Emmanuel Macron n’en parlera pas à Berne. Pas question, lors de sa visite d’État en Suisse ces 15 et 16 novembre, de réveiller le cauchemar des avions Rafale. Fini! Terminé! Tant pis pour Dassault, le constructeur aérien français qui, depuis la décision du Conseil fédéral d’acheter des F35 américains le 30 juin 2021, engrange les commandes à l’étranger pour son chasseur-bombardier.
L’Inde, l’Indonésie, le Qatar, les Émirats arabes unis, l’Égypte… Le ciel du «sud global» comme on surnomme aujourd’hui les pays émergents, vire au tricolore. Et l’industrie française de l’armement, au troisième rang mondial, respire d’un profond soulagement.
Sommet Choose France
Le président français n’a même pas mis le sujet des équipements de défense au menu de la rencontre qu’il aura avec des investisseurs helvétiques potentiels dans l’Hexagone. Il est vrai qu’en la matière, c’est surtout la Suisse qui achète, même si la France a confirmé, peu de temps après le rejet du Rafale, la commande de neuf avions d’entraînement Pilatus.
Lors de son passage éclair en Suisse, Emmanuel Macron a surtout convié à sa table des dirigeants de multinationales, pour leur redire l’attractivité de la France comme il le fait chaque année au château de Versailles, lors du sommet Choose France, juste avant le Forum économique mondial de Davos. Sauf que les industriels tricolores, eux, aiment les francs et l’armée suisse. La coopération de défense entre les deux pays, qui s’appuie sur deux accords de 1997 et 2003, recèle encore selon eux de belles possibilités.
«Nous disposons d’un socle solide pour le renforcement de la coopération en matière de défense avec la Suisse et soutenons l’effort d’interopérabilité entre les forces armées, effort facilité par des capacités militaires reposant sur des systèmes similaires», juge un rapport du Sénat français de 2021, consulté par Blick. Selon ce document, «la réforme en cours de l’armée suisse, qui se traduit notamment par l’augmentation constante du budget alloué à ses forces armées pour améliorer la disponibilité de ses moyens, devrait induire de nouveaux investissements, dont une part consacrée au renouvellement de la défense aérienne.»
La France n’a pas abandonné l’idée de vendre à la Confédération des systèmes de batterie sol-air franco-italiens SAMP/T «Mamba», produit par MBDA et Thales. Et dans le domaine de l’artillerie, une star est née sur le front ukrainien: le canon autoporté Caesar, que Paris a fourni à Kiev. «On ne va pas lâcher prise. Il n’est pas concevable que des forces armées qui coopèrent si étroitement ne partagent pas des matériels communs», juge un diplomate français précédemment en poste à Berne.
Viola Amherd à Paris
Le rapport du Sénat fait un rappel historique: «En matière d’exportations d’armements avec la Suisse en général, les prises de commande de 2009 à 2018 représentent 209,3 millions d’euros. Le dernier contrat majeur d’armement remporté par la France concerne l’acquisition des Mirage IIIS et IIIRS dans les années 1980 (pour 1,5 milliard de francs). Depuis, les principales exportations ont été le système de radars de surveillance et de détection.» Mais comment convaincre l’État-Major suisse de regarder aussi du côté occidental de la frontière, et pas seulement du côté de l’Allemagne et de l’Autriche, deux fournisseurs réguliers de l’armée helvétique?
A Paris, le ministère de la Défense espère voir revenir Viola Amherd, dont la dernière escale dans la capitale française remonte à octobre 2019, avant la décision d’acheter des F35. La cheffe du DDPS avait alors visité la direction générale de l’armement, qui supervise les ventes de matériel de défense. L’idée de produire ensemble des équipements de protection contre les attaques chimiques et bactériologiques avait alors été évoquée. En attendant de rediscuter d’armes, d’obus et de missiles…