Marc Ferracci, député sortant
Marc Ferracci: «L'image de Macron? La conséquence des frustrations des Français»

Le député sortant des Français de Suisse, Marc Ferracci s’est qualifié facilement pour le 2ᵉ tour des législatives (40,5%). Un succès qui n’éclipse pas la déroute du camp présidentiel. Rejet de la politique ou de la personnalité de son ami Emmanuel Macron? Interview.
Publié: 04.07.2024 à 17:51 heures
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Dernière mise à jour: 04.07.2024 à 21:01 heures
Marc Ferracci s'est qualifié pour le deuxième tour des législatives.
Photo: (KEYSTONE/Jean-Christophe Bott)
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Alessia BarbezatJournaliste Blick

Il est l’un des amis de Macron. Il a même été son témoin de mariage et réciproquement. Mais Marc Ferracci est surtout le député sortant (Renaissance) de la 6ᵉ circonscription, celle des Français de Suisse et du Liechtenstein, regroupant 170'000 inscrits. Si cet économiste, l’un des artisans de la très impopulaire réforme des retraites en France, s’est qualifié aisément pour le deuxième tour des législatives françaises (40,5%), ce succès tranche avec la déroute de sa famille politique et son ami, le président Emmanuel Macron. Qui ne semble n’en faire qu’à sa tête? Alors ce président est-il si imbu de sa personne comme les Français semblent le croire? On lui a posé la question. Interview

Marc Ferracci, vous êtes l’un des survivants du camp présidentiel en vous qualifiant au second tour des législatives françaises avec un excellent score (40,5%). Pourquoi la macronie séduit-elle encore en Suisse alors qu’en France, c’est la débâcle?
Je commencerai par attendre les résultats de dimanche avant de poser ce diagnostic. Mais il est clair que l’on va perdre des députés. Un certain nombre s’est d’ailleurs désisté pour faire barrage au Rassemblement national lors de ce deuxième tour. Deux facteurs peuvent expliquer ce vote des Français de Suisse. 

Lesquels?
Cette communauté est moins réceptive aux idées d’extrême droite qu’en France métropolitaine. Les Français de Suisse sont sensibles aux valeurs d’ouverture, économique et territoriale. Ce qui fait qu’ils ne se reconnaissent pas dans les valeurs défendues par le Rassemblement national (RN). 

Et le deuxième facteur?
Je vais faire acte d’immodestie, mais je pense que le travail que j’ai mené depuis deux ans a pu convaincre un certain nombre d’électeurs. Au premier tour, j’ai réalisé 4 points de plus qu’en 2022 (40% contre 36% lors du précédent scrutin) dans un contexte plus difficile pour la majorité présidentielle. Ce résultat est la reconnaissance de mon travail de député.

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«D’un point de vue politique et électoral, la dissolution de l'Assemblée nationale n’est pas un succès, c'est sûr»
Marc Ferraci, député sortant des Français de Suisse et ami proche d'Emmanuel Macron
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Pourtant, votre rivale Halima Delimi du Nouveau Front populaire (NFP) vous a reproché d’avoir été parachuté en Suisse et de ne pas vous y avoir beaucoup vu. Êtes-vous un parisien hors-sol?
J’ai envie de dire que c’est de bonne guerre, c’est le jeu électoral. Mais ces critiques, cousues de fil blanc, ne correspondent pas à la réalité. Mon bilan est public et atteste d’avancées très concrètes comme l’accord sur le télétravail des frontaliers, la dématérialisation des démarches administratives pour obtenir ses papiers d’identité ou encore le renforcement de l’accès à l’enseignement français à l’étranger. Si ma rivale ne me croit pas sur parole, elle n’a qu’à écouter mes adversaires de 2022, Régine Mazloum-Martin (Les Républicains) et Nicolas de Ziegler (Les Républicains). Ceux-ci m’ont apporté leur soutien public en affirmant que j’avais fait un bon travail de député.

Vous êtes un proche d’Emmanuel Macron, avez-vous été surpris par l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin? Ou faisiez-vous déjà imprimer vos tracts pour cette nouvelle campagne éclair?
Je n’étais pas dans la confidence. Je me trouvais en Suisse pour ces élections européennes à circuler entre les différents bureaux de vote. En montant dans le TGV Lyria, pour Paris, j’étais député. En sortant, je ne l’étais plus. Cette annonce a été une parfaite surprise pour moi et la grande majorité des observateurs et des élus. Mais nous nous sommes remis en campagne très rapidement. Une campagne dense et intense dont on verra les résultats dimanche

Avec cette dissolution, le président Macron souhaitait renforcer la majorité présidentielle. À l’issue du premier tour, le pari semble complètement perdu, non?
On ne peut pas faire un autre constat que celui-ci. C’est factuel. L’objectif affiché était de renforcer la majorité présidentielle, mais force est de constater que nous aurons un nombre significatif de députés en moins à l’assemblée. L’opération a échoué. 

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«L’image d’Emmanuel Macron est sans doute une conséquence de ce que vivent une partie des Français et peut-être des frustrations qu’ils ressentent vis-à-vis de l’action publique»
Marc Ferraci, député sortant des Français de Suisse et ami proche d'Emmanuel Macron
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Quel est l’enjeu aujourd’hui pour le camp présidentiel? Sauver les meubles?
Éviter que le RN n’obtienne une majorité absolue. Ce qui devrait être le cas avec cette stratégie de désistements adoptée par la gauche et notre camp en cas de triangulaires. Mais il faut faire attention, car quand désistement il y a, il n’est pas toujours avéré que l’électeur qui avait voté au premier tour suive les consignes de vote au second. On fera les comptes dimanche, mais on peut d’ores et déjà avoir deux certitudes: le RN va se renforcer et la majorité présidentielle n’en sera plus une. Il va falloir gouverner et légiférer autrement en fonction des rapports de force à l’Assemblée nationale.

Plus que la majorité, est-ce que ce n’est pas la France qu’Emmanuel Macron a perdue?
La relation entre le président de la République et les Français a subi tout d’abord l’usure du pouvoir. Sept ans de pouvoir, ça ne laisse pas indemne. La relation s’est aussi dégradée avec une partie de la population, avec des personnes qui, dans leur vie quotidienne, ressentent de la frustration et de la colère. Du ressentiment qui, assez naturellement, se reporte sur le président. C’est quelque chose qui est parfois difficile à admettre ou à percevoir, même si je pense que le président en est conscient. Des gens sur le terrain lui font part des propos des citoyens. Avec cette dissolution, Emmanuel Macron pensait qu’une nouvelle dynamique pouvait s’engager.

C’est raté.
D’un point de vue politique et électoral, ce n’est pas un succès, c'est sûr. En organisant si rapidement de nouvelles législatives, le RN a pu capitaliser sur la dynamique qu’il avait aux européennes. Espérer que les Français retournent leur vote dans un laps de temps aussi court était probablement une décision hasardeuse.

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Jordan Bardella m'inspire une parfaite inaptitude à gouverner»
Marc Ferraci, député sortant des Français de Suisse et ami proche d'Emmanuel Macron
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Est-ce son action ou sa personnalité que les Français rejettent? On le dit prétentieux, imbu de sa personne, vous qui le côtoyez, vous comprenez ce sentiment?
Moi qui le connais, je peux vous dire que l’image qui s’est construite autour de lui ne correspond pas à la réalité. Ça ne convaincra pas les gens, certes. Qu’est-ce qui, dans les votes, relève de la relation avec le président et qu’est-ce qui relève de déceptions face à des réponses politiques qui n’ont pas été apportées sur les questions de travail, de logement ou d’accès à la santé? C’est difficile de le dissocier. Aussi, l’image que l’on renvoie est la conséquence de notre travail, qu’on soit élu ou président. L’image d’Emmanuel Macron est sans doute une conséquence de ce que vivent une partie des Français et peut-être des frustrations qu’ils ressentent vis-à-vis de l’action publique.

Jordan Bardella, Premier ministre, cela vous inspire quoi?
Une parfaite inaptitude à gouverner qui s’est manifestée durant cette campagne avec des reculades sur quasiment l’ensemble des points du programme du RN. Un programme absurde et construit de manière incompétente. Jordan Bardella a refusé de participer au dernier débat télévisé, car il savait très bien qu’il allait être interpellé sur la personnalité de beaucoup de candidats du RN, dont on a pu se rendre compte qu’ils avaient proféré des propos homophobes, racistes, tous plus stupéfiants les uns que les autres. Il n’a aucune expérience gouvernementale, ni même professionnelle. Il est dans l’incapacité d’exercer une mission telle que celle du premier ministre. Ce que beaucoup de gens ont bien compris.

Pourtant, un tiers des Français qui se sont rendus aux urnes semble penser qu’il en a l’étoffe.
Un tiers de l’électorat n’est pas la majorité. Il y a beaucoup de personnes parmi ces 10 millions de Français qui ont glissé un bulletin de vote pour le RN sans être convaincues que Jordan Bardella puisse faire un bon premier ministre. Certains ont voté par colère, par dégagisme, pour envoyer un message de sanction à ceux au pouvoir. Si Jordan Bardella devait accéder à Matignon, on verrait très vite que face au choc de la réalité, la communication est une chose, mais la compétence en est une autre.

Cela fait plus de 20 ans qu’on assimile le vote RN à un vote contestataire. Mais est-ce qu’on n'est pas en train de basculer dans un vote d’adhésion?
Oui, vous avez raison. Il y a une partie désormais de l’électorat RN qui est séduite par les idées du parti, par les promesses sur le pouvoir d’achat. Alors qu’il suffit de se pencher sur ces mesures pour voir que celles-ci sont inconséquentes et qu’elles aboutiraient à dépenser beaucoup d’argent public sans aucun effet sur le porte-monnaie des Français. Certains sont séduits par les mesures sur l’immigration comme celle qui vise à rétablir les frontières nationales, cette fameuse double frontière qui entraverait la circulation des personnes avec des désagréments extrêmement lourds. Beaucoup sont sensibles aux promesses sur lesquelles le RN est déjà en train de revenir. Comme la retraite à 60 ans.

Votre pronostic. À 20h, dimanche soir?
Au niveau national, il est très difficile de faire des projections pour le nombre de sièges. Je pense qu’il y aura une majorité relative pour le RN. Il faudra se mettre autour de la table entre toutes les forces responsables, les partis de cette nouvelle Assemblée, qui ne sont pas forcément d’accord sur tous les sujets et discuter d’une feuille de route. Un peu comme en Suisse. Ces accords doivent se construire en excluant le RN, mais aussi La France insoumise (LFI), un parti qui a attaqué les valeurs républicaines tout au long de son existence. Et qui a fait de la violence et de la dégradation des institutions républicaines, une stratégie politique. Il est inconcevable d’avoir un dialogue avec LFI. Mais avec les autres forces, il faudra se mettre autour de la table.

En renvoyant dos à dos l’extrême droite et la France insoumise, ne faites-vous pas le jeu du RN?
Non, je ne pense pas. On ne fait pas le jeu de l’extrême droite en réaffirmant nos valeurs républicaines. C’est ce que je fais en m’écartant de LFI.

Un dernier pronostic, plus facile. Une finale France - Suisse à l’Euro, vous y croyez?
Ce sera difficile. L’équipe de Suisse m’a beaucoup impressionné ces derniers jours. Elle a fait une démonstration de force face à l’Italie. Si on retrouve la Suisse en finale, ce sera un très beau symbole pour l’amitié franco-suisse et la tâche sera ardue pour l’équipe de France.

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