C'est un message alarmant, que Blick a reçu vendredi dernier: «Je vous écris pour vous informer que l'état de santé de Gildas continue de se détériorer. Nous avons été à l'hôpital hier et encore aujourd'hui. (...) Son état devient critique et il est urgent de trouver une solution. Je ne sais plus quoi faire.»
Ces mots sont ceux du papa de ce garçon de dix ans d'origine congolaise renvoyé par la Suisse vers Zagreb en novembre dernier dans le cadre du règlement Dublin alors qu'il souffre de drépanocytose, une maladie génétique qui nécessite notamment des transfusions de sang. Comme Blick l'avait détaillé dans une enquête publiée le 8 février, l'hôpital où l'enfant est soigné à Zagreb a confirmé par écrit que le traitement des patients atteints de cette maladie est «très difficile» en Croatie, en raison du manque de donneurs de sang compatible.
La spécialiste croate qui suit Gildas conseille donc à sa famille de repartir vers un pays où il y a davantage de donneurs potentiels et prône pour l'enfant et ses proches l'obtention d'un visa humanitaire. Suivant ce conseil, la famille du garçon a adressé une demande à la Suisse, par le biais d'une procédure accélérée.
La drépanocytose est une maladie génétique très répandue, particulièrement dans les populations originaires d'Afrique subsaharienne, des Antilles, d'Inde, du Proche-Orient et de certaines régions méditerranéennes. Cette maladie déforme les globules rouges, qui deviennent fragiles et rigides, ce qui abîme à long terme les vaisseaux et les organes des personnes atteintes. Lorsqu’elle est symptomatique, la drépanocytose se manifeste notamment par une anémie, des crises vaso-occlusives extrêmement douloureuses et un risque accru d’infections.
Pour développer la maladie, il faut avoir hérité de deux copies du gêne muté. De nombreuses personnes sont donc porteuses saines de la drépanocytose.
«En Afrique, où les parents d'enfants malades sont stigmatisés, cette maladie n'a pas eu de nom jusqu'à récemment», explique la professeure Mariane de Montalembert, membre du centre de référence sur la drépanocytose à l’hôpital Necker-Enfants malades de Paris. «Les gens l'appellent notamment «la maladie qui empêche les enfants de vivre». Dans certaines régions, la plupart des enfants atteints de drépanocytose ne dépassent pas l'âge de cinq ans. L'hydroxyurée, un médicament qui améliore certains des problèmes cliniques de la drépanocytose en augmentant l'hémoglobine fœtale, protectrice, est «inabordable financièrement dans certains pays d'Afrique», relève Mariane de Montalembert.
En France par contre, où se trouve la plus importante population drépanocytaire d'Europe, 98% des jeunes vivent au moins jusqu'à 18 ans, selon la spécialiste. «Il y a un dépistage systématique à la naissance. Un réseau de soins a été mis en place et nous formons les parents pour qu'ils puissent s'occuper au mieux de leur enfant malade.»
Ailleurs, en Europe, la prise en charge est très inégale. «Dans les pays de l’Est et du Nord de l’Europe, il est très compliqué de trouver les bons produits sanguins pour les personnes drépanocytaires», assure David-Zacharie Issom, co-président de l'association Suisse Drépano et Président de la Fédération européenne de la Drépanocytose. «C’est un problème connu.» Quant à la Suisse, «mieux vaut y être traité dans un hôpital universitaire, précise David-Zacharie Issom. Ailleurs, je ne recommanderais pas.»
La drépanocytose est une maladie génétique très répandue, particulièrement dans les populations originaires d'Afrique subsaharienne, des Antilles, d'Inde, du Proche-Orient et de certaines régions méditerranéennes. Cette maladie déforme les globules rouges, qui deviennent fragiles et rigides, ce qui abîme à long terme les vaisseaux et les organes des personnes atteintes. Lorsqu’elle est symptomatique, la drépanocytose se manifeste notamment par une anémie, des crises vaso-occlusives extrêmement douloureuses et un risque accru d’infections.
Pour développer la maladie, il faut avoir hérité de deux copies du gêne muté. De nombreuses personnes sont donc porteuses saines de la drépanocytose.
«En Afrique, où les parents d'enfants malades sont stigmatisés, cette maladie n'a pas eu de nom jusqu'à récemment», explique la professeure Mariane de Montalembert, membre du centre de référence sur la drépanocytose à l’hôpital Necker-Enfants malades de Paris. «Les gens l'appellent notamment «la maladie qui empêche les enfants de vivre». Dans certaines régions, la plupart des enfants atteints de drépanocytose ne dépassent pas l'âge de cinq ans. L'hydroxyurée, un médicament qui améliore certains des problèmes cliniques de la drépanocytose en augmentant l'hémoglobine fœtale, protectrice, est «inabordable financièrement dans certains pays d'Afrique», relève Mariane de Montalembert.
En France par contre, où se trouve la plus importante population drépanocytaire d'Europe, 98% des jeunes vivent au moins jusqu'à 18 ans, selon la spécialiste. «Il y a un dépistage systématique à la naissance. Un réseau de soins a été mis en place et nous formons les parents pour qu'ils puissent s'occuper au mieux de leur enfant malade.»
