Les Jeunes du Centre veulent agir
Les problèmes psychiques chez les jeunes en Suisse ne cessent d'augmenter

Les problèmes psychiques chez les jeunes en Suisse ne cessent d'augmenter. Les consultations pour risque suicidaire ont doublé. Pourtant, certains attendent jusqu'à 18 mois avant d'être pris en charge. Les Jeunes du Centre veulent faire changer les choses.
Publié: 25.02.2023 à 05:59 heures
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Dernière mise à jour: 25.02.2023 à 20:09 heures
Les chiffres de la Confédération le montrent: les problèmes psychiques chez les jeunes en Suisse augmentent.
Photo: Keystone
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Sophie Reinhardt et Tobias Ochsenbein

Le combat quotidien d’Emil Helbling a commencé lorsqu’il avait 12 ans. Il a d’abord eu des humeurs dépressives, puis des phases de dépression plus longues. «Je n’avais plus la force de faire les actions du quotidien. Prendre une douche était soudain devenu pénible et je n’avais plus la motivation pour me brosser les dents», raconte le Zurichois de 19 ans.

L’état du jeune Suisse était particulièrement grave à l’école secondaire. Emil Helbling était de plus en plus souvent absent en classe: «Cela te pèse encore plus, car tu sais que tu devrais être à l’école et faire quelque chose. Mais tu es à la maison, démotivé. Cela te donne une très mauvaise conscience, parce que tu n’arrives même pas à y aller.» Un sentiment qui ne fait qu’alimenter la spirale infernale.

Des chiffres en augmentation

Le cas d’Emil Helbling est loin d’être isolé en Suisse. Les problèmes psychiques chez les jeunes dans le pays sont en augmentation, comme le montrent les chiffres de la Confédération à ce sujet. En 2021, les maladies psychiques ont été la cause la plus fréquente d’hospitalisation chez les jeunes de 10 à 23 ans pour la première fois depuis que les statistiques sont établies.

Avec 19’532 cas, il s’agit d’une augmentation de 17% par rapport à l’année précédente. Les jeunes femmes sont particulièrement concernées (+26%), tandis que chez les hommes du même âge, l’augmentation n’a été «que» de 6%.

Emil Helbling combat contre ses idées dépressives depuis ses 12 ans.
Photo: Zamir Loshi

La cause d’une rente AI sur deux

Ce bilan coïncide avec les derniers chiffres de l’assurance-invalidité (AI): rien qu’en 2021, elle a enregistré près de 9000 nouveaux rentiers souffrant de maladies psychiques, selon l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). C’est 16% de plus qu’un an auparavant.

Une rente AI sur deux peut désormais être attribuée à des troubles psychiques. L’augmentation est dramatique chez les jeunes de 18 à 24 ans. La proportion atteint déjà 70%. Elle est ainsi quatre fois plus élevée qu’il y a 25 ans.

Pro Juventute tire également la sonnette d’alarme. L’organisation d’aide à la jeunesse a fait savoir que le nombre de consultations pour des idées suicidaires sur la ligne téléphonique d’aide aux enfants et aux jeunes (147) avait doublé en trois ans. Les appels sont passés de 3 à 4 par jour en 2019 à 7 ou 8 en 2022.

La «multicrise» comme déclencheur

Les interventions de crise ont également augmenté de manière significative. Alors qu’en 2019, elles étaient encore au nombre de 57 en raison d’un risque de suicide, le nombre a presque triplé en 2022 avec 161 interventions, indique l’organisation d’aide à la jeunesse (Jugendhilfswerk).

Pro Juventute considère que la «multicrise» est à l’origine de cette hausse de sollicitations et de demandes. «Pandémie de Covid-19, crise climatique, guerre en Ukraine, menace d’inflation, injustice sociale… Les crises se chevauchent et touchent les enfants et les jeunes dans une phase de vie particulièrement vulnérable», énumère l’association.

