Jürg Hirschi, 66 ans, n’oubliera pas le 20 février 2022. Ce jour-là, il rentrait de la légendaire course de galop et de trot nommée White Turf, qui rassemble plus de 30’000 spectateurs chaque année dans les Grisons. Pour l’occasion, le Bernois avait loué un cheval, qu’il avait mis à disposition des enfants. Accompagnés de l’animal, lui et sa compagne ont voulu passer de Samedan, dans les Grisons, à Kappelen, dans le canton de Berne, via le col du Julier. Mais Jürg Hirschi n’a pas pu aller très loin avec sa Ford Ranger. «A Tiefencastel, dans les Grisons, la police m’a fait signe de sortir.» Motif? La police a reçu un appel. Un anonyme l'a dénoncé car il descendait trop lentement le col.
C’est risible, tonne le Bernois. Jürg Hirschi n’est pourtant pas un débutant: il roule avec des chevaux et d’autres charges depuis des années. Il n’a jamais eu de problèmes, assure-t-il. Il fait tout ce qu’il peut pour ne pas gêner la fluidité du trafic et se rabat sur les places sur le côté de la route dès que c’est possible. «Mais ce jour-là, presque tous les endroits où j’aurais pu laisser passer des véhicules étaient occupés, regrette-t-il. J’ai néanmoins mis mon clignotant chaque fois que je le pouvais.» Et il est catégorique: il n’a pas pu bloquer la circulation. Il a soigneusement chronométré son temps de descente du col. «Il m’a fallu 75 minutes exactement pour aller de Samedan à Tiefencastel. La durée de ce trajet est estimée à près d’une heure sur Google Maps. Je ne dois pas avoir été si lent!»
«C'est insensé!»
Ses explications sont tombées dans l’oreille d’un sourd. Le 20 mai, Jürg Hirschi a reçu une amende de 780 francs du Ministère public grison. On lui reproche d’avoir enfreint le code de la route. Les autorités auraient compté 175 voitures derrière lui. Insensé, selon le Bernois. «Je n’ai été arrêté qu’après un rond-point à Tiefencastel, où plusieurs cols se rejoignent, décrit-il. La police ne peut pas savoir quelles voitures étaient derrière moi au Julier et lesquelles descendaient des autres cols!» Impossible également d’être sûr que c’était lui qui gênait la circulation. «Il y avait divers véhicules devant moi, dont plusieurs transports de chevaux.»
Jürg Hirschi a fait appel. Constat du Ministère public à la mi-juin: il faut «bien entendu adapter sa conduite au chargement». Mais cela n’a pas empêché l'autorité de maintenir l’ordonnance pénale, en se référant à un témoignage anonyme et aux 175 véhicules. «Je ne comprends plus le monde, soupire le Bernois. Pourquoi le Ministère public croit-il davantage un témoin anonyme qui a informé la police que moi ou ma partenaire? Et ces 175 véhicules peuvent-ils témoigner?» Il refuse catégoriquement de payer et compte bien faire appel de cette ordonnance pénale.
Le procureur responsable admet à Blick que de nombreuses questions de l’accusé sont tout à fait justifiées. Toutefois, il ne veut pas y répondre. La procédure serait encore en cours.