Dans la grande salle de l'école de Tiefencastel, Ruth Tarnutzer, une Brienzoise de 59 ans, attend. Son apparente bonne humeur masque une certaine nervosité. «Je suis en train d'emménager dans un nouvel appartement dans le village. J'aimerais savoir où nous en sommes. Peut-être que j'en apprendrai un peu plus aujourd'hui à l'assemblée», dit-elle avec espoir.
La réunion d'information de la Commune attire beaucoup de monde. Le parking devant le bâtiment est quasiment bondé. Seuls les agriculteurs manquent à l'appel, encore occupés à faucher les prairies jusqu'à neuf heures du soir, déclare le président de la Commune, Daniel Albertin à l'entame de la rencontre. Puis la mauvaise nouvelle ne tarde pas à tomber: la montagne est devenue imprévisible. Cela ne présage rien de bon.
La situation reste dangereuse
C'est ce qu'explique le géologue Stefan Schneider à la communauté de Brienz: depuis la mi-mai, l'accélération du glissement est passée d'exponentielle à linéaire. «La probabilité d'une coulée de glissement est maintenant devenue plus grande que des éboulements isolés. Mais des chutes de rochers, voire un éboulement, sont toujours possibles», explique l'expert. La courbe qu'il montre indique la vitesse du glissement. Celle-ci pointe toujours vers le haut. La situation reste dangereuse. L'alerte n'est pas encore levée, même si la situation semble peut-être plus calme, conclut l'expert.
Le matin avant l'assemblée, les habitants ont pu rentrer brièvement chez eux. «Quasiment tout le monde a oublié quelque chose. Des objets de la vie quotidienne, des souvenirs, des documents importants, des vêtements», explique Ruth Tarnutzer. Mais la visite à domicile a été difficile: «Je savais que je devais repartir tout de suite. Je n'ai donc pas pu profiter de ce moment. La situation me pèse, même si j'ai une belle maison de remplacement.»
Une permission de 90 minutes
Christian Gartmann, de l'état-major de la Commune d'Albula (la commune administrative sur laquelle se situe le village évacué), comprend parfaitement la frustration des habitants de Brienz. Il explique: «La situation des personnes évacuées est difficile. Ils ne peuvent qu'observer. Certains le disent ouvertement, ils s'impatientent. Mais en principe, nous faisons confiance aux géologues. Ils en savent tellement plus que nous.»
Pour Renato Liesch, 43 ans, habitant de Brienz, la courte visite dans le villlage a également été difficile. Après les 90 minutes maximales, il quitte les lieux contraint et forcé. Il a d'abord aidé sa mère, puis a profité de sa maison. «J'ai pris une douche et rasé ma barbe. J'ai ensuite chargé quelques affaires dans la voiture», raconte-t-il. Une permission de retour qui lui a semblé trop courte. «Tant que les cerfs et les biches sont sur la pente, nous ne devrions pas avoir peur», dit-il. «Les paysans ont le droit de faire les foins toute la journée. Pourquoi nous autres ne pouvons être là que brièvement?», s'énerve-t-il.
Loin d'un retour
Mais la situation ne satisfait pas non plus les agriculteurs comme Gian Liesch (34 ans) qui déplore: «Il y a toujours eu des pierres qui tombent. Nous n'avons pas peur. On n'a pas l'impression que c'est plus dangereux qu'avant.» Il a déjà commencé à couper l'herbe mardi. «Au moins, ça se passe bien, dit-il. Hier, nous avons fait cinq hectares, aujourd'hui encore quatre. Nous ne pouvons produire que des balles d'ensilage, car nous ne pouvons pas aller à la ferme. Les balles d'ensilage doivent alors descendre dans la vallée pour être en sécurité. En hiver, il faudra peut-être les remonter. Je préfère ne pas encore y penser», dit l'agriculteur.
Mais la séance d'information est venue confirmer que la situation restait dangereuse. La décision d'évacuer était la bonne. Christian Gartmann déclare à ce sujet: «Si c'était à refaire, l'état-major de conduite prendrait à nouveau la même décision. L'évacuation était nécessaire. Le danger n'a pas changé maintenant non plus, nous sommes malheureusement encore loin d'un retour.»