Ce sