Giulia Steingruber: «Les cicatrices font partie de moi»
En avril 2021 ont lieu les Championnats d'Europe de gymnastique à Bâle. Tout le monde attend Giulia Steingruber – figure de proue de la délégation suisse, chouchou des fans, co-favorite. Après une longue pause dans les compétitions et de nombreuses blessures, la gymnaste est enfin de retour pour ses premiers Européens depuis cinq ans. Mais quelques minutes avant le début de la finale du concours général, la mauvaise nouvelle tombe: la Suissesse doit déclarer forfait en raison de problèmes musculaires à la cuisse gauche.
Elle ne prend la décision de ne pas concourir que sur les conseils insistants de son équipe de médecins et d'entraîneurs: «Je voulais absolument me lancer. Car quand il s'agit de compétition, je me donne à fond.» Quelques jours plus tard, elle devient championne d'Europe au saut de cheval – malgré sa déchirure musculaire.
Il faut toujours tout mettre en balance – de sa part et de celle de son équipe d'encadrement. Que ce soit à l'époque à Bâle, ou tout au long de sa carrière. «Une telle décision peut briser le rêve d'une vie – ou la santé», souffle la Saint-Galloise.
Du côté positif de sa balance: dix médailles européennes, dont six en or, un podium aux Championnats du monde et une médaille de bronze olympique, la première pour une gymnaste suisse. De l'autre côté: une déchirure du ligament croisé, des éclats d'os, des lésions des ligaments et du cartilage des pieds, ainsi que plusieurs opérations. «Je ne suis pas très sensible à la douleur», sourit la jeune femme. Cela a des avantages et des inconvénients: «Certaines choses auraient sans doute pu être évitées si j'avais écouté plus tôt et mieux les signaux de mon corps.»
Elle le dit de manière objective, sans regrets. Malgré de nombreux revers, des blessures et des retours difficiles qui ont mis sa patience à rude épreuve, elle a rarement rechigné. «Probablement aussi à cause de Désirée», explique Giulia Steingruber en faisant allusion à sa sœur aînée, handicapée physique et mentale depuis sa naissance et décédée en 2017 à l'âge de 26 ans. «Grâce à elle, j'ai toujours eu à l'esprit le privilège que représente la gymnastique, reprend-elle. Sa situation a toujours permis de relativiser mes blessures et mes douleurs.»
Il y a un an et demi, Giulia Steingruber s'est retirée du sport de haut niveau parce que son corps et sa tête étaient fatigués. En ce qui concerne ses blessures, l'ancienne athlète de 29 ans se porte aujourd'hui très bien – grâce à une longue pause. Et à de nouvelles opérations au cours desquelles des éclats d'os ont été retirés dans les deux pieds. Au pied droit, le ligament externe a été remplacé et le ligament interne raccourci. Le ligament de la syndesmose (qui sert aux mouvements de la cheville) a été renforcé par deux plaquettes et une sorte de corde qui maintiennent désormais le tibia et le péroné.
Elle n'est pas fière de ses cicatrices au niveau des tendons d'Achille, des chevilles et du genou. «Mais je ne les cache pas non plus. Elles font partie de moi, elles racontent mon histoire», s'exclame Giulia Steingruber, qui suit une formation et travaille dans le marketing sportif.
Son prochain chapitre devrait être à nouveau lié à un peu plus de sport: «Je peux certes courir sur un chemin de gravier sans que mes pieds ne se tordent constamment. Cependant, j'arrive à destination en haletant, car je n'ai plus de condition physique!» Pour reprendre des séances de gymnastique, la motivation lui fait défaut: «Ce serait juste frustrant. Je n'aime pas faire les choses à moitié.» Les arts martiaux la tenteraient bien. À fond, mais avec un plus grand respect pour son corps.
Dominique Herr: «Je me suis battu pour tout»
Sa démarche est un peu raide. Elle laisse deviner que Dominique Herr, 57 ans, a quelques petits bobos. Ce ne sont pas des infirmités dues à l'âge, mais des séquelles de sa carrière de footballeur: entre 1984 et 1996, il a joué au FC Bâle, au Lausanne-Sport et au FC Sion, et a disputé 52 matches pour l'équipe nationale suisse.
