Stéphan Brann, un homme âgé de 58 ans, occupait un emploi stable chez Swisscom. Avec une formation d'installateur électrique, il avait gravi les échelons au sein de l'entreprise, devenant finalement ingénieur système responsable de la téléphonie fixe interne. Cependant, il a rapidement réalisé que son poste était voué à l'obsolescence à cause de l'évolution technologique rapide. En 2017, Swisscom a abandonné la téléphonie analogique traditionnelle, rendant ainsi les installations de téléphonie fixe internes inutiles. Malheureusement, en 2021, Stéphan a perdu son emploi.
Face à cette situation, Stéphan était déterminé à poursuivre sa carrière dans son domaine d'expertise en tant qu'installateur électrique, malgré la perspective d'une baisse de salaire et même si cela signifiait gagner moins que son indemnité de chômage. Il refusait de rester inactif à la maison. Ainsi, il a entrepris de chercher un emploi temporaire dans le domaine de l'électricité pour évaluer si cela lui conviendrait toujours. À sa grande satisfaction, il a découvert que cela lui convenait parfaitement. Après seulement quatre mois de travail temporaire, il a eu l'opportunité de transformer ce travail provisoire en un emploi permanent. Dès lors, Stéphan a exercé en tant qu'électricien sur divers chantiers, revenant ainsi à ses premières amours.
Les postes temporaires ont le vent en poupe
Stéphan Brann fait partie d'un nombre croissant de travailleurs optant pour des emplois temporaires ces dernières années en Suisse. Depuis les années 90, le pourcentage de personnes acceptant de tels emplois n'a cessé d'augmenter, atteignant actuellement 2,6%. Une tendance notable est la forte croissance du nombre de travailleurs temporaires âgés de plus de 55 ans. Leur part dans le groupe des travailleurs temporaires a doublé depuis 2015, passant de 7 à 14%. Par ailleurs, le pourcentage de travailleurs temporaires âgés de 45 à 55 ans a également augmenté, représentant désormais un quart de tous les travailleurs temporaires.
Ariane Baer, responsable de projet en économie chez Swissstaffing, perçoit cette évolution comme positive. Dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre, les entreprises cherchent à mettre à profit les potentiels inexploités, en particulier chez les travailleurs plus âgés tels que les chômeurs de longue durée ou les anciennes femmes au foyer. Le travail temporaire offre ainsi une occasion aux deux parties d'évaluer si une transition vers un emploi à durée indéterminée est envisageable. De plus, pour les employés, cela réduit la pression d'accepter le premier poste venu, offrant davantage de choix et de flexibilité.
Selon une étude encore non publiée de Swissstaffing, environ un tiers des travailleurs temporaires recherchent délibérément la flexibilité, par exemple parce qu'ils sont encore étudiants. Les deux autres tiers sont à la recherche d'un emploi fixe. Pour ces derniers, le travail temporaire sert souvent de tremplin vers un emploi stable. Selon les données de Swissstaffing, plus de 40% des intérimaires trouvent un emploi fixe dans l'année qui suit leur mission temporaire. De plus, un pourcentage élevé de 84% continue à travailler un an après le début du travail temporaire, soit avec un emploi fixe, un contrat à durée déterminée ou en tant qu'indépendant.
Daniel Lampart, membre de l'Union syndicale suisse, adopte un point de vue différent sur la question. Selon cet économiste, l'augmentation du travail temporaire chez les travailleurs plus âgés reflète leur situation difficile: ils n'ont pas d'autre choix que d'accepter des emplois temporaires. Lampart estime même que le travail temporaire peut aggraver leur situation en rendant difficile la transition vers un emploi permanent. Il souligne que le fait d'avoir plusieurs emplois temporaires successifs peut nuire à leur crédibilité lors de la recherche d'un emploi stable, car cela peut être mal perçu par les employeurs.
Marius Osterfeld, responsable de l'économie chez Swissstaffing, contredit cette vision. Selon lui, le travail temporaire offre de nombreuses fois une passerelle pour les personnes en situation de chômage vers un emploi permanent. Environ un tiers des intérimaires étaient auparavant au chômage, et un an après leur mission temporaire, seulement 12% d'entre eux sont encore sans emploi.
Michael Siegenthaler, du Centre de recherches conjoncturelles de l'EPFZ, se demande toutefois ce qu'il adviendrait des personnes concernées si les emplois temporaires n'existaient pas. Serait-ce le chômage ou auraient-elles accès à des emplois permanents? Sans données et analyses plus précises, il est difficile de le déterminer.
Pour Stéphan Brann, la réponse est claire: le travail temporaire a été une véritable chance pour lui. Lorsqu'il s'est inscrit auprès d'une agence intérimaire, il a été rapidement placé dans une entreprise d'électricité en seulement deux jours. Entre-temps, il a même trouvé un nouvel emploi dans le domaine des télécommunications en tant qu'électricien, profitant de son parcours professionnel précédent chez Swisscom. Pour lui, c'est une boucle qui se referme, marquant une nouvelle étape dans sa carrière.