La jeune Kurde iranienne de 22 ans est décédée le 16 septembre, trois jours après son arrestation par la police des moeurs à Téhéran pour avoir, selon celle-ci, enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique pour les femmes, prévoyant notamment le port du voile.
Son décès a déclenché une vague de protestations en Iran et des manifestations de solidarité à l'étranger. Mercredi, le président français Emmanuel Macron a dit son «admiration» pour les «femmes» et les «jeunes» qui manifestent en Iran.
La ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly a quant à elle dénoncé mercredi sur Twitter «le recours continu à la violence par le régime iranien contre les manifestants, qui a entraîné la mort de citoyens, notamment des enfants», en exhortant Téhéran à «mettre fin à son agression».
Les autorités iraniennes affirment que Mahsa Amini est décédée des suites d'une maladie et non de «coups», d'après un rapport médical rejeté par son père. Son cousin a affirmé qu'elle était décédée après «un violent coup à la tête».
Retiré leur voile
En signe de défi, de jeunes femmes, des étudiantes et des écolières ont retiré leur voile et ont fait face aux forces de sécurité, depuis le début du mouvement de contestation, le plus important depuis celui de 2019 contre la hausse du prix de l'essence.
Mercredi, les Iraniens, femmes et hommes, sont à nouveau descendus dans la rue pour crier leur colère. Les slogans criés par les manifestants ont été ponctués par des coups de feu à Ispahan, Karaj et dans la ville natale de Mahsa Amini, Saqez, dans la province du Kurdistan (nord-ouest), selon des vidéos partagées par le groupe Iran Human Rights (IHR) basé à Oslo et le groupe de défense des droits kurdes Hengaw basé en Norvège.
A Téhéran, des étudiantes ne portant pas le voile ont défilé dans une rue en criant «Mort au dictateur», d'après une vidéo vérifiée par l'AFP. Toujours dans la capitale, les forces de sécurité ont tiré du gaz lacrymogène pour disperser une manifestation d'avocats scandant «Femme, vie, liberté», d'après des images diffusées par l'IHR. Au moins trois avocats ont été arrêtés selon le journal réformateur Shargh.
Selon l'agence de presse iranienne Isna, des manifestations ont eu lieu dans certaines parties de la capitale, y compris à l'Université de Téhéran. Les forces de l'ordre sont intervenues «pour rétablir l'ordre sans recourir à la violence», a-t-elle dit.
«Ennemis» de l'Iran
Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a de nouveau accusé les «ennemis» de l'Iran d'être «impliqués dans les émeutes». Le 3 octobre, il a mis en cause les Etats-Unis et Israël. Depuis le 16 septembre, au moins 108 personnes ont été tuées dans la répression des manifestations, selon l'IHR. En outre, des centaines de personnes ont été arrêtées.
La répression est particulièrement sévère à Sanandaj, la capitale de la province du Kurdistan, où selon des ONG les autorités ont utilisé des armes lourdes dans certains quartiers. «Soyez la voix de Sanandaj», peut-on lire sur un tract diffusé sur les réseaux sociaux malgré les sévères restrictions d'accès à internet. Les magasins sont restés fermés dans la ville.
«La communauté internationale doit empêcher d'autres meurtres au Kurdistan», a lancé Mahmood Amiry-Moghaddam, le directeur de l'IHR.
Les Iraniens ont été appelés en outre à manifester «en solidarité avec le peuple héroïque de Zahedan», capitale de la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est), où les forces de sécurité ont tué au moins 93 personnes dans des violences déclenchées le 30 septembre lors de manifestations contre le viol présumé d'une jeune fille par un policier, selon l'IHR.
Au moins 28 enfants ont péri
D'après la Société iranienne pour la protection des droits des enfants, au moins 28 enfants, «la plupart dans la province défavorisée du Sistan-Baloutchistan», ont été tués lors de la répression des manifestations.
L'Unicef s'est dite «très inquiète» des informations faisant état «d'enfants et d'adolescents tués, blessés et arrêtés». Le ministre iranien de l'Education Youssef Nouri a démenti que des élèves aient été emprisonnés. Lundi, la contestation s'est étendue au secteur pétrolier, avec des grèves et des rassemblements dans plusieurs villes, d'après l'IHR.
Après les Etats-Unis, le Canada et d'autres pays occidentaux, les 27 pays membres de l'Union européenne ont donné leur accord pour sanctionner les responsables iraniens impliqués dans la répression, selon des sources diplomatiques.
Washington de son côté a dit s'activer pour faire bénéficier les Iraniens d'un accès libre à internet. La numéro deux de la diplomatie américaine, Wendy Sherman, a ainsi discuté mercredi en visioconférence avec une vingtaine de grandes entreprises technologiques, selon le porte-parole du département d'Etat. «Elle a réaffirmé l'engagement des Etats-Unis à permettre la libre circulation de l'information dans le monde, en particulier pour les pays soumis à des sanctions, dont l'Iran», a précisé Ned Price.
(ATS)