«J'ai de l'arthrose dans les chevilles, dans les genoux et dans le dos.» Le Bâlois ne perd pas pour autant sa bonne humeur: «Le sport professionnel est un métier extrême. Certains ont de la chance, d'autres plus de malchance.» Il se considère parmi les chanceux. Il sait que cela aurait pu être bien pire.
Le défenseur central a 18 ans lorsqu'il subit sa première commotion cérébrale. Lors d'un camp d'entraînement, il se cogne tête contre tête avec un adversaire, perd connaissance et se retrouve à l'hôpital. Des collisions lourdes de conséquences comme celle-ci se produisent de plus en plus souvent au cours de sa carrière: «Je n'ai pas compté, mais il y a certainement eu bien plus de sept commotions cérébrales.» À un moment donné, il suffit d'une tête qui n'est pas idéalement frappée pour que Dominique Herr s'évanouisse brièvement.
Au lieu de laisser guérir ses blessures à la tête, il est régulièrement de retour sur le terrain dès le lendemain: «J'ai fait ce que les médecins m'ont dit. Il leur manquait sans doute à l'époque la sensibilité et les connaissances des conséquences que cela pouvait avoir.» Il admet qu'il aurait de toute façon été difficile de le freiner. «Je n'ai même pas pensé aux éventuels dommages à long terme. Cela m'était égal. Je voulais jouer, gagner, avoir du succès – quel qu'en soit le prix», souffle Dominique Herr. C'était aussi la recette de son succès: «Je n'avais pas un énorme talent, je me suis battu pour tout.» Par exemple, sa participation à la Coupe du monde de 1994 en tant que titulaire: «C'était un moment fort.»
Deux ans plus tard, Dominique Herr suit à nouveau les conseils de ses médecins – et se retire afin d'éviter des lésions cérébrales irréversibles. Aujourd'hui, il ne ressent aucune séquelle de ses blessures à la tête. Sa démarche n'est plus aussi souple à cause de l'arthrose et qu'il ne peut plus faire de sport – mais il s'en accommode très bien: «Je ne regrette rien.»
Patrick von Gunten: «Le pire, c'était le dos»
Il y a dix ans, la Suisse remportait enfin une médaille au Championnat du monde de hockey sur glace, après 60 ans d'attente. Patrick von Gunten fait partie de l'équipe argentée et est coresponsable de l'un des moments les plus légendaires du hockey sur glace suisse. «C'était un grand moment fort de ma carrière et des souvenirs qui resteront pour la vie», sourit l'ex-défenseur de 38 ans qui a disputé 759 matches de ligue nationale avec Bienne et Kloten et 94 matchs nationaux au cours de ses 16 ans de carrière professionnelle. Mais il y a un revers à la médaille: deux dents cassées, une opération d'une main, une autre du dos et plusieurs autres de la hanche. «Le pire, c'était le dos, admet-il. Il y avait des périodes où je ne pouvais plus me baisser.»
Pendant des années, les visites chez les médecins, les chiropraticiens et les physiothérapeutes ont fait partie du quotidien de Patrick von Gunten. Ses douleurs et ses blessures sont également traitées par des injections de cortisone: «À un moment donné, j'ai arrêté de compter combien il y en avait.» Il y a cinq ans, des douleurs chroniques au dos et à la hanche l'ont forcé à arrêter sa carrière: «Je n'ai pas ressenti de désespoir, plutôt une sorte de résignation.»
Après sa retraite, les douleurs ne s'atténuent pas immédiatement. «À l'époque, je ne pouvais pas faire de toboggan avec mes garçons», explique l'ancien de Berne et Kloten, dont les fils ont aujourd'hui 9 et 6 ans. Un entraînement musculaire conséquent et une hanche artificielle lui ont finalement permis de retrouver une nouvelle qualité de vie: «Je peux à nouveau faire du ski, de la course ou de la randonnée.»
Jouer au hockey sur glace est possible. Une fois par semaine, Patrick von Gunten est sur la glace avec les vétérans de Kloten. On le voit aussi souvent dans les tribunes – quand ses deux fils jouent. Vont-ils un jour suivre ses traces? Malgré ses nombreuses blessures, Patrick von Gunten ne les en empêcherait pas. «J'ai tellement appris grâce au sport et j'en ai profité dans ma vie, dit le conseiller en entreprise titulaire d'un master. Je n'échangerais mes succès pour rien au monde. Le positif l'emporte sur le négatif.» Malgré ses cicatrices quotidiennes.
Tina Weirather: «Non, ce n'est pas de la malchance»
La liste des blessures de Tina Weirather est longue comme le bras: quatre déchirures des ligaments croisés, sept opérations à un genou, cinq fractures à la main, quatre fractures vertébrales. De la malchance? «Non, affirme avec force la Liechtensteinoise. J'ai fait des erreurs, comme tout un chacun dans son quotidien. En ski, la moindre faute a des conséquences flagrantes.» Analyser les raisons de ses chutes l'a aidée à se battre pour revenir après chaque pause due à une blessure: «Si j'avais cru que mes accidents étaient dus au hasard ou à la malchance, cela aurait signifié une perte totale de contrôle. Je n'aurais alors plus jamais pu skier en toute sérénité.»
Mais Tina Weirather s'en sort. Notamment grâce aux leçons qu'elle tire de ses blessures. Il s'agit de détails concernant le matériel ou la technique de course. Ou la prise de conscience qu'elle ne peut pas toujours se donner à fond: «Avant, je continuais à l'entraînement, même si mon instinct me disait stop. Et lors des courses, je skiais à fond de haut en bas – avec des conséquences désastreuses», se souvient la jeune femme de 34 ans.
Trouver l'équilibre entre l'intrépidité et la prudence, accélérer et écouter ses sensations corporelles, n'est pas facile: «Car si, en tant que sportive, tu n'as pas mal à quelque part, ici une contusion, là un tiraillement, tu ne t'entraînes probablement pas assez dur!» Mais elle y parvient, comme le prouve son palmarès: neuf victoires en Coupe du monde, deux petits Globes de cristal, le bronze olympique et l'argent aux Championnats du monde sont, sur le papier, les plus grands succès de Weirather: «Ces victoires et ces médailles sont magnifiques et constituent également une récompense et une confirmation de tout le travail accompli. Mais ce qui est plus important pour moi, ce sont les expériences vécues, les personnes que j'ai rencontrées et ce que j'ai appris en cours de route.»
Aujourd'hui, elle transmet ce qu'elle a appris à la génération suivante: celle qui est aussi consultante sur la SRF participe, avec d'autres spécialistes du ski, de l'industrie et des sciences du sport, à l'Athletes Health Unit de la Fédération internationale de ski (FIS). L'organisation se concentre actuellement sur la prévention des blessures.
«On peut faire beaucoup de choses, explique-t-elle. Par exemple, apprendre à se comporter dans les airs en faisant des sauts sur un trampoline ou dans une fosse à neige. Ou s'entraîner sur la neige à réagir correctement après une erreur pour éviter les déchirures de ligaments croisés.» Le problème: beaucoup ne veulent pas s'en occuper pour ne pas avoir de pensées négatives en tête: «C'est pourquoi il faudrait commencer dès l'adolescence afin de lever les tabous sur le sujet.» Et elle a une vision précise: «Dans dix ans, le ski sera beaucoup plus sûr.» Grâce à un échange optimal entre les équipementiers et les fédérations, à des airbags, à des sous-vêtements résistants aux coupures et à des systèmes de fixation de ski électroniques.
Aujourd'hui, Tina Weirather n'a pas de séquelles: «Nous plaisantons toujours en disant que mon corps est comme un chat – avec des capacités d'autoguérison étonnantes.» Cela lui permet d'être encore très active sur le plan sportif. Elle aime le yoga, le kitesurf et le parapente. Tina Weirather fait régulièrement du crossfit et de la musculation afin d'être en forme pour ses tournages pour la télévision suisse alémanique. Aujourd'hui, elle ne souffre que très rarement de douleurs. À l'exception de quelques courbatures de temps en temps, lorsque son ambition l'a reprise.