vers les retraités sera maintenue. Cela se fait au détriment des actifs, car l'argent est prélevé sur leurs revenus du capital. Cette redistribution va à l'encontre du principe du deuxième pilier, où chacun épargne pour soi.

Que se passera-t-il si la réforme tombe à l'eau. Le compromis des partenaires sociaux connaîtra-t-il alors un renouveau?
Je ne le pense pas. Nous risquons de nous retrouver dans une impasse pendant des années, avec tous les inconvénients que cela comporte. Les caisses de pension qui n'ont pas encore résolu leurs problèmes devront chercher de nouvelles voies de financement. Cela coûtera bien plus cher aux personnes concernées que la solution actuelle.

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«Avec la 13e rente AVS, les retraités sont mieux lotis, il est donc juste qu'ils y contribuent également»
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L'AVS constitue un autre front sociopolitique. Après l'erreur de calcul de la Confédération, celle-ci se porte mieux de plusieurs milliards que prévu jusqu'à présent. Qu'en pensez-vous?
Je regrette qu'une telle erreur de calcul puisse se produire. Nous devons d'abord attendre l'enquête neutre. Heureusement, l'AVS s'en sort un peu mieux. Mais le problème de fond demeure: les finances de l'AVS se détériorent un peu moins vite, mais elles se détériorent. Dès 2026, le résultat de répartition sera négatif.

Le Conseil fédéral veut financer la 13e rente AVS par une hausse de la TVA. Votre association a également plaidé pour cette variante. Pourquoi?
Avec la 13e rente AVS, les retraités sont mieux lotis, il est donc juste qu'ils y contribuent également. La TVA est donc plus juste que les cotisations salariales. Compte tenu de la nouvelle situation de départ, nous devrions attendre les nouveaux chiffres. Il n'est pas certain qu'un financement complémentaire immédiat soit nécessaire. Si c'est le cas, nous plaidons pour une augmentation de la TVA limitée dans un premier temps.

Malgré le revers cuisant subi par l'initiative sur les retraites des jeunes libéraux-radicaux, les employeurs continuent d'insister sur l'augmentation de l'âge de la retraite. N'est-ce pas illusoire?
L'évolution démographique ne change pas, le problème de fond demeure. C'est pourquoi nous ne pouvons pas faire l'économie d'une flexibilisation et d'une augmentation de l'âge de la retraite. Nous devons continuer à mener cette discussion.

Nous arriverons alors à la retraite à 66, 67 ans ou plus?
Je ne veux pas m'engager sur un chiffre fixe. Mais l'idée de l'initiative sur les retraites de lier l'âge de référence de la retraite à l'espérance de vie était à mon avis la bonne. Nous pourrions alors également l'adapter par étapes mensuelles. De nouveaux modèles, comme une durée de travail à vie, devraient aussi être examinés. Mais il est clair qu'il faut une solution durable, de sorte que nous ne devions pas décider d'un financement d'urgence tous les deux ou trois ans.

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