«Soyez la voix de Sanandaj», peut-on lire sur un tract distribué par des militants et diffusé sur les réseaux sociaux.
Cette ville, capitale du Kurdistan, la province du nord-ouest de l’Iran d’où était originaire Mahsa Amini, a été le théâtre d’importantes manifestations sévèrement réprimées, selon des ONG qui ont accusé les autorités d’avoir bombardé certains quartiers d’habitation.
Malgré des centaines d’arrestations et une répression meurtrière, le mouvement de contestation, le plus important en Iran depuis celui de 2019 contre la hausse du prix de l’essence, ne faiblit pas.
Répression sanglante
Il a été déclenché par la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, décédée trois jours après son arrestation par la police des moeurs à Téhéran pour avoir, selon celle-ci, enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique pour les femmes, prévoyant notamment le port du voile.
Mercredi, des militants ont appelé à de nouveaux rassemblements «en solidarité avec le peuple de Sanandaj».
«La communauté internationale doit empêcher d’autres meurtres au Kurdistan en apportant une réponse immédiate», a lancé Mahmood Amiry-Moghaddam, le directeur de l’ONG Iran Human Rights (IHR), mettant en garde contre «une imminente répression dans le sang» dans cette province.
D’après l’IHR, basée en Norvège, au moins 108 personnes ont été tuées en Iran dans la répression des manifestations, durant lesquelles les protestataires ont scandé «Femme, vie, liberté» et «Mort au dictateur».
Selon l’ONG, quatorze personnes ont été tuées au Kurdistan mais ce bilan n’inclut pas les victimes de la «répression sanglante» des trois derniers jours, durant lesquels «de larges manifestations» ont eu lieu à Sanandaj. Ailleurs, onze personnes ont notamment été tuées dans la province de Téhéran et 28 dans celle de Mazandaran (nord), d’après l’IHR.
Mercredi, l’Autorité judiciaire iranienne a indiqué avoir inculpé 125 personnes, arrêtées lors des «récentes émeutes».
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Les filles en première ligne
Des écoliers avaient rapidement rejoint le mouvement de protestation, criant des slogans hostiles au régime, tandis que des filles enlevaient leur voile, défiant les forces de l’ordre.
Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (Unicef) s’est dit lundi «très inquiet» des informations faisant état «d’enfants et d’adolescents tués, blessés et arrêtés», tandis que la Société iranienne pour la protection des droits des enfants a dénoncé la «violence» exercée contre eux.
Au moins 28 enfants ont été tués dans la répression, «la plupart dans la province défavorisée du Sistan-Baloutchistan», d’après le groupe basé en Iran.
Les Iraniens sont d’ailleurs appelés à manifester mercredi «en solidarité avec le peuple héroïque de Zahedan», capitale de la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est) où les forces de sécurité ont tué au moins 93 autres personnes dans des heurts distincts, selon l’IHR.
Dans ce cas-ci, les violences avaient été déclenchées lors de manifestations pour protester contre le viol présumé d’une jeune fille par un policier.
Accès à internet fortement restreint
Lundi, la contestation s’est étendue au secteur pétrolier, avec des grèves et des rassemblements dans l’usine pétrochimique d’Assalouyeh (sud-ouest), à Abadan (ouest) ou Bouchehr (sud), d’après l’IHR.
Les autorités ont imposé des restrictions d’accès à Internet, entravant le travail d’enquête de l’ONG sur l’ampleur de la répression, a déploré son directeur.
Avant les manifestations de mercredi, prévues à partir de la mi-journée, le site NetBlocks, qui observe les blocages d’internet à travers le monde, a constaté en matinée «une perturbation majeure du trafic internet en Iran».
Cela «limitera probablement encore davantage la libre circulation d’informations sur fond de manifestations contre la mort de Mahsa Amini», a-t-il indiqué sur Twitter.
Les autorités iraniennes ont affirmé que la jeune femme était décédée des suites d’une maladie et non de «coups», d’après un rapport médical, rejeté par son père.
Selon des analystes, les manifestations s’avèrent particulièrement difficiles à gérer pour le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei âgé de 83 ans, en raison de leur durée et de leur nature multiforme, allant des manifestations aux actes de défi individuels.
(ATS)