«Être actif de la sorte comporte des risques pour nous», affirme Sahar A.* Malgré tout, l'Iranienne ne peut plus rester silencieuse. Elle fait partie des organisatrices d'une manifestation contre le régime iranien qui a eu lieu samedi après-midi à Zurich.
Sahar, qui ne souhaite pas dévoiler son vrai prénom, part du principe que les protestations en Suisse sont également surveillées par le régime islamique. Elle s'inquiète des informateurs qui pourraient prendre des photos des manifestants. Tout comme elle, les participantes ont donc besoin de courage. «Celles et ceux qui descendent actuellement dans la rue en Iran sont encore plus courageux», nuance-t-elle.
Depuis près d'un mois, des manifestations se tiennent tous les jours dans les rues iraniennes. La mort de Mahsa Amini, 22 ans, a été le déclencheur des protestations. Elle avait été arrêtée par la police parce qu'elle ne portait pas correctement son foulard. Peu après, la jeune femme est décédée en garde à vue. Un électro choc pour des milliers de personnes qui manifestent désormais dans tout le pays contre le gouvernement iranien. En Suisse aussi, le mouvement rencontre un écho considérable.
Solidarité d'une conseillère nationale
Quelques centaines de personnes se sont rassemblées à Zurich. Elles étaient 500 à Berne, selon un photographe et une correspondante de l'agence de presse Keystone-ATS. La conseillère nationale verte bâloise Sibel Arslan était elle aussi présente dans la plus grande ville du pays. Par solidarité, elle s'est coupé les cheveux sur une scène devant les manifestants.
A Berne cette fois, de nombreux participants ont brandi des drapeaux kurdes. La manifestation de la Capitale a été organisée par le Parti démocratique du Kurdistan iranien en Suisse. Sur une banderole, ils ont demandé «la liberté pour tous les prisonniers politiques en Iran». Plusieurs oratrices ont aussi exprimé leur solidarité avec les femmes du pays. Le slogan «Femmes, vie, liberté» a été scandé à plusieurs reprises.
Plus seulement une question de foulard
L'organisation «Free Iran Switzerland» fait avant tout des revendications aux politiciens suisses. Elle souhaite que Berne reprenne les sanctions de l'UE et des Etats-Unis contre l'Iran et qu'elle convoque l'ambassadeur iranien. Elle demande en outre que la Garde révolutionnaire, l'armée iranienne, soit classée comme organisation terroriste: «Il faut qu'il y ait enfin une secousse dans la politique. Jusqu'à présent, nous n'avons entendu que des paroles en l'air», tonne Sahar A.
Cette femme de 39 ans a elle-même de la famille en Iran et est régulièrement en contact avec eux. Mais elle détourne rapidement le regard devant des vidéos montrant des violences directes contre les manifestants dans son pays d'origine.
En évoquant l'avenir, la femme reste positive: «La protestation touche toutes les tranches d'âge en Iran. Il ne s'agit plus seulement d'une question de foulard, mais de liberté et de démocratie. Il y a beaucoup d'espoir partout. L'espoir que cette fois-ci, on va y arriver.» La violence policière croissante à l'égard des manifestants l'inquiète toutefois au plus haut point.
*Le nom a été changé
(Adaptation par Thibault Gilgen)