Thomas Ernst a huit employés. Il en cherche trois autres, mais sans succès jusqu’à présent. Le quarantenaire gère une société de vente et de réparation sur vélo de plusieurs filiales dans la région zurichoise. «Nous sommes obligés de faire patienter les clients parce que nous n’avons pas assez de capacités», regrette le patron.
Pour faire réparer son vélo, il est nécessaire de prendre rendez-vous. Les clients qui arrivent sans avertir ne sont plus les bienvenus: «Certaines personnes entrent sans savoir ce qu’elles cherchent, et racontent leur dernier tour à vélo», rapporte Thomas Ernst. C’est sympathique, mais inefficace.
Une prime de placement de 1000 francs
Il y a aussi un manque de personnel qualifié chez les mécaniciens en cycles. Thomas Ernst et son équipe ont 25’000 clients au total sur les deux filiales. «Ceux qui ont acheté leur vélo chez nous sont privilégiés pour les réparations», explique l’entrepreneur. Sinon, les délais d’attente sont très longs.
Pour trouver des collaborateurs supplémentaires, Thomas Ernst a recours à un moyen inhabituel: la personne qui lui amène un employé reçoit une prime de 1000 francs! «Nous proposons cette prime depuis longtemps. Mais nous ne l’avons encore jamais versée», rapporte-il.
Velosuisse, l’association de la branche du vélo, confirme que la situation est compliquée. Surtout parce que les ateliers de réparation de vélos ont besoin de personnel déjà formé – pas de personnes qui se reconvertissent. Celui qui sait réparer son propre vélo s’imagine vite être un spécialiste du vélo. Loin de là!
Avec la popularité croissante des VTT et des vélos électriques, le métier est devenu plus complexe. «Le métier s’est rapproché de celui de mécanicien sur voiture ou moto. Il faut savoir réparer des composants complexes de suspension, de changement de vitesse et de freinage, explique Martin Platter, directeur de Velosuisse. A cela s’ajoute beaucoup d’électronique. Des connaissances en programmation sont même demandées maintenant.»
L’ensemble du secteur artisanal souffre actuellement d’un manque de main-d’œuvre qualifiée. Outre les mécaniciens vélo, les plâtriers, les peintres et les maçons cherchent désespérément des employés. «Aujourd’hui, ce n’est plus très populaire de faire un travail où l’on doit se salir les mains», explique Martin Platter. Le salaire est également un facteur décisif. En Suisse, les mécaniciens sur vélos gagnent en moyenne 4500 francs par mois.
Boom du vélo
La situation est d’autant plus tendue que le vélo connaît un boom. La pandémie, entre autres, a fait du deux-roues un moyen de transport très apprécié. Il y a donc beaucoup de travail, mais pas assez de personnel.
La solution serait de former davantage de personnes pour la relève. L’entrepreneur zurichois forme des apprentis, mais il ne peut pas en engager un chaque année. «Je n’ai pas les ressources nécessaires. Des formateurs sont essentiels.»
La pénurie de main-d’œuvre qualifiée va encore s’accentuer, et ce dans tous les secteurs, les années à venir. Thomas Ernst reste néanmoins optimiste. «Il faut déjà prendre soin de ses collaborateurs», souligne-t-il. Sa prime de 1000 francs lui permettra-t-elle bientôt de recruter un nouvel employé?