«On ne peut pas violer un peu»
Coupable de viol mais libre: cet expert critique le jugement rendu aux Grisons

Un ex-juge a été condamné pour viol, mais il n'a pas été incarcéré. L'expert en justice Benjamin F. Brägger critique ce jugement. Il explique ce qui devrait changer dans le système juridique suisse pour que tous les violeurs soient emprisonnés.
Publié: 06:01 heures
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Dernière mise à jour: 07:10 heures
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Mardi, un ex-juge a dû se présenter devant le tribunal régional de Plessur, dans les Grisons.
Photo: Sandro Zulian
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Robin Bäni

Un ancien juge de Coire (GR) a comparu cette semaine devant le tribunal. Il lui était reproché d'avoir violé une stagiaire dans son bureau il y a trois ans. Mardi, le Tribunal régional grison de Plessur a rendu son verdict et a déclaré l'homme coupable. Le jugement n'est pas encore définitif, mais il a déjà suscité l'incompréhension dans toute la Suisse, car le condamné reste pour l'instant un homme libre.

Les experts juridiques critiquent clairement le verdict. «Si même un violeur ne doit pas aller en prison… qui alors?», critique Benjamin F. Brägger, juriste et auteur d'un ouvrage de référence sur l'exécution des peines en Suisse. Ce qui irrite particulièrement l'expert c'est que l'ex-juge a été condamné à une peine de prison de 23 mois – mais avec sursis, raison pour laquelle il ne doit pas aller derrière les barreaux. Si l'homme avait obtenu seulement deux mois de plus, il aurait dû purger sa peine. En effet, les peines d'emprisonnement avec sursis ne sont autorisées que jusqu'à 24 mois inclus.

«On a l'impression que le tribunal a tout mis en œuvre pour éviter l'exécution de la peine de prison», s'interroge Benjamin F. Brägger. On ne connait pas encore les détails qui ont mené à la peine prononcée, car les documents écrits n'ont pas encore été rendus public.

Un violeur sur trois échappe à la prison

Des cas comme celui-ci ne sont pas rares en Suisse. Selon l'Office fédéral de la statistique, un violeur sur trois ne va pas en prison, bien que la loi prévoie des peines d'emprisonnement allant jusqu'à dix ans. Les tribunaux n'exploitent souvent qu'une petite partie de l'échelle des peines. Ce sont surtout les personnes sans antécédents judiciaires, comme l'ex-juge de Coire, qui échappent à la prison.

Les tribunaux argumentent que l'exécution de la peine n'est généralement pas nécessaire dans de tels cas pour empêcher d'autres délits. Mais il y a aussi des raisons pratiques: un séjour en prison coûte beaucoup d'argent à l'Etat et les autorités veulent éviter les prisons surpeuplées.

Violences contre les femmes: besoin d'aide?

Vous, ou l'une de vos proches, êtes victime de violences de la part d'un partenaire ou d'un proche? Voici les ressources auxquelles vous pouvez faire appel.

En cas de situation urgente ou dangereuse, ne jamais hésiter à contacter la police au 117 et/ou l'ambulance au 144.

Pour l'aide au victimes, plusieurs structures sont à votre disposition en Suisse romande, et au niveau national.

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Benjamin F. Brägger s'accorde à dire que tous les délits ne justifient pas une peine de prison. «Mais on ne peut pas violer 'un peu', ce n'est pas un délit par négligence.» Le viol est toujours un délit grave, comparable à un homicide. Les victimes sont traumatisées, souvent à vie. «Si un violeur reste en liberté, les tribunaux montrent qu'un viol n'est finalement pas si grave.»

L'expert demande une peine minimale de quatre ans pour les viols. «Cela garantirait que tous les auteurs de viol soient emprisonnés.» Alternativement, la peine minimale pourrait être portée à trois ans, mais des peines avec sursis partiel seraient toujours possibles. Dans de tels cas, les délinquants pourraient souvent s'en tirer avec un bracelet électronique et éviter à nouveau la prison.

Des peines plus sévères pour les violeurs?

La question de savoir si des peines plus sévères seront prononcées est entre les mains des politiques. Jusqu'à présent, de nombreuses tentatives pour augmenter les peines minimales ont échoué. Même la dernière réforme du droit pénal sur les délits sexuels n'a pas modifié les peines. Pourtant, un sondage récent montre que 78% de la population suisse est favorable à des peines plus sévères pour les violeurs.

Le nouveau droit pénal en matière de délits sexuels est en vigueur depuis juillet 2024. Dès que la victime montre qu'elle n'est pas consentante, alors il y a viol. Un état de choc (état de sidération) peut être considéré comme un refus. Le Parlement espère ainsi que davantage d'agressions sexuelles seront dénoncées. Mais Benjamin F. Brägger reste sceptique. «Davantage de dénonciations sont possibles, mais peu de choses changeront dans les jugements.» Les agresseurs peuvent continuer à s'en tirer sans aller en prison.

Un chauffard qui ne blesse personne risque une peine de prison pouvant aller jusqu'à quatre ans. C'est juste, estime Benjamin F. Brägger, et le Parlement a introduit cette règle pour envoyer un signal, car il y a eu beaucoup de morts à cause des chauffards. La question se pose toutefois de savoir quel signal on veut donner en cas de viol.

La semaine dernière, la commission juridique du Conseil national a annoncé qu'elle allait examiner les règles relatives à la violence envers les femmes et «éventuellement les concrétiser». Des peines plus sévères pour les violeurs, oui ou non? Le débat reste un sujet politique ouvert.

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