Le castor est un véritable ouvrier: avec ses petites pattes, il construit des tunnels, des ponts – et même des barrages. Mais pour certains, il est un peu trop assidu. Il mine le Plateau suisse et s'en prend aux terrains des agriculteurs. Ces derniers se plaignent de systèmes de drainage bouchés, de champs inondés ou de betteraves sucrières grignotées.
Il y a 100 ans, le castor avait presque été entièrement exterminé par l'homme en Suisse, chassé pour sa fourrure et sa viande très appréciées. Le rongeur a ensuite été réintroduit avec succès dans les terres helvétiques.
Aujourd'hui, près de 5000 castors vivent dans notre pays. Mais une nouvelle menace plane sur eux: les chasseurs locaux. A cause de leurs chantiers, les rongeurs sont désormais dans le collimateur du ministre de l'Environnement Albert Rösti. Celui-ci veut autoriser la chasse non des loups, mais aussi des castors. C'est ce que prévoit l'ordonnance que le conseiller fédéral a mise en consultation jusqu'à vendredi passé. Les cantons pourraient désormais délivrer des autorisations de tir pour certains castors comme pour le loup – à titre préventif.
Les cantons se rangent derrière le rongeur
Mais l'espoir existe pour père castor et ses amis: les cantons s'opposent au projet d'Albert Rösti, à commencer par le canton de Thurgovie. Bien que celui-ci soit considéré comme un bastion du castor, ils estiment que les conditions pour un tir de castor ne sont pas assez strictes. Le risque est que pratiquement tous les castors deviennent un «animal à problèmes» et que les plans de tir conduisent à l'éradication des petites bêtes dans certaines zones.
A Berne, fief de l'animal en ligne de mire, le ton est similaire. Selon l'ordonnance déposée, la simple colonisation de plans d'eau artificiels pourrait déjà être considérée comme un motif de tir. De plus, les tirs préventifs ne constituent pas une utilisation durable de l'argent du contribuable, explique-t-on dans le canton. Ce n'est qu'une question de temps avant que le prochain castor ne s'installe et ne cause les mêmes problèmes.
La Confédération paie moins pour la prévention des castors que des loups
Le canton de Thurgovie déplore par ailleurs qu'il soit «incompréhensible» que la Confédération veuille payer moins pour les dégâts causés par les castors que pour ceux causés par les loups. En effet, alors que la Confédération participe à hauteur de 80% aux coûts des dommages causés par le loup et des mesures de prévention, elle ne veut prendre en charge qu'un tiers des coûts pour le castor. D'autres cantons s'en plaignent également comme Zurich, Soleure, Zoug ou encore Argovie.
L'organisation environnementale Pro Natura craint également que les tirs préventifs se multiplient. «Si c'est la mesure la moins chère et la plus rapide, les mesures de prévention seront rapidement jugées 'inacceptables' et les castors seront abattus», explique Sara Wehrli, responsable de la chasse chez Pro Natura. De plus, l'ordonnance énumère clairement les dommages causés par le castor, critique encore l'intéressée. Cela pourrait conduire les victimes à l'interpréter comme un mandat politique et à exiger plus rapidement un tir, par exemple lorsque les drainages des terres agricoles menacent d'être bloqués.
Une atteinte à l'autonomie des cantons
Même les cantons qui ne soutiennent pas le rongeur sont mécontents de la nouvelle ordonnance sur la chasse. Les tâches des cantons sont de plus en plus dominées par des espèces protégées par la Confédération, sans qu'aucune aide financière ne leur soit accordée par cette dernière, explique-t-on à Lucerne. Dans l'ensemble, la modification de l'ordonnance empiète trop sur l'autonomie des cantons.
L'avenir nous dira si Albert Rösti réagira aux critiques émises par les cantons. Mais le ministre de l'Environnement n'a pas grand-chose à craindre: il n'est en effet pas possible de lancer un référendum contre une ordonnance. Il introduit ainsi la chasse préventive au castor par la petite porte, puisqu'aucun mandat parlementaire stipulait la chasse à l'animal. Il y a quatre ans, les électeurs avaient rejeté une nouvelle loi sur la chasse. A l'époque, le Parlement avait même supprimé les tirs de castors de la loi, de peur que le peuple ne fasse capoter le projet pour cette raison.