Ailleurs, en Europe, la prise en charge est très inégale. «Dans les pays de l’Est et du Nord de l’Europe, il est très compliqué de trouver les bons produits sanguins pour les personnes drépanocytaires», assure David-Zacharie Issom, co-président de l'association Suisse Drépano et Président de la Fédération européenne de la Drépanocytose. «C’est un problème connu.» Quant à la Suisse, «mieux vaut y être traité dans un hôpital universitaire, précise David-Zacharie Issom. Ailleurs, je ne recommanderais pas.»
Que s'est-il passé ensuite? Après avoir assuré à Blick qu'aucune erreur n'avait été commise à sa connaissance au sujet de Gildas et que «les soins médicaux appropriés ont été et sont toujours garantis aux personnes concernées», le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) a fait savoir qu'il avait demandé des clarifications complémentaires concernant le renvoi de l'enfant. Selon nos informations, la Suisse aurait demandé qu'un nouveau rapport médical soit rédigé par la spécialiste qui suit Gildas à Zagreb, afin d'expliquer pourquoi l'enfant ne peut pas recevoir des soins appropriés en Croatie. Ce document serait en cours de rédaction.
Mais le temps presse, comme le souligne le père adoptif du garçon: «La Suisse nous a renvoyés sans prendre en compte la maladie grave de Gildas. Aujourd’hui, il souffre, son état se détériore et il n’a pas accès aux soins dont il a désespérément besoin. C’est un enfant de 10 ans qui lutte chaque jour pour survivre. Chaque jour compte. Nous demandons à la Suisse de reconnaître cette erreur et de lui donner une chance de vivre, en nous permettant de revenir pour qu’il soit soigné correctement. Avant qu’il ne soit trop tard.»
Contre-indication au rapatriement
Comme l'a souligné Blick, les crises récentes en cas de drépanocytose font partie des contre-indications médicales aux rapatriements sous contrainte par voie aérienne listées par le Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM) lui-même. Par ailleurs, le règlement Dublin inclut une clause de souveraineté qui permet à chaque Etat de renoncer au transfert d'une personne requérante d'asile pour des motifs d'humanité et de compassion, ce qui semble correspondre à la situation de Gildas.
«En 2017 déjà, nous avions remis aux autorités fédérales l'Appel Dublin, une pétition forte de 33'000 signatures dont celles de 200 organisations, qui demandait une application plus responsable de la clause de souveraineté», rappelle Louise Wehrli, militante à Solidarité Tattes et Droit de rester Neuchâtel. Huit ans plus tard, il n'y a toujours pas de procédure pour détecter les personnes vulnérables.» La coalition Appel Dublin, qui regroupe différentes organisations, a écrit au SEM et à l'ambassadeur de Suisse en Croatie, Urs Hammer, pour leur demander le retour de Gildas en Suisse le plus rapidement possible.
Sur fond de durcissement de la politique d'asile par le National concernant les requérants criminels ce début de semaine, le cas de Gildas fait réagir certains parlementaires. Alertée sur l'urgence de la situation par la coalition Appel Dublin, la conseillère nationale Delphine Klopfenstein Broggini s'active dans les coulisses pour tenter d'accélérer la procédure concernant le garçon. «Je suis en contact étroit avec la coalition Appel Dublin, le SEM et l'ambassade de Croatie pour une intervention rapide», confirme-t-elle.
Détournés par «l'outrance du moment»
Pour le socialiste vaudois Jean Tschopp, le cas de Gildas «montre qu'en perdant toute humanité, on aboutit à des situations dramatiques.» L'élu souligne qu'il s'agissait ce lundi de «la quatrième session extraordinaire sur l'asile en un an. On est dans la démesure et l'agitation. L'outrance du moment nous détourne des situations réelles d'enfants gravement atteints dans leur santé comme Gildas. On perd tout sens de la proportion.»
Ses propos font écho à un post du conseiller national vert valaisan Christophe Clivaz, qui mentionne également les enquêtes de Blick:
Par ailleurs, le centriste Benjamin Roduit a également déposé une question ce lundi au sujet des renvois d'enfants malades et de la clause de souveraineté. L'élu souhaite savoir «dans quelle proportion la Confédération et les Cantons appliquent cette clause en renonçant aux renvois lorsque l'état de santé d'un requérant d'asile est si gravement altéré qu’un transfert risquerait d'entraîner une détérioration importante de son état de santé, voire potentiellement mortelle, et en particulier lorsqu'il s'agit d'enfants.» Le Conseil fédéral devrait répondre à cette question lundi prochain.
Pour la docteure Saira-Christine Renteria, de l'association romande Médecins action santé migrants (MASM), Gildas devrait être rapatrié immédiatement vers la Suisse: «Il y a un vrai glissement, parce que la parole des médecins n'est pas prise en compte dans cette affaire. Y compris celle des médecins croates, à qui on devrait faire confiance quand ils disent qu'ils ne peuvent pas soigner cet enfant. La médecine n'est pas une science exacte, mais il existe des guidelines qui engagent la conscience médicale. Le problème, c'est que la Suisse n'a pas de règlement d'application suffisamment explicite qui tienne compte des aspects médicaux concernant les renvois Dublin. Est-ce qu'un jour ce manque va se payer d'une vie humaine?»