Le renchérissement en Suisse recule légèrement. Actuellement, il est inférieur à 2%. «Mais c'est en regardant en arrière que l'on se rend compte de la montagne sur laquelle nous nous trouvons», explique Dirk Renkert, expert financier chez Comparis, le comparateur en ligne.
En effet, l'inflation a augmenté de plus de 5% au cours des deux dernières années. Mais les produits et les services n'ont pas augmenté au même rythme, et tous les prix ne sont pas logés à la même enseigne. Beaucoup peuvent se passer d'un vélo électrique, dont le prix a peu augmenté, mais tout le monde doit manger. Or, c'est précisément dans le domaine de l'alimentation que les prix ont connu une hausse nettement plus importante que pour de nombreux autres biens.
Le pain, la farine et les produits céréaliers ont ainsi augmenté de 9,7% depuis juin 2021. Le lait, le fromage et les œufs sont encore plus chers, avec une hausse de plus de 10%. Le sucre a augmenté de plus de 13%, le beurre de 15% et la margarine de plus de 22%. Les prix du chocolat, de l'eau minérale et de la bière ont eux aussi largement dépassé le renchérissement général.
Les fruits, les légumes, les pommes de terre et les champignons sont restés dans la norme avec 4,3%. «Dans ce domaine, les prix ont toutefois nettement augmenté en juin, explique Dirk Renkert. La raison en est la mauvaise situation météorologique, notamment en Espagne.»
Les Suisses de plus en plus en retard dans leurs paiements
Les entreprises profitent de ces prix élevés: Le géant de l'alimentation Nestlé a vendu moins de produits au premier semestre, mais a augmenté son chiffre d'affaires de 8,7% et son bénéfice de 7,7%. Les chiffres d'affaires des détaillants ont augmenté de 3,7% en juin. Lindt & Sprüngli a augmenté sa marge de 9,3% et son bénéfice de plus de 36% au premier semestre. Les entreprises contestent pourtant avoir réalisé des bénéfices excessifs avec l'inflation.
Une chose est sûre: la majeure partie du renchérissement retombe sur les clients et les employés. Et ceux-ci sont de plus en plus souvent en retard dans leurs paiements, comme le montre une enquête de Blick auprès des offices des poursuites de certaines villes alémaniques.
Ainsi, les cas de poursuites privées ont augmenté de 20% à Lucerne au cours du premier semestre 2023. Coire a enregistré 17% de plus de commandements de payer, Saint-Gall 12,4%. Dans la ville et la région d'Aarau, les cas ont augmenté de 10,7%. Zurich a enregistré une hausse de 9,5% et Bâle-Ville de 8,4%. A Winterthur (ZH), les poursuites ont augmenté de 10,7%.
«Nous avons enregistré une forte augmentation des cas de poursuites, en particulier en juin et début juillet, explique Oliver Pfitzenmayer, directeur de l'office des poursuites de Winterthur-Ville. Mais comme les procédures de recouvrement prennent du temps, les conséquences de l'inflation ne se sont pas encore pleinement fait sentir. Nous nous attendons à un durcissement vers la fin de l'année.»
«Ils s'endettent pour pouvoir manger»
La forte augmentation des commandements de payer fera également grimper le nombre de saisies avec un certain retard. «Nous nous attendons à une forte augmentation des exécutions de saisies pour le deuxième semestre», déclare Silvio Lenz, chef de service de l'office des poursuites de Plessur à Coire.
Il n'est donc pas surprenant que les demandes de prise en charge de factures augmentent dans les bureaux régionaux de Caritas. «Les personnes à faibles revenus n'ont plus d'amortisseur», explique Aline Masé, responsable du service de politique sociale chez Caritas. Ce qui inquiète particulièrement la responsable, c'est que «de plus en plus de personnes qui viennent nous voir en consultation paient leur nourriture avec des cartes de crédit». La raison: «Ils n'ont plus rien dans leur porte-monnaie. Ils s'endettent pour pouvoir manger.»
Au cours du premier semestre, les 22 magasins Caritas de Suisse ont enregistré une augmentation de 14% de la fréquentation et de 20% du chiffre d'affaires – le plus élevé étant celui des denrées alimentaires de base: 34%. «Les gens dépensent vraiment leur argent pour acheter le strict nécessaire», explique Aline Masé.
Selon elle, les augmentations de prix pratiquées par les détaillants sur les collections bon marché comme M-Budget et Prix Garantie sont d'autant plus incompréhensibles. En effet, l'année dernière, Migros et Coop ont passablement augmenté les prix de ces lignes – jusqu'à plus de 20%. Aline Masé conclut: «Ils augmentent ainsi leur marge au détriment des plus pauvres!»