Lorsque les gymnastes montrent leur savoir-faire lors de compétitions, elles effectuent des exercices qui donnent le vertige: des sauts périlleux, des vrilles, des virages et des équilibres sur la poutre, qui donnent l'impression que les athlètes peuvent défier les lois de la gravité. Les grands écarts et les glissades en font partie.
Lorsque les photographes prennent les gymnastes en photo de face, l'entrejambe est visible, et de nombreuses sportives se sentent alors mal à l'aise. Il arrive même que de telles photos soient manipulées sur Internet.
«Sentiment d'être nu»
La Fédération suisse de gymnastique (FSG) a publié, avant la récente saison des fêtes de gymnastique en juin, des directives contre les photos sexualisées. Le manuel photo «pour la protection des gymnastes» doit garantir «qu'aucune photo suggestive ou éthiquement délicate ne soit publiée ou transmise».
Les directives suisses pour les photographes sont applaudies. La Fédération allemande de gymnastique (DTB) envisage quelque chose de similaire, comme le dit son porte-parole. La gymnaste allemande Sarah Voss a déjà exprimé dans des interviews son malaise dans les petites tenues et parfois «le sentiment d'être nue».
Avec ses collègues Elisabeth Seitz et Kim Bui, elle a donné le ton lors des championnats d'Europe 2021 à Bâle. Les gymnastes ne se sont pas présentées en tenue habituelle avec un décolleté haut sur les jambes, mais en combinaison à jambes longues, lançant ainsi véritablement le sujet.
«Envoyer un signal»
Sur sa fiche d'information, la FSG montre désormais de manière stylisée des «poses délicates» auxquelles les photographes doivent renoncer. «Ne va pas du tout», peut-on lire par exemple à côté de l'illustration d'une gymnaste au sol avec les jambes écartées vers le haut. Pour d'autres, comme le grand écart lors d'un saut, on peut lire: «Ici, tout dépend de l'angle de prise de vue.»
De côté plutôt que de face, c'est généralement correct. «Nous voulions envoyer un signal pour dire que nous ne voulions plus de telles photos», explique Naomi Kempter, collaboratrice du département éthique de la FSG, à l'agence de presse allemande. «Il était grand temps de faire quelque chose comme ça.»
Des décennies de maltraitance
La manière dont les jeunes sportives de haut niveau ont été traitées pendant des décennies a été mise en lumière ces dernières années. Dans de nombreux pays, ce ne sont pas seulement des méthodes d'entraînement impitoyables qui ont été mises au jour. Aux États-Unis, Larry Nassar, médecin de longue date à la Fédération américaine de gymnastique, a été condamné en 2017 à une longue peine de prison pour avoir commis des abus sexuels dans plus de 250 cas.
En Suisse, 2020 athlètes féminines se sont plaintes d'humiliations dans un centre de formation. Dans le cadre du travail de mémoire, beaucoup de choses ont été repensées, explique Naomi Kempter, qui a elle-même été active dans le passé en gymnastique rythmique. C'est ainsi que le thème de la photo a également été mis sur la table. «L'importance de ces thèmes est encore plus visible ces derniers temps», dit-elle.
Des positions de photographes adaptées
Au sein de la Fédération allemande de gymnastique, les photos délicates sont aussi un sujet de préoccupation, comme l'explique le porte-parole Torsten Hartmann. «Nous avons entre-temps quelque peu adapté les positions pour les photographes lors des compétitions», dit-il. «Aux barres asymétriques, par exemple, nous évitons une position frontale devant l'engin afin d'éviter les situations d'écartement directement devant la caméra». Lorsque l'association découvre des photos délicates dans la presse ou sur des sites web, elle s'adresse aussi directement aux photographes.
Et si les personnes contactées ne sont pas compréhensives? L'association n'hésitera pas à ne plus accepter ces personnes comme photographes, répond Torsten Hartmann. Tous ceux qui veulent prendre des photos lors d'événements organisés par l'association doivent s'accréditer, c'est-à-dire que leurs clients doivent prouver leur identité.
Un devoir de sensibilisation
Pendant des décennies, il allait de soi que les jeunes filles gymnastes portaient de petites combinaisons très échancrées. Les juges disaient souvent que seules ces petites tenues permettaient d'évaluer correctement les performances.
Les jeunes gymnastes, qui réalisent parfois des performances de haut niveau dès l'âge de onze ou douze ans, ne font pas encore attention à la manière dont ces photos peuvent être perçues. Cela change avec l'arrivée de la puberté, mais cette problématique a longtemps été considérée comme quelque chose qu'elles devaient «gérer elles-mêmes». Même les parents les plus fiers publient parfois des photos de leur progéniture sur les réseaux sociaux, sans se rendre compte qu'elles pourraient être mal perçues. L'association suisse veut sensibiliser tout le monde avec ses directives.
Archives photos nettoyées
Le fait qu'il soit désormais possible de porter des combinaisons intégrales ou des pantalons de gymnastique courts est un progrès, explique Naomi Kempter de la FSG. Avec la directive sur les photos, la fédération a voulu aller encore plus loin. «Les athlètes doivent pouvoir pratiquer leur sport sereinement, indépendamment de ce qu'ils portent ou de la manière dont ils sont photographiés.»
La fédération suisse a également passé au crible ses propres pages web et remplacé certaines prises de vue. Naomi Kempter elle-même reconnaît des prises de vue de son époque active qu'elle trouve aujourd'hui problématiques. «L'œil s'éduque», dit-elle.
Le responsable des médias de la FSG, Thomas Ditzler, est satisfait de l'écho rencontré par les directives relatives aux photos. La première saison des fêtes de gymnastique depuis leur publication s'achève justement en Suisse. «Les images que j'ai vues», déclare-t-il, «semblent correspondre à ce que nous souhaitons.»
(Avec ATS)