Dans un quartier tranquille de Lausanne, l'ancien appartement de Laurent et Marina Bonnet était une véritable «pépite». Un cinq pièces d'une centaine de mètres carré avec un grand jardin pour un peu plus de 2500 francs par mois, et ce, depuis 2005.
«C'était parfait, on n'aurait jamais songé à déménager», témoigne Laurent Bonnet. Rencontrés par Blick devant le lieu où ils ont passé 18 ans, ils avouent, dégoûtés, ne plus ressentir grande émotion à sa vue. Ils ont en effet été forcés de quitter leur domicile, le seul qu'avait jusque-là connu leur plus jeune fille.
En août 2023, le couple d'entrepreneurs et ses deux enfants reçoivent une lettre de la régie les notifiant de la résiliation du bail. Le motif indiqué sur le document que Blick a pu consulter? Un «besoin propre et urgent des membres de la famille du bailleur». Mais les deux Lausannois ne le voient pas de cet œil-là. Ils dénoncent une «résiliation abusive» sur la base de faux motifs d'urgence.
Résiliation pour besoin propre, vraiment?
Un cas qui résonne avec l'un des deux objets soumis à votation le 24 novembre prochain et relatif au droit du bail. En effet, le peuple suisse est amené à se prononcer sur la facilitation du recours à la «résiliation pour besoin propre» par les propriétaires de logements.
La famille Bonnet a ses raisons de douter de la bonne foi de son (désormais ancien) propriétaire. Ses demandes d'informations à la régie sur les «membres de la famille du bailleur» censés les remplacer urgemment n'ont rien donné.
Et dès qu'ils quittent définitivement leur logement, en septembre 2023, Laurent et Marina le retrouvent bien vite sur les sites de location usuels, tels ImmoScout24. En prime, la hausse de loyer a de quoi faire lever un sourcil: le prix mensuel indiqué est de 3430 francs, avec un garage et une place de parc qui le font monter à 3910 francs. Soit une hausse de plus de 1300 francs pour les mêmes objets.
Ils demandaient (et obtenaient) des baisses de loyer
Mais comment en est-on arrivé là? Le couple a sa petite idée. «On demandait des baisses de loyer à chaque baisse du taux hypothécaire, reconnaît Laurent Bonnet. Et à chaque fois, c'était compliqué. Mais ça finissait par être accepté après l'envoi d'une lettre recommandée avec copie à l'Asloca (ndlr: l'association de défense des locataires), qui connait très bien ce propriétaire.»
Pour le comptable de formation, l'homme a «très mal pris» les démarches du couple. «Il a estimé que je ne payais pas assez, se souvient le Lausannois. Il m'avait appelé pour me dire que, dans le quartier, j'avais un des loyers les moins chers. Je lui ai répondu que c'étaient sans doute les loyers des autres qui étaient trop élevés.»
De quoi passer à plusieurs reprises devant une commission de conciliation. «Ses méthodes sont… limites, s'inquiète Laurent Bonnet. Avec moi, ça allait. Mais il a menacé notre voisine de la virer si elle demandait une baisse de loyer. Mais seulement à l'oral, il sait très bien ce qu'il fait.»
Rencontrés, les nouveaux ne veulent pas contester
Les Bonnet finissent par lâcher l'affaire et s'installent en périphérie de Lausanne, cette fois «chez un propriétaire honnête», tacle Laurent. «On est même allés sonner chez les nouveaux locataires de notre ex-appartement, pour leur expliquer ce qui s'était passé avec notre proprio», raconte Laurent Bonnet. En somme, avec un simple recommandé à 5,80 francs, ils auraient pu économiser 1200 francs par mois en contestant la hausse de loyer.»
Mais les repreneurs du bail – qui ne seraient donc pas des proches du propriétaire – refusent de se lancer dans ces démarches «de peur de se faire virer» de ce bel appartement lausannois, durement obtenu. Pour le mari, qui ne décolère pas, ce logement «génère désormais des revenus qui sont limite indécents».
Contacté, le propriétaire accusé n'a pas pu être joint, car actuellement en déplacement à l'étranger. Pour l'Asloca, le référendum sur la résiliation pour besoin propre est un soutien supplémentaire aux propriétaires, pour leur permettre de «chasser les locataires pour relouer plus cher» encore plus facilement. Du côté des partisans du texte, autour des milieux de l'immobilier, la révision de la loi n'est qu'une simplification des critères qui définissent le «besoin propre» du propriétaire.