Le procès des viols de Mazan et les révélations sur l'Abbé Pierre sont les derniers avatars médiatiques des violences sexuelles contre lesquelles des dizaines d'organisations se sont organisées vendredi en «coalition» pour réclamer une «loi intégrale». Cette cinquantaine d'associations et fédérations féministes et de protection de l'enfance, comme le Planning familial, l'Amicale du Nid, En avant toute(s), le Cofrade, appelle aussi à des rassemblements samedi devant les tribunaux à travers la France.
Plutôt que des «mesures parcellaires et éclatées», elles réclament «une loi globale». «Comme associations de terrain, nous identifions 130 mesures dans les domaines de la prévention, de l'éducation, de la police, de la justice, de la santé», explique à l'AFP Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes. Parmi ces mesures, la lutte contre «l'industrie pornocriminelle» et «la culture du viol en ligne», le repérage de l'inceste lors d'«entretiens individuels annuels» avec les mineurs, des soins de psychotrauma pour les victimes remboursés à 100%.
Une forte mobilisation
Les associations féministes «peuvent avoir des points de vue différents, par exemple sur la question du consentement, mais elles sont d'accord sur le fait que rien ne changera sans une approche globale, mieux financée et centrée sur les victimes», explique Mme Mailfert. L'investissement nécessaire contre les violences, physiques, conjugales, sexuelles, est évalué par la coalition à 2,6 milliards d'euros par an, dont 332 millions dédiés en particulier aux violences sexuelles.
Une cinquantaine d'organisations, féministes, étudiantes (Unef, Fage), politiques (LFI, PCF) appellent à des rassemblements samedi pour soutenir Gisèle Pélicot, droguée aux anxiolytiques et violée par son mari et des dizaines d'inconnus récrutés sur internet à Mazan (Vaucluse), et plus largement toutes les victimes de violences sexuelles.
D'Avignon à Toulouse, de Nice à Narbonne, en passant par Paris, Lyon, Marseille ou Clermont-Ferrand: des rassemblements sont prévus devant des palais de justice d'une vingtaine de villes. «Procès des violeurs de Mazan, révélations sur l'Abbé Pierre, viol suivi du meurtre de Philippine: chaque jour qui passe nous montre à quel point la culture du viol imprègne notre société et à quel point l'impunité des agresseurs est forte», écrit Osez le Féminisme.
À lire aussi
Les organisateurs veulent «montrer que la société civile est derrière Gisèle Pélicot et toutes les victimes et demander à la justice de faire son travail», explique à l'AFP Elsa Labouret, porte-parole d'Osez le Féminisme.
Alors que les plaintes ont «explosé (+164% entre 2018 et 2022), le nombre de condamnations reste extrêmement faible et 94% des affaires de viol ont été classées sans suite en 2021», écrivent les membres de la coalition. Pour chaque plainte déposée, les féministes demandent ainsi que «certains actes d'enquêtes soient obligatoirement réalisés dans un délai raisonnable».
«Il y a beaucoup de classements sans suite par manque de preuve, parce qu'on ne mène pas l'enquête. On ne recherche pas les preuves, le suspect n'est pas systématiquement convoqué, on n'interroge pas son entourage, on ne vérifie pas s'il y a dans son ordinateur des images inquiétantes», explique Laura Slimani, directrice projets à la Fondation des Femmes.
«C'est donc que le viol n'est pas grave?»
C'est en examinant l'ordinateur de Dominique Pélicot, arrêté alors qu'il filmait sous les jupes de clientes de supermarché, que les enquêteurs ont découvert les centaines de vidéos et photos documentant les viols qu'il orchestrait sur sa femme.
«Beaucoup de viols ne sont plus jugés devant les jurés populaires des assises mais par des juges professionnels des cours criminelles départementales. Les crimes les plus graves continuent d'être jugés en assises. C'est donc que le viol n'est pas grave?», s'interroge Mme Mailfert. Osez le Féminisme a ainsi fait appel de la décision du parquet de renvoyer devant une cour criminelle de Paris l'emblématique procès pour viols et «traite d'êtres humains» liés aux tournages pour la plateforme pornographique French Bukkake.
«La circonstance aggravante de sexisme ou le chef d'accusation d'acte de torture n'ont pas été retenus pour des dizaines de viols dans la même journée sur une même femme. S'ils l'étaient, les accusés encourraient une peine plus lourde devant une cour d'assises», regrette Elsa Labouret, porte-parole d'Osez le Féminisme.