Vêtu d'une veste d'hiver et d'un bonnet, Ivica K.* est assis dans sa camionnette. Le livreur de colis est en route pour Planzer dans la région de Zurich. Il prenait sa pause déjeuner de quelques minutes lorsque SonntagsBlick l'a joint par appel vidéo.
Ivica K. est fatigué et énervé: «Les objectifs quotidiens fixés par un algorithme sont absolument irréalistes, impossibles à atteindre!» Cela entraîne presque toujours des heures supplémentaires - bien que son contrat avec Planzer prévoie déjà une semaine de 48 heures: «Rien que la semaine dernière, j'ai travaillé 58 heures.»
Boom du commerce en ligne
Ivica K. n'est pas un cas isolé - pas plus que Planzer. Les conditions de travail dans le domaine de la livraison de colis sont partout difficiles, et souvent même précaires. Le boom du commerce en ligne, qui a reçu une impulsion supplémentaire avec la pandémie de Covid-19, a encore aggravé la situation. A cause du manque de personnel, la pression sur chaque employé a augmenté.
«En particulier pendant la période du Black Friday et de Noël, les chauffeurs sont parfois soumis à une charge de travail impossible», explique Urs Zbinden, qui s'occupe du secteur de la livraison au sein du syndicat Syndicom. Et cela peut être très dangereux. Si les temps de repos et les heures de travail maximales ne sont pas respectés, les chauffeurs sont trop fatigués et peuvent constituer un risque pour les autres usagers de la route. «Et ce, en partie avec des véhicules surchargés qui ont donc une distance de freinage plus longue.»
Une CCT en cours de création pour le secteur de la livraison
Comparativement, le service est plus confortable pour les chauffeurs employés par la Poste. Les syndicalistes et les livreurs de colis sont d'accord sur ce point. Mais la vie de coursier n'est pas une sinécure, même dans l'entreprise publique.
Même le directeur du groupe, Roberto Cirillo, le dit dans un entretien avec SonntagsBlick: «Nos livreurs - qu'il s'agisse de lettres, de colis ou de livraisons mixtes - ont un travail très difficile. Ils sont très sollicités et ont peu de temps pour accomplir leur tâche.»
Selon Roberto Cirillo, c'est surtout une conséquence du marché libre pour la livraison de colis en Suisse. «Dans notre activité principale, nous avons plus de 90% de clients commerciaux - et ceux-ci regardent les prix de très près.» La situation la plus difficile est celle des travailleurs temporaires et des employés de sous-traitants qui travaillent pour le compte de la Poste. Ils ne bénéficient pas d'une CCT et le géant jaune n'a besoin d'eux que pour diminuer les coûts, notamment pendant les fêtes de fin d'année.
Mais Roberto Cirillo a bon espoir que la concurrence acharnée dans la distribution ne se fasse bientôt plus sur le dos des employés - ou du moins plus aussi fortement. Depuis environ un an, la Poste ainsi que les géants privés de la branche DHL, DPD et Planzer négocient avec les syndicats une convention collective de travail (CCT) pour l'ensemble du secteur. Roberto Cirillo déclare à ce sujet: «Les négociations sont très avancées. Je suis très optimiste quant au fait que nous parviendrons bientôt à un accord prêt à être signé.»
Une augmentation de 18,27 francs brut à 19 francs à la poste
Certaines normes minimales existent certes déjà aujourd'hui pour le secteur postal. Mais ce n'est que la semaine dernière que la Commission fédérale de la poste a augmenté le salaire horaire brut minimum dans le secteur postal, le faisant passer de 18,27 francs à 19 francs. Une CCT de branche irait toutefois au-delà de telles prescriptions en matière de salaire minimum. Elle réglerait également la saisie du temps de travail, les droits aux vacances et aux compensations - et ce en fonction de la formation et de la tâche des coursiers.
Le chef de la Poste Roberto Cirillo ne veut pas spéculer sur le fait de savoir si la nouvelle CCT sera contraignante dès Noël prochain ou seulement un an plus tard. «L'important, c'est que nous ayons bientôt une nouvelle CCT sectorielle qui nous permette, en tant qu'industrie, d'assumer notre responsabilité sociale.» Le syndicaliste Urs Zbinden est du même avis. Mais il ajoute, en guise d'avertissement, que la CCT ne sert à rien tant que le respect de ses dispositions n'est pas systématiquement contrôlé et les infractions sanctionnées.
«Ma journée de travail dure souvent 14 heures, de 5h30 à plus de 20h»
L'exemple de Mirco M.* montre aussi à quel point cela serait important. Il travaille depuis quatre ans pour DPD en Suisse orientale et, comme son collègue Ivica K., il raconte à Planzer des horaires impossibles à tenir - et les innombrables heures supplémentaires qui en résultent. «Ma journée de travail dure souvent 14 heures, de 5h30 à plus de 20h.»
Le pire, c'est que souvent, les heures supplémentaires ne sont même pas payées, car elles ne sont pas correctement enregistrées. «Les collaborateurs doivent confirmer par leur signature qu'ils n'ont pas travaillé plus que les 44 heures convenues - même si ce n'est souvent pas vrai», explique Mirco. La plupart d'entre eux signent quand même le formulaire: «Soit parce qu'ils parlent à peine la langue et ne savent pas vraiment de quoi il s'agit. Ou parce qu'ils n'ont guère d'alternative professionnelle et ne veulent donc pas perdre leur emploi.»
Contacté par le SonntagsBlick, DPD a fait savoir qu'il n'avait pas connaissance de ce «cas concret et anonyme» et ne pouvait donc pas prendre position. Les conditions de travail décrites seraient toutefois contraires aux directives internes.
Planzer souligne pour sa part que l'objectif de l'entreprise est d'offrir aux collaborateurs «les meilleures conditions possibles». Leur volonté est que les chauffeurs soient fiers de travailler chez Planzer. «Chaque cas qui ne l'est pas encore est un cas de trop, déclare un porte-parole. C'est pourquoi nous prenons les descriptions de Zurich très au sérieux et de manière autocritique et vérifions les reproches.»
(Adaptation par Lliana Doudot)