Lorsque Beat Lienhard lit lundi dans Blick l’histoire du Bernois Jürg Hirschi, qui doit payer 780 francs d’amende pour avoir roulé trop lentement au col du Julier (GR), tout lui revient en mémoire. «La route du Julier est également un mauvais souvenir pour moi», raconte-t-il au téléphone depuis son lieu de vacances.
En 1999, le moniteur d’auto-école, alors âgé de 44 ans, se rendait en voiture à Samedan (GR). Ironie du sort: il anime alors un stage de sécurité routière. Sur la route du col, il dépasse un camion. Il précise qu’il n’y avait ni de ligne de sécurité, ni d’interdiction de dépasser et aucune circulation en sens inverse.
Il ajoute qu’il a dépassé sur une ligne droite. Le chauffeur du camion a confirmé que la manœuvre n’a pas posé de problème. Malgré toutes les précautions requises, Beat Lienhard regrette encore son geste.
Amendé pour «mise en danger abstraite»
Juste avant de dépasser, le moniteur d’auto-école a croisé une patrouille de police. Elle a ensuite observé, à travers le rétroviseur, comment Beat Lienhard roulait. Après sa manœuvre de dépassement, les agents l’arrêtent et l’accusent de «mise en danger abstraite».
A noter que par «mise en danger abstraite», le droit suisse entend que le danger est certes théorique mais le comportement, lui, est dangereux. En d’autres termes, un acte considéré comme dangereux reste punissable sans qu’un accident soit forcément provoqué. La patrouille de police a donc considéré que le moniteur aurait pu mettre en danger un autre usager qui aurait pu se trouver dans cette zone.
Retrait du permis, interdiction d’exercer, perte de salaire
Une situation que Beat Lienhard n’arrive toujours pas à comprendre: «Cette affaire me poursuit encore aujourd’hui. Parce que je me suis senti injustement traité. En tant que spécialiste de la circulation et moniteur d’auto-école, je n’ai pas eu le sentiment d’avoir fait quelque chose de mal.»
Beat Lienhard a tout essayé. Il a porté l’affaire jusqu’au Tribunal fédéral, accompagné de son assurance de protection juridique – en vain. Il a dû, en plus d’une amende de 500 francs, déposer son permis de conduire pour deux mois. De quoi provoquer un effarement certain. Le moniteur ajoute: «Le retrait de permis signifiait pour moi une interdiction professionnelle – je n’avais même plus le droit d’enseigner la théorie!» Qui dit interdiction d’exercer, dit pas de salaire. En tout, Beat Lienhard a subi une perte d’au moins 16’000 francs suisses.
Après cet incident, des élèves lui ont fait faux bond. Avec du recul, il se rend compte qu’il «a fallu du temps pour que les affaires reprennent».
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Aucun rappel de signalisation
En juin 2019, le Zurichois Martin Hofstetter a encaissé une ordonnance pénale tout aussi absurde – pour «violation par négligence des règles de la circulation». La commune de Buchs avait alors réduit la vitesse de 80 km/h à 40 km/h sur la route de liaison avec Dielsdorf, dans le canton de Zurich. Ce changement de vitesse avait été mis en place pour ménager le goudron en raison de températures élevées.
Les autorités n’ont pas manqué d’effectuer un contrôle de vitesse à cet endroit. «Je roulais à 72 km/h, soit 32 km/h de 'trop'», raconte Martin Hofstetter à Blick. Mais l’automobiliste n’en démord pas: «La signalisation était totalement insuffisante et erronée. Des panneaux de signalisation avaient été installés à deux endroits. Mais entre les deux, il y avait le débouché d’une autre route – sans autre rappel de signalisation.»
Pourtant, l’ordonnance sur la signalisation est claire. Elle indique que «la signalisation annoncée s’applique à partir de l’endroit où se trouve le panneau jusqu’à la fin de la prochaine bifurcation. Si elle doit s’appliquer plus loin, le signal est répété à cet endroit.» Cela semble plutôt logique.
«Remplir la caisse»
Et pourtant, Martin Hofstetter aurait pu se faire retirer son permis de conduire. Mais il n’a pas lâché l’affaire: «J’avais contesté la procédure. Je suis allé jusque devant la justice en juin 2020 et j’ai été entièrement acquitté par le Tribunal de district de Dielsdorf.» La conclusion de la procédure était sans appel: en raison d’une signalisation erronée et insuffisante, la vitesse autorisée au point de mesure était de 80 km/h et non de 40 km/h. Les frais de procédure d’un montant de plus de 8000 francs suisses ont finalement été réglés par les autorités du canton.
Martin Hofstetter est encore agacé de cette histoire: «C’était purement arbitraire de réduire la vitesse à cause de la chaleur. En fin de compte, il s’agissait uniquement de remplir les caisses avec des amendes.» Rétrospectivement, il est fier d’avoir fait opposition à l’ordonnance pénale: «Si je ne m’étais pas défendu, j’aurais dû remettre mon permis pendant au moins trois mois!»
(Adaptation par Mathilde Jaccard)