Moins de pouvoir d'achat
La perte de salaire réel s’élève désormais à 2000 francs par an!

En Suisse, le renchérissement engloutit toutes les augmentations de salaire. Cela ne peut plus durer, avertissent les syndicats. Le pouvoir d'achat diminue, mettant en danger l'économie.
Publié: 07.06.2023 à 07:37 heures
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Dernière mise à jour: 07.06.2023 à 07:38 heures
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En raison du renchérissement, les salaires réels baissent en Suisse.
Photo: Keystone
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Christian Kolbe

Après la hausse du prix des produits au supermarché et l’augmentation des primes des assurances maladie, l’ajustement des loyers va faire mal au porte-monnaie de nombreux ménages suisses.

Avec toutes ces hausses, il ne reste plus grand-chose des augmentations de salaire des années précédentes. Pire encore, les salaires réels – c’est-à-dire l’estimation du salaire en tenant compte du pouvoir d’achat effectif – diminue. Et ce n’est pas sans conséquences pour l’économie.

L’Union syndicale suisse (USS) a fait ses calculs et dresse un tableau sombre en se basant sur l’indice des salaires de l’Office fédéral de la statistique (OFS): dans de nombreuses branches, les salaires réels ont baissé et se situent parfois au même niveau qu’il y a dix ans.

La construction et la consommation souffrent

Les employés du secteur des transports et de la logistique ainsi que les collaborateurs des services postaux sont particulièrement touchés. Dans ces branches, le salaire réel est nettement plus bas qu’en 2016. Même calculé sur l’ensemble des branches, le salaire réel – et donc le pouvoir d’achat – a baissé.

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Selon les syndicats, la perte de salaire réel s’élève désormais à environ 2000 francs par an par rapport au salaire moyen en Suisse, qui est d’environ 6600 francs. «C’est une somme assez importante pour les gens, explique Daniel Lampart, économiste en chef de l’USS. A long terme, la demande pourrait baisser en Suisse, nous le ressentirons nettement dans la consommation et la construction.»

Les signes indiquant que les craintes des syndicats pourraient se concrétiser se multiplient. La Société suisse des entrepreneurs s’attend «pour les unes ou deux prochaines années à une activité de construction un peu plus faible que les années précédentes». Ceci notamment en raison de la hausse des taux d’intérêt et des coûts de construction.

Les salaires réels continuent de baisser

Dans le domaine de la consommation également, les signaux d’alarme sont au rouge: dans le commerce de détail, les chiffres d’affaires ont baissé en avril. L’important pilier conjoncturel qu’est la consommation est freiné.

«La consommation privée va croître moins fortement, mais elle ne va pas s’effondrer», analyse Michael Siegenthaler, expert du marché du travail au Centre de recherches conjoncturelles de l’EPF de Zurich (KOF). En effet, l’immigration peut encore compenser la perte de pouvoir d’achat.

Toutefois, les salaires réels devraient continuer à baisser en Suisse. Les syndicats ne sont pas les seuls à le répéter. L’OFS vient de publier une première estimation de l’évolution des salaires pour cette année. Certes, les salaires nominaux augmenteront de 1,8%. Mais avec un renchérissement attendu de 2,5%, il en résulte, en fin de compte, une perte de salaire réel. C’est déjà le cas pour les deux années précédentes.

Il faut des rémunérations plus élevées

Même les employeurs doivent l’admettre. «Les négociations salariales pour l’année 2023 ont été substantielles, même si le salaire réel est temporairement négatif en raison du renchérissement», souligne Simon Wey, économiste en chef à l’Union patronale suisse. Il relativise: «Il en va autrement à l’étranger, où l’on constate parfois de plus grosses pertes de pouvoir d’achat.»

Seulement, la baisse du pouvoir d’achat commence à en faire souffrir plus d’un en Suisse. La recette des syndicats est claire: «Tous les employés ont besoin d’une compensation du renchérissement et d’un petit quelque chose en plus, exige Daniel Lampart en vue de l’automne 2023. En période d’inflation, il faut des augmentations générales de salaire, et pas seulement individuelles.»

Après une longue période sans inflation, nous devons nous habituer à penser en fonction du renchérissement, et pas uniquement en termes de salaires nominaux: «Les Suisses de la classe moyenne ne remarquent pas si vite qu’ils ont moins d’argent dans leur porte-monnaie», estime Michael Siegenthaler. Résultat: «De nombreux employés n’en demandent pas assez lors des négociations salariales.»

Le coût de la vie augmente avant les salaires

«Le salaire n’est qu’un des critères d’un employeur attractif. Pour les employés, des meilleures conditions de travail, comme la possibilité de travailler à temps partiel ou à domicile, ou encore davantage de vacances, sont toujours plus importantes», explique l’économiste en chef de l’Union patronale suisse, Simon Wey.

Il contredit les syndicats qui voient une grande marge de manœuvre pour les augmentations de salaire en raison de la hausse des marges. «Ce n’est vrai que si les entreprises peuvent également adapter leurs prix au renchérissement. La plupart d’entre elles voient d’abord leurs propres frais augmenter en raison du renchérissement», explique le spécialiste. «On ignore encore totalement à quoi ressemblera l’automne salarial.»

La situation conjoncturelle décidera également de ce qu’il en sera lors des négociations salariales de 2023. Toujours est-il que, contrairement à certains pays voisins, la Suisse n’est pas menacée de récession. Depuis le début de l’année, l’économie se porte plutôt bien. Mais Michael Siegenthaler met lui aussi en garde contre des attentes trop élevées: «Pour compenser toutes les pertes de salaires réels de ces dernières années, il faudrait que les salaires convenus par convention augmentent dans des proportions historiques.»

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