Ils sont hôtelier, responsable associatif, acteur, retraité, journaliste, entrepreneur. Tous sont des Suisses de France, installés de longue date dans ce pays qui a fini par devenir le leur.
Certains, binationaux, votent aussi en France. Et tous ont un avis tranché sur Emmanuel Macron, ce président attendu à Berne mercredi 15 novembre avec son épouse Brigitte pour une visite d’État qui le conduira ensuite à Lausanne et Genève.
Notre premier interlocuteur est un propriétaire d’hôtel parisien. Un établissement près de la Madeleine. Un autre, en travaux, sur les quais de la Seine. La discrétion est son habitude, mais sur la France et son chef de l’État, il est intarissable. Surtout pour le défendre.
«Macron est tout, sauf un politicien qui aurait sa place en Suisse, juge ce professionnel du tourisme. Il fonctionne à l’intuition et aux idées. Il aime les concepts. Il mise tout sur la séduction.» On passe en revue, ensemble, les grands moments des sept années écoulées de présidence.
Que retenir? «La France est sur le devant de la scène, se réjouit notre hôtelier, qui mise sur les Jeux olympiques 2024 et leur succès espéré. On aime critiquer Macron, mais il n’est pas planqué. Il se bat pour que la France soit aux avant-postes. Il prend des risques.»
Démocratie défaillante?
François Garçon est essayiste. L’un de ses ouvrages «France, Démocratie défaillante» (Ed L’Artilleur) dissèque les failles françaises. Le voici devant nous, au micro, pour le premier épisode du nouveau podcast de Blick consacré à l’actualité française: l’Helvetix Café.
«En fait, il n’y a pas de point de comparaison possible entre un président comme Emmanuel Macron et nos politiciens suisses. En termes d’éclat, il est imbattable. Même au niveau européen, il a peu de rivaux. Mais pour les résultats, c’est autre chose.»
Un bon point? «Oui, sa réforme de l’École Nationale d’Administration, la fameuse ENA dont il est lui-même issu, véritable goulet d’étranglement des élites françaises et verrou du pays. Sauf que là aussi, la question est celle de l’après. Ça va donner quoi? Le problème de Macron, c’est le suivi.»
Arts et culture
Il faut aussi penser aux arts, à la culture. Emmanuel et Brigitte Macron se sont beaucoup investis dans ce domaine depuis leur arrivée au palais de l’Élysée, après l’élection de mai 2017. Ils sortent au théâtre. Ils accueillent régulièrement des artistes. Le président a inauguré le 31 octobre la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts (Aisne).
Catherine Schwaab a longtemps été journaliste culturelle à «Paris Match». Cette Suissesse juge que la visite d’Emmanuel Macron en Suisse est une «bonne chose». «Beaucoup d’artistes ont pu tenir durant la pandémie grâce au 'quoi qu’il en coûte' budgétaire. La France macroniste se pense en vitrine. Il y a les start-up numériques, mais aussi la culture. Les fractures sociales du pays sont réelles, mais la créativité est au rendez-vous. Paris bouge. Paris attire. Macron est une pièce maîtresse de cette vitrine.»
La comédienne Anne Richard est connue, en France, pour son rôle dans la série télévisée «Boulevard du palais», dans laquelle elle a longtemps incarné une juge. Elle est parisienne depuis des décennies. Nous l’avions rencontré au festival du film francophone d’Angoulême. Son avis sur Emmanuel Macron? «Il me fait penser à un acteur. Il joue son rôle. Il connaît par cœur son texte. La difficulté, c’est quand il sort de la scène pour aller à la rencontre du pays réel. On sent qu’il veut conquérir les Français. Mais on ne sait pas s’il les aime.»
Une partie de la France
Michel Koeb est retraité installé en province, près de Béziers. Ce musicien suisse s’investit dans les Restaus du cœur. Il est partagé. Oui, Emmanuel Macron divise. Il fracture. Mais la France peut-elle être gouvernée par consensus ou à coups de compromis?
«Au fond, il ressemble à une partie de la France: urbaine, pressée, volontariste et aussi égoïste. Il avance en se disant que le reste de la population le suivra.»
Nous voilà assis, avec son épouse Silvia, suisse allemande, en train de parler santé, protection sociale, générosité du système français comparé aux assurances médicales privées helvétiques. «Moi aussi, j’ai pensé comme Macron que ce pays dépense un «pognon de dingue» avoue-t-elle, s’étonnant de ne jamais savoir combien coûte, par exemple, une intervention chirurgicale en France.
«C’est un président qui parle trop, beaucoup. Mais si l’on est objectif, on doit admettre qu’il dit aux Français des vérités que ceux-ci ne veulent pas entendre. C’est ce que beaucoup ne lui pardonnent pas.»