Débat après l'agression à Malley (VD)
Non, la police municipale lausannoise ne sera pas «désarmée»!

La tentative de féminicide à Malley (VD) relance le débat sur le désarmement de la police lausannoise. Tandis que les critiques fusent, Ilias Panchard, élu communal vert, précise sa proposition: renforcer une police de proximité.
Publié: 15:48 heures
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Dernière mise à jour: 16:08 heures
Après l'agression à Malley (VD), la proposition d'Ilias Panchard, qui demande à Lausanne d'étudier la possibilité que la police municipale réalise certaines tâches sans arme, a été vivement critiquée sur les réseaux.
Photo: Keystone
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

La tentative de féminicide qui s'est déroulée à Malley (VD) mardi matin a ravivé les passions autour du postulat d'Ilias Panchard. Le conseiller communal lausannois vert demande à la Municipalité d'étudier la possibilité de désarmer la police de la capitale vaudoise pour certaines interventions.

À Malley, l'attaquant avait sur lui une arme à feu et un couteau. Il a utilisé la première sur deux hommes qui ont tenté de s'interposer, les blessant. Et le deuxième sur son ex-compagne, qu'il a sauvagement poignardé. La victime est hospitalisée, mais ses jours ne sont pas en danger, a informé le Ministère public ce jeudi.

Sentiment d'insécurité

Sur Facebook, X ou Instagram, l'information et la vidéo montrant l'agression ont généré des dizaines de commentaires. Une partie de la population s'inquiète d'imaginer un monde dans lequel la police débarquerait, munie seulement d'une matraque, face à un agresseur armé.

Ces messages parfois virulents tendent à démontrer la différence de perception entre les élus du conseil communal et les citoyens, et ravivent des questions légitimes autour de la sécurité. Bon nombre de Lausannois partagent un «sentiment d'insécurité» exacerbé.

Démission des agents lausannois?

«Sur les réseaux sociaux, je vois l'avis clair des gens. La police municipale est formée, avec un brevet fédéral, elle est tout à fait légitime pour porter et manier une arme, estime le secrétaire général des Jeunes UDC, Enzo Malorgio. C'est insultant pour les agents municipaux qu'on les considère comme moins compétents. Il ne faut pas s’étonner qu’ils quittent pour d'autres corps qui peuvent encore garder leur arme, soit pour la police cantonale, soit en changeant de canton.»

Une possibilité qui pourrait devenir réalité, estime le corédacteur en chef du journal des Jeunes UDC Suisse. Plusieurs sources lui ont déjà confié leur volonté de quitter la police municipale lausannoise si le postulat d'Ilias Panchard portait ses fruits.

Enzo Malorgio craint pour les effectifs de ce corps de police. «Le vrai problème, c'est le manque de moyens, s'inquiète-t-il. Parfois même, le groupe d'intervention effectue des tâches de policiers classiques et soutient les patrouilles. Priver les policiers municipaux de leur arme amplifierait ce problème.»

Débat en ligne

Sur les réseaux sociaux, le secrétaire général des Jeunes UDC vaudois s'est passablement frité avec Ilias Panchard. «J’aimerais lui dire que, lors de la tentative de féminicide à Malley, l’agresseur avait une arme à feu et un couteau. C’est assez accessible d’acheter une arme en Suisse. Sans arme, les policiers sont en caleçon. Les agents chez nous ne sont pas comme aux Etats-Unis. Ce n’est pas une fierté d’utiliser son arme, c’est plutôt l’inverse. »

Le souci de ce débat, c'est qu'Ilias Panchard n'a pas proposé de désarmer la police municipale. Ou plutôt, pas lorsqu'elle intervient. Contrairement à ce qui a pu être interprété en ligne, les agents ne se retrouveraient pas les mains vides en intervention musclée.

Pas question de retirer les armes en intervention

«Je n'ai jamais demandé de désarmer police-secours, ni les patrouilles et encore moins le groupement d'intervention de la police de Lausanne, corrige Ilias Panchard. J’ai par contre identifié plusieurs domaines où le port d'une arme n'amène pas de plus-value, et la majorité du Conseil communal m'a soutenu.»

L'élu cite les exemples suivants:

  • lorsque les policiers recueillent une plainte au poste, sachant que l'arme peut mettre mal à l'aise selon le vécu des victimes.
  • la gestion des objets trouvés.
  • le travail administratif au bureau.
  • l’encadrement de manifestations paisibles, où la police ne gère que la circulation.
  • les déplacements dans les quartiers populaires où les personnes peuvent avoir un passif et des relations compliquées avec la police.
  • de manière anecdotique, le groupe de musique Groupe 117, dont les agents de police porte parfois leur arme à la ceinture en chantant ou jouant lors des concerts à Lausanne.

Mais l'arme est un prétexte pour l'élu communal. «Là où je veux en venir, c’est que Lausanne n’a tout simplement plus de véritable police de proximité. Il reste un poste de police mobile qui n'est pas très visible. On voit trop peu d'agents dans les rues de Lausanne. C’est difficile de sortir les policiers de leur bureau en dehors des interventions urgentes, même si le Municipal de la sécurité, Pierre-Antoine Hildbrand, a de la peine à le reconnaitre», contextualise l'écologiste.

«On ne voit jamais d'agents»

Cette absence de police de proximité, voilà ce qu'il voulait mettre en avant. «A Lausanne, vous appelez la police pour une situation qui ne met aucunement des vies en danger, et vous avez tout de suite une dizaine de policiers armés qui arrivent. Cela peut créer une escalade des tensions, s'inquiète Ilias Panchard. En dehors du centre-ville, on ne voit quasiment jamais d’agents de police. A mon sens, être présent sans arme participe à la mission d'une police de proximité.»

L'élu voudrait donc un retour d'agents connus des habitants de chaque quartier, qui, via ces bons rapports, aideraient à apaiser des situations tendues et feraient remonter les problèmes. Concrètement, il demande à ce que la police identifie clairement les situations lors desquelles le port d'arme à feu ne lui est pas utile.

Une police «pas attractive»

«J’aimerais qu’une partie des agents soient sur le terrain comme police de proximité, en dehors du centre-ville. Et s’il n’y a pas assez d’agents, utilisons une partie du budget qui n’est pas utilisée», ajoute Ilias Panchard. En effet, le budget accordé par la Ville de Lausanne à sa police est plus important que le nombre de nouveaux agents que parvient à engager la police lausannoise.

«On n’arrive pas à recruter le nombre d’agents demandé par la direction de la police lausannoise, confirme l'élu vert. Savatan forme des agents, mais beaucoup n’ont pas envie d’aller travailler à Lausanne. Pour moi, c'est parce qu'ils sont trop portés sur les interventions et pas du tout sur les liens avec les habitants, et ça ne correspond pas à la vision de tout le monde.»

Un mauvais bilan et une attractivité en berne, notamment au niveau des salaires, participeraient au problème, développe Ilias Panchard. «On ne regarde pas au bon endroit pour recruter. C’est compliqué de construire une police de proximité avec des jeunes recrues sans trop d'expérience», ajoute-t-il.

Pistolet et taser pour l'UDC

Les Lausannois vont-ils entendre cette préoccupation pour ce lien de proximité? Les commentaires sur les réseaux appelaient plutôt à une police encore plus armée pour combattre le crime. «Les gens qui pensent que la police doit être armée en permanence et qu’elle ne peut agir que pour sortir les armes et les gros muscles, c’est une perspective désolante», déplore le Vert.

Il poursuit: «A l’échelle d’une ville comme Lausanne, la police a aussi un rôle de prévention. Et si personne ne veut remplir ce rôle de proximité avec les habitants sans porter une arme à feu, je suis prêt à débattre, car il est urgent de trouver des solutions.»

Lui et le secrétaire des Jeunes UDC pourraient peut-être finir par s'entendre. Enzo Malorgio voudrait aussi armer les polices municipale lausannoise et cantonale de tasers. «C’est très pratique et cela permet d’utiliser moins souvent les armes à feu. Les groupes d'intervention en sont équipés, tout comme la police à Berne», salue-t-il. Ce dernier appelle aussi de ses vœux une unification de la police dans le canton de Vaud, à l’instar du groupe UDC au Grand Conseil vaudois, qui a déposé un postulat en ce sens.


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