Les deux projets de loi du 24 novembre font débat
Une sécurité juridique ou une attaque frontale contre les locataires?

Le 24 novembre, la Suisse votera sur deux projets de loi concernant le droit du bail. Si leurs partisans se montrent rassurants, promettant la sécurité juridique de toutes et tous, leurs détracteurs mettent en garde contre une attaque visant les droits des locataires.
Publié: 11.11.2024 à 04:24 heures
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L'association des locataires a saisi le référendum. Jacqueline Badran, membre du comité directeur, se bat avec acharnement contre les durcissements.
Photo: keystone-sda.ch
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Joschka Schaffner

Créent-ils une sécurité juridique ou constituent-ils une attaque contre les droits des locataires suisses? Les deux projets de modification du droit de bail sur lesquels la Suisse se prononcera le 24 novembre sont très controversés. Mais la force avec laquelle les propriétaires et les représentants des locataires se battent pour avoir le droit d'interpréter ces modifications législatives sème également la confusion. 

Cela s'explique par le fait que les fronts se sont durcis depuis des années déjà chez les partisans et les opposants. L'association des locataires autour de la conseillère nationale PS Jacqueline Badran tire à boulets rouges, tandis que les partisans réunis autour du conseiller national UDC Gregor Rutz, président de l'association des propriétaires fonciers, opposent une farouche résistance.

Même le Conseil fédéral était contre

D'un point de vue démographique, les choses devraient être claires: la Suisse compte cinq fois plus de locataires que de propriétaires. Et lorsque les affaires ont été discutées au Parlement, même le Conseil fédéral s'y est opposé. Il souhaitait, tant qu'à faire, une révision globale plutôt que des projets isolés.

Malgré l’opposition initiale du Conseil fédéral, une majorité bourgeoise au Parlement a imposé ces révisions, et le ministre de l’Économie, Guy Parmelin, doit désormais en encourager l'adoption de ces deux projets. Comme le montrent les sondages, l'électorat n'est pas encore tout à fait sûr de son choix.

Gregor Rutz et les propriétaires ne cessent de répéter leur mantra: les modifications relatives à la sous-location et à l'occupation personnelle apporteront une sécurité juridique, rien de plus. Elle profiterait aussi bien aux bailleurs qu'aux locataires.

Y a-t-il des abus en matière de sous-location?

«Les sous-locations se font toujours sans demander l'avis du bailleur, et donc sans son accord», explique Gregor Rutz. Et avec les nouvelles possibilités comme Airbnb, il est devenu tentant pour les locataires de gagner de l'argent. Le sous-locataire, qui doit payer trop cher, en souffre également. C'est pourquoi même les villes de gauche exigent désormais un accord écrit pour leurs logements.

Une analyse des annonces de logements réalisée par le cabinet de conseil immobilier Wüest Partner pour Tamedia montre certes que de plus en plus de logements sont proposés pour une durée limitée, surtout dans les villes. Mais qui propose ces locations à durée limitée et quelle est la part abusive de ces locations? Les partisans ne peuvent pas donner de chiffres pour étayer leurs propos. Ils n'en disposent pas. Les abus ne peuvent être prouvés qu'à travers des cas particuliers.

De plus, cette obligation formelle de consentement pourrait affecter les PME et les indépendants, qui se regroupent maintenant pour contester les changements. Les petites entreprises et les particuliers craignent surtout que la révision favorise les résiliations abusives.

Les petits commerces et les particuliers ont peur

Gregor Rutz se défend: «Le projet est important pour les PME, c'est pourquoi la grande majorité des entreprises y est favorable.» Tout comme l'Union suisse des arts et métiers et d'autres associations économiques importantes. «Les PME qui sous-louent leur local commercial profiteraient d'un accord écrit: les conditions et les délais seraient ainsi clairs pour tous», explique Gregor Rutz.

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Imaginez que vous êtes coiffeur et que vous louez un salon. Votre emplacement devrait être limité à deux ans?
Jacqueline Badran, conseillère nationale socialiste
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«C'est de la pure idéologie», rétorque Jacqueline Badran. «Imaginez que vous êtes coiffeur et que vous louez un salon. Votre emplacement devrait être limité à deux ans?»Les nouvelles dispositions accorderaient aussi aux propriétaires un droit exceptionnel de résiliation en cas de manquement du locataire, après un avertissement écrit.

Quant à la seconde proposition, qui facilite la résiliation pour besoin personnel (par exemple après l’achat d’un bien), elle réduirait les protections des locataires et permettrait des expulsions plus rapides. Les opposants de gauche s'inquiètent des résiliations de vengeance, rendues possibles par l’assouplissement des règles de résiliation pendant les litiges.

Les partisans du projet argumentent qu'il crée plus de logements

Les partisans des propositions, comme dans le cas de la sous-location, estiment qu’elles visent à remédier à des abus, même si les preuves ne sont guère plus que des anecdotes. Selon eux, certains propriétaires abusent déjà des résiliations pour besoin personnel afin de relouer plus cher. Les opposants soupçonnent que les deux projets viseraient surtout à pouvoir mettre encore plus facilement les locataires à la porte.

Gregor Rutz, le président de l’Association des propriétaires, réfute ces critiques, affirmant qu’elles ne concernent en rien les projets actuels. Bien que les changements introduisent de nouvelles possibilités de résiliation dans le droit du bail, le conseiller national de l’UDC estime que le droit des locataires reste protégé. Il s'agit en fin de compte de créer davantage de logements. «Pour cela, la sécurité juridique est indispensable – sinon, on ne trouve pas d'investisseurs. C'est pour le bien de tous.»

Pour Jacqueline Badran, c'est une nouvelle flèche empoisonnée: «Gregor Rutz se donne des airs de bienfaiteur conciliant, alors qu'il est le plus grand facteur de division que nous ayons dans la Berne fédérale», s'exclame la conseillère nationale. Les discussions promettent d'être nourries pendant encore deux semaines et jusqu'à ce que les urnes rendent leur verdict.

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