La Confédération doit faire en sorte que le canton d'Uri souffre moins des embouteillages au Gothard. Le Parlement cantonal s'est prononcé mercredi à l'unanimité en faveur d'une initiative cantonale demandant, entre autres, un système de réservation électronique pour les traversées du tunnel. Blick répond aux principales questions à ce sujet.
Comment doit fonctionner le système des créneaux horaires?
Un peu comme une réservation de table dans son resto italien préféré. Celui ou celle qui veut traverser le tunnel doit réserver au préalable un créneau horaire. Les automobilistes qui arrivent dans le créneau réservé peuvent passer le tunnel. Celles et ceux qui arrivent en retard, ou qui n'ont pas de réservation, doivent attendre. Concrètement, celui à l'origine de l'idée, le député uranais Ludwig Loretz (PLR), envisage qu'une des deux voies de l'A2 ne soit ouverte qu'aux conducteurs ayant réservé.
Des billets pour le Gothard – est-ce vraiment faisable?
«On peut réfléchir à un tel système de créneaux au Gothard», déclare Kay Axhausen, professeur de planification du trafic et des systèmes de transport à l'École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). Ce qui est clair, c'est que le Canton d'Uri veut trouver une solution au problème des embouteillages. Et les décisions prises pour réguler l'afflux des camions ont déjà montré l'exemple, en particulier la technique du compte-gouttes. Le système de créneaux pour les voitures de tourisme est une extension logique, estime le professeur.
«Je comprends parfaitement le Canton d'Uri et il est louable qu'il s'implique dans la recherche de solutions au problème des embouteillages au Gothard. Le système de créneaux horaires serait certainement valable, mais il ne devrait pas être facile à mettre en œuvre dans la pratique», estime en revanche Alexander Erath, professeur de transport et de mobilité à la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse (FHNW).
La Confédération est encore plus sceptique: «Nous voyons dans la pratique de gros problèmes pour un tel système de créneaux. On ne peut pas garantir que les automobilistes pourront le respecter», explique Thomas Rohrbach, responsable adjoint de la communication à l'Office fédéral des routes (OFROU). Autre problème: comment trier ce trafic? Il n'est guère possible que seuls les véhicules qui ont réservé un créneau se trouvent sur la voie libre, explique Thomas Rohrbach. Sa conclusion: «Ce système est pratiquement impossible à mettre en œuvre pour nous aujourd'hui.»
En a-t-on même le droit du point de vue juridique?
Oui, dans la mesure où le système de créneaux ne coûte rien aux automobilistes. En effet, en Suisse, les routes sont en principe gratuites – à l'exception de la vignette autoroutière. De plus, le système devrait traiter les automobilistes suisses et européens de la même manière, afin de ne pas violer les accords bilatéraux.
Où se situent les obstacles?
Tous les véhicules se voient attribuer une plage horaire fixe. «Ici se pose la question: que se passe-t-il pour les personnes qui ne peuvent plus traverser le Gothard à leur heure préférée? Devraient-ils dévier par le col du Grand-Saint-Bernard, devraient-ils rouler plus tôt, plus tard, ou plus du tout?», questionne Kay Axhausen. Contrôler totalement l'accès semble difficile: «Quelqu'un qui arrive de l'étranger sur un trajet de huit heures et qui veut passer par le tunnel du Gothard peut par exemple aussi arriver avec un grand retard.»
Alexander Erath voit encore un autre problème: «Que se passe-t-il avec les automobilistes qui n'ont pas réservé de créneau à l'avance, parce qu'ils ont planifié leur trajet à la dernière minute?» Par exemple, un mécanicien de maintenance qui doit se rendre au Tessin à la dernière minute pour des raisons professionnelles.
Des solutions efficaces sont-elles déjà prêtes?
Pas encore, mais il faudra en discuter. «On pourrait faire attendre les conducteurs sans créneau horaire jusqu'au prochain créneau libre. Selon le jour, ce temps d'attente peut être court ou long», avance Kay Axhausen. Mais le Canton devrait alors construire des places de parking pour les longs temps d'attente, ce qu'il ne souhaite probablement pas. Il faudrait donc intercepter les conducteurs sans réservation bien avant le Gothard, les faire réserver, ou les dévier.
N'y a-t-il pas d'alternatives?
Pas pour le moment. «Il me semble plus judicieux de mettre en place ici une tarification de la mobilité, car cela permettrait d'aborder plus efficacement de tels problèmes de congestion du trafic», déclare Alexander Erath. Certes, cela est actuellement contraire à la Constitution. Mais le Conseil fédéral souhaite une tarification de la mobilité et a des projets pilotes dans le pipeline, avec une adaptation de la loi (ce qui ne concerne toutefois pas le Gothard). La question de savoir si et quand la tarification de la mobilité sera finalement réalisable au Gothard est donc une question politique, selon Alexander Erath: «Mais la proposition s'intégrerait mieux dans le concept global que le système de créneaux, surtout parce que les trajets planifiés à court terme restent possibles à tout moment par le Gothard.»
Le motionnaire Ludwig Loretz lui-même déplore que l'on fasse surtout du «catastrophisme», c'est-à-dire que l'on ne voie que le négatif et pas les chances d'un tel système. Selon lui, il faudrait mettre en place ce système progressivement: «Il est envisageable que ce dernier devienne payant à un moment donné. Par exemple, parce que les recettes des taxes sur les carburants diminuent.» Le député PLR voit une autre possibilité dans le fait que les coûts soient par exemple moins chers la nuit que durant la journée. Cela nécessiterait une modification de la Constitution et une modification de l'accord sur les transports terrestres avec l'Union européenne, admet-il.