Emil Helbling le confirme. «Ces crises ne laissent personne indifférent. Quand on est jeune et conscient qu’il s’agit de choses qui échappent à son contrôle, c’est un sentiment extrême d’impuissance et de perte de maîtrise. Cela vous pèse totalement.»

Jusqu’à 18 mois d’attente

À cela s’ajoute, selon les experts, la peur de l’avenir et de l’échec chez les jeunes. Celles-ci seraient renforcées par la pression de la performance à l’école et au travail. Les réseaux sociaux peuvent également avoir un effet négatif sur la santé psychique. Des études le montrent: trop de temps passé sur les réseaux en ligne peut être dangereux.

Conséquence de l’augmentation du nombre de maladies psychiques chez les jeunes: le manque de place dans les hôpitaux psychiatriques pour enfants et adolescents. Dans le canton de Zurich, les jeunes et les enfants doivent attendre jusqu’à un an avant d’être examinés par un psychiatre.

Dans le canton de Berne, les chiffres sont encore plus alarmants: les enfants et les adolescents souffrant de troubles psychiques y attendent parfois jusqu’à 18 mois avant d’être traités au service ambulatoire des Services psychiatriques universitaires (SPU).

Les Jeunes du Centre zurichois ont déposé une initiative pour abaisser le délai de prise en charge des jeunes en souffrance à quatre semaines.
Photo: Junge Mitte Zürich

Les Jeunes du Centre déposent une initiative

Emil Helbling sait ce que cela signifie de devoir attendre pour recevoir de l’aide. «Pour mon premier traitement stationnaire, j’ai dû attendre huit mois. C’est – pour l’état dans lequel on se trouve – un délai beaucoup trop long.» Une situation intenable, car les personnes concernées sont laissées seules avec leurs problèmes.

«Bien sûr, on suit alors une thérapie ambulatoire, mais selon l’état, on se rend vite compte que cela ne suffira pas. C’est pourquoi j’avais besoin d’une place stationnaire dans une clinique», se souvient le jeune homme. C’est une énorme claque dans la figure. En effet, il lui a fallu beaucoup de courage pour faire appel à une aide professionnelle. «Et ensuite, on me dit: 'C’est bien que tu acceptes, mais tu dois attendre encore une fois'.»

C’est précisément à cause de ce genre d’incidents que les Jeunes du Centre demandent des mesures garantissant que les enfants et les jeunes souffrant de troubles psychiques soient traités par des spécialistes dans un délai de quatre semaines. Ils ont déposé vendredi dans le canton de Zurich une initiative munie de plus de 9000 signatures.

«Beaucoup sont concernés»

Le coprésident des Jeunes du Centre, Benedikt Schmid, déclare: «Pour aucune autre initiative, il n’a été aussi facile de convaincre les gens dans la rue. Beaucoup sont eux-mêmes concernés ou connaissent quelqu’un qui a des problèmes psychiques.»

Le politicien de 21 ans a lui-même vécu un suicide dans son entourage proche, ce qui lui a ouvert les yeux. «Tout à coup, j’ai mieux compris ce que signifiaient exactement les automutilations sur les bras autour de moi», raconte le jeune homme.

Il a été d’autant plus effrayé par le peu d’aide que les personnes concernées recevaient. «Une heure de thérapie toutes les deux semaines était le maximum. Plus je m’intéressais à la thématique, plus je trouvais détestable que si peu d’aide soit proposée», s’indigne Benedikt Schmid. Et c’est ainsi qu’il s’est rendu compte qu’il voulait améliorer les choses sur le plan politique.

Entre-temps, Emil Helbling a pu sortir la tête de l’eau grâce à une thérapie régulière. Il salue d’autant plus cette initiative. «Les délais d’attente doivent être plus courts. Je trouve inadmissible que des personnes qui se trouvent déjà dans une telle situation, qui ne vont pas bien, doivent encore attendre longtemps l’aide dont elles auraient urgemment besoin. C’est pourquoi il faut aussi agir au niveau politique.»

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