Attablé dans son bureau de La Côte vaudoise où il reçoit Blick, Juan Garrote, membre de la direction d’AsFam, tient d’emblée à préciser les choses. «Mon coup de gueule ne vise pas les associations et organisations comme Pro Infirmis ou la Croix-Rouge, qui font un super travail sur le terrain», insiste-t-il.
Son coup de gueule? Le 30 octobre, dix cantons — dont l’ensemble des cantons romands — s’unissent pour organiser la Journée d’engagement en faveur des personnes proches aidantes. Le Vaudois, lui-même proche aidant, souligne la valeur symbolique de cette journée, mais il n’est pas un grand fan de son effet. Toujours selon lui, elle ne soulage pas grand-chose d’autre que les consciences de certaines autorités qui pourraient en «faire beaucoup plus».
Plus de 600’000 concernés
De quoi parle-t-on? En Suisse, leur nombre est estimé à environ 600’000. Et cette multitude de proches aidants identifiés pourrait même être l’arbre qui cache la forêt. Quoi qu’il en soit, derrière tous ces gens, une gigantesque montagne d’heures non payées. C’est là qu’interviennent l’entreprise zurichoise AsFam et son modèle atypique d’ores et déjà déployés dans 11 cantons, dont Neuchâtel, Fribourg et le Valais.
L'entreprise AsFam a été créée en 2020, à Zurich. Elle s'est rapidement implantée dans d'autres cantons, notamment à Fribourg, premier territoire romand à lui avoir ouvert ses portes. Comment fonctionne son modèle atypique, qui lui permet de rémunérer ses proches aidants? Au lieu de faire appel à une organisation extérieure, ceux-ci sont encadrés par une équipe d’infirmiers pour qu’ils puissent eux-mêmes prodiguer certains soins de base remboursés par l’assurance-maladie. «Comme l’habillement, la douche et autres gestes, selon les situations», listait «La Liberté» en 2020. De son côté, la société se charge des démarches administratives et encaisse les montants dus par l’assurance. Avant d'en verser une part à la famille.
L'entreprise AsFam a été créée en 2020, à Zurich. Elle s'est rapidement implantée dans d'autres cantons, notamment à Fribourg, premier territoire romand à lui avoir ouvert ses portes. Comment fonctionne son modèle atypique, qui lui permet de rémunérer ses proches aidants? Au lieu de faire appel à une organisation extérieure, ceux-ci sont encadrés par une équipe d’infirmiers pour qu’ils puissent eux-mêmes prodiguer certains soins de base remboursés par l’assurance-maladie. «Comme l’habillement, la douche et autres gestes, selon les situations», listait «La Liberté» en 2020. De son côté, la société se charge des démarches administratives et encaisse les montants dus par l’assurance. Avant d'en verser une part à la famille.
Cette société rémunère 34,30 francs de l’heure ses proches aidants pour des soins de base: hygiène, mobilité, aide à l’alimentation… Bien développée, elle aimerait toutefois passer à la vitesse supérieure de notre côté de la Sarine. Problème? Des administrations cantonales lui mettraient des bâtons dans les roues.
La raison invoquée par ces administrations, d’après Juan Garrote? «Des instances publiques romandes, que je ne nommerai pas à ce stade, estiment que, comme acteur privé, nous allons faire exploser les coûts de la santé, tout en nous enrichissant sur le dos des personnes proches aidantes, peste-t-il. Leur conception politique prend le dessus sur le cadre légal et retarde le moment où nous pourrons réellement faire reconnaître le travail de soins effectué chaque jour par des milliers de personnes.»
«Réticence» en Suisse romande
L’homme appuie son irritation sur deux jurisprudences du Tribunal fédéral. «Il est possible, pour les organisations de soins à domicile, de former et de salarier les personnes proches aidantes en tant qu’auxiliaires de santé, soutenues par du personnel infirmier diplômé, appuie-t-il. C’est ce modèle que nous déroulons actuellement en Suisse alémanique et dans quelques cantons romands. Il inclut des partenariats public-privé avec les organisations de soins à domicile et a largement fait ses preuves.»
Il enchaîne: «En Suisse romande, on constate malheureusement une réticence de grandes organisations publiques à faire évoluer le statut des proches aidants, bien que les lois fédérales sur le marché intérieur et sur l’assurance maladie le permettent.»
Le dirigeant de la firme qui verse, au total, chaque mois, presque 200’000 francs à ses nouveaux salariés romands est formel: «Lors de cette journée, des représentants officiels afficheront un sourire compatissant et porteront un pin’s pour montrer leur solidarité envers les proches aidants. Mais ces récalcitrants, qui ont le pouvoir de changer les choses, devraient laisser champ libre à celles et ceux qui le font avec succès dans onze autres cantons.»