L'UDC Kevin Grangier surprend
«Je suis pour la légalisation de toutes les drogues»

Lors d'un débat sur Léman Bleu mercredi, Kevin Grangier s'est dit en faveur d'une libre consommation de drogue, à condition que l'Etat ne doive pas essuyer les plâtres. Le président de l'UDC Vaud va à l'encontre de la ligne de son parti. Pourquoi? Interview.
Publié: 08.04.2023 à 06:09 heures
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Dernière mise à jour: 08.04.2023 à 11:18 heures
Kevin Grangier fait face à un dilemme: «D'un côté, bouger le cadre légal est dangereux. De l'autre, renforcer les ressources publiques visant au respect de ce cadre légal, c'est trop cher.»
Photo: Valentin Flauraud/Keystone/Laurent Gillieron
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Amit JuillardJournaliste Blick

Venant d'un conservateur, président de l'Union démocratique du centre (UDC) vaudoise et membre du comité directeur du parti au niveau national, la prise de position a de quoi surprendre. Mercredi soir, peu après 20h, lors d'un débat télévisé sur Léman Bleu organisé en collaboration avec Blick, Kevin Grangier se prononce pour une légalisation totale de toutes les drogues. Une façon de faire face à l'échec des mesures actuelles, argumente-t-il dans l'émission «Le PoinG», présentée par Laetitia Guinand. Aux oubliettes, la répression si chère à sa famille politique!

Le père de famille pose toutefois ses conditions: en cas de régularisation des stupéfiants, il est exclu que l'Etat débourse le moindre centime pour faire de la prévention ou soigner les toxicomanes. «Pour moi, c'est une question de liberté et de responsabilité», martèle le stratège, pro de la communication, qui a mené Guy Parmelin au Conseil fédéral et redonné le sourire à l'UDC genevoise lors des récentes élections. Interview.

Lors d’un débat sur Léman Bleu, dans l'émission «Le PoinG», vous avez dit être pour la liberté de consommer de la drogue. Vous étiez sérieux?
(Rire) Je dis toujours les choses de manière sérieuse, surtout lorsque le sujet l'impose. Pour moi, c'est une question de liberté et de responsabilité. Si des gens souhaitent consommer des produits plus ou moins addictifs, ils doivent être libres de le faire, à condition qu'ils prennent la responsabilité d'en assumer les conséquences.

Vous êtes pour une légalisation de toutes les drogues?
Dans l’absolu, j’ai envie de vous répondre: oui, mais à condition que l'Etat ne doivent pas essuyer les plâtres. Nous ne pouvons pas arrêter de mettre des barrières tout en continuant à accompagner et à prendre en charge — socialement et médicalement — les consommateurs à coups de millions. J'aimerais délier ce débat de l'approche morale qu'on peut avoir et le porter sur le terrain de la solidarité sociale. Quand quelqu'un décide, de manière autonome, de consommer des produits qui peuvent le rendre inapte à assumer ses responsabilités sociales, mettre à mal son employabilité, et donc sa capacité de payer des impôts, alors il faut qu'il en assume les conséquences.

On oublie la prévention et la prise en charge médicale?

C’est en tout cas là qu’il faut situer le débat, sur la ligne de crête entre liberté et responsabilité. Aujourd'hui, on constate que la prohibition ne marche pas. On dépense énormément d'argent public dans des politiques peu efficaces. Partant de là, ne cherchons plus à condamner les consommateurs de stupéfiants. Mais ne dépensons pas non plus des sommes astronomiques dans des programmes d'accompagnement, des locaux de shoot en ville, ou d'autres types de mesures aux frais du contribuable.

Conséquence, on ne paierait pas pour une maladie qu'on pourrait attribuer à l'héroïne, par exemple?
C'est évidemment plus nuancé et compliqué que ça. Mais le monde politique doit agir là où son action peut produire des effets. Le cap que je propose, c'est la liberté et la responsabilité.

Vous avancez qu'une légalisation coûterait cher parce que le nombre de consommateurs augmenterait au même titre que les coûts pour le système de santé. Or, aujourd’hui, rien ne permet de dire que réguler ferait appel d'air...
… et rien ne permet d’affirmer l’inverse. Ce qui est sûr, c'est que le risque existe. Est-il énorme ou marginal? On l'ignore. Est-ce qu'on a le droit de faire courir ce risque à la société? Je me fais le porte-parole des gens qui me ressemblent: des petits entrepreneurs, des bosseurs, des gens qui se lèvent tôt et essaient de s'en sortir. A la fin, nous sommes ceux qui paieront. Donc essayons une autre voie, mais faisons-le prudemment. Je reste convaincu que la pénalisation de la consommation a un effet sur beaucoup, comme la limitation de la vitesse sur les autoroutes.

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«A Lausanne, c'est plus difficile de se procurer un sandwich que de la drogue, parce que les commerces ont une heure de fermeture!»
Kevin Grangier, président de l'UDC Vaud
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Vous êtes néanmoins d'accord pour dire qu'aujourd'hui, le Conseil fédéral et le Parlement se satisfont de la situation actuelle, de la banalisation et de la dépénalisation de fait?
C'est peut-être la meilleure solution possible. Comme vous, et à regrets, je constate la banalisation et la grande accessibilité de la drogue. A Lausanne, c'est plus difficile de se procurer un sandwich, parce que les commerces ont une heure de fermeture! D'un côté, bouger le cadre légal est dangereux. De l'autre, renforcer les ressources publiques visant au respect de ce cadre légal, c'est trop cher.

Vous représentez le parti de la tolérance zéro, aussi en matière de drogues. Aujourd’hui, les spécialistes constatent l’échec de la répression et parlent de décriminalisation de fait. Vous êtes amer?
Je suis amer parce que la drogue a des conséquences dramatiques sur la santé. Dans mon village (ndlr: Noville, dans le Chablais vaudois), je connais des gens qui sont tombés dedans, des amis d'école, avec qui j'ai grandi, qui ont été de bons élèves, qui finalement ont subi les affres des stupéfiants. Je regrette donc que ces produits soient si accessibles. Mais, en tant que responsable politique, je dois me demander comment la politique doit agir pour aborder ce problème efficacement au vu de la banalisation des stupéfiants, de leur usage grandissant et de leur disponibilité. Il faut sortir des postures politiques et affronter la réalité telle qu’elle est afin que les pouvoirs publics puissent apporter des effets là où ils peuvent en avoir.

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