Que va faire l'UBS de la clientèle d'entreprise suisse? C'est la grande question qui taraude les représentants de l'économie suisse. Ils veulent enfin avoir des réponses après le rachat de Credit Suisse. Jusqu'à présent, la banque s'est contentée de préciser qu'elle prendrait sa décision à la fin de l'été. «Cela dure depuis beaucoup trop longtemps, se plaint un représentant de l'économie. Nous avons à présent besoin de signaux clairs.»
Les représentants de l'économie veulent que l'UBS s'engage à fournir aux entreprises suisses les mêmes services financiers qu'auparavant, même après la fusion. Plusieurs rencontres auraient eu lieu la semaine dernière entre les dirigeants du groupe, les entrepreneurs, les cadres supérieurs de la banque, le CEO Sergio Ermotti et le président du conseil d'administration Colm Kelleher.
Le point central de la discussion? Il concerne les crédits d'entreprise non couverts: leur volume est énorme. Les experts du secteur estiment que la somme des crédits non couverts à Credit Suisse représente à elle seule entre 30 et 40 milliards de francs. Or, presque toutes les grandes entreprises suisses dépendent de ces crédits. Ceux-ci sont importants pour pouvoir croître et réaliser de nouveaux projets.
A lire aussi
Est-ce que 1+1=2 vaut encore pour l'UBS?
Les chefs d'entreprise ne savent tout simplement pas ce qui se passera après la reprise formelle de Credit Suisse par l'UBS, qui devrait être effective en juin. L'UBS pourra-t-elle encore mettre suffisamment de moyens à disposition ou sera-t-elle soudainement bloquée dans l'octroi de crédits? Un dirigeant économique s'exprime ainsi: «Il s'agit de savoir si 1+1=2 vaut aussi pour l'UBS à l'avenir.»
Que veut-il dire par là? Voici un exemple inventé d'une opération de crédit telle qu'elle était courante avant l'effondrement de Credit Suisse: une entreprise a besoin d'un crédit de 300 millions de francs dans le cadre d'un projet. Comme aucune banque en Suisse ne veut assumer seule le risque, plusieurs banques forment un consortium de crédit. L'UBS, en tant que banque cheffe de file, prend 120 millions de francs sur son compte, Credit Suisse 100 millions de francs, la KB zurichoise et la KB vaudoise 40 millions de francs chacune.
Que va-t-il se passer après la fusion? Credit Suisse AG deviendra une filiale d'UBS Group AG. Les risques des deux banques qui resteront séparées - UBS SA et Credit Suisse SA - seront regroupés dans la holding (UBS Group SA). La question qui se pose alors est la suivante: l'UBS est-elle toujours prête à prendre des risques avec ce client, même à hauteur de 220 millions de francs? Pour des raisons de cumul des risques, le comité des risques de l'UBS Group SA pourrait décider de mettre à disposition au maximum 150 millions de francs supplémentaires. Dans ce cas, 1+1 ne donnerait pas 2, mais nettement moins.
Or, ce serait un retour en arrière pour les entreprises suisses, d'autant plus que les banques cantonales ne peuvent pas augmenter leurs limites de crédit aussi rapidement. Les banques étrangères ne sont pas non plus une véritable alternative, car elles se replient sur leur marché national en cas de crise.
Beaucoup de mouvement en coulisses
La seule certitude à ce jour? Toutes les obligations de crédit en cours seront reprises lors de la fusion. Mais la question centrale pour un entrepreneur est de savoir ce qui se passera dans quelques mois, lorsqu'il s'agira de négocier un nouveau crédit consortial. «Il nous manque un engagement clair et public de la banque de continuer à fournir l'intégralité des crédits après le closing», déclare le CEO d'une grande entreprise.
Mais les choses bougent en coulisses, affirme le président d'un groupe coté en bourse. Il a rencontré plusieurs fois la direction de la banque au cours des dernières semaines. Lors de ces entretiens, il aurait reçu l'assurance qu'UBS était consciente de sa responsabilité envers l'économie suisse. «La banque nous a assuré qu'à court et moyen terme, elle irait au-delà de ses propres lignes de crédit pour fournir des crédits aux entreprises.»
Un autre représentant de l'économie confirme également que la directrice d'UBS Suisse, Sabine Keller-Busse, a fait de telles concessions lors d'entretiens confidentiels. Le CEO Sergio Ermotti aurait assuré qu'à l'UBS, la règle 1+1=2 resterait valable à l'avenir.
Mais pourquoi l'UBS ne le dit-elle pas publiquement? Une porte-parole de la banque ne veut pas s'exprimer à ce sujet et renvoie à des déclarations antérieures selon lesquelles les deux entreprises sont deux sociétés distinctes jusqu'au closing.
Les inquiétudes des dirigeants économiques ne sont pas injustifiées. Les plus âgés se souviennent encore de la fusion de l'Union de Banques Suisses et de la Société de Banque Suisse. A l'époque, le résultat n'était pas concluant, se rappelle un industriel. Mais contrairement à aujourd'hui, Credit Suisse pouvait alors prendre le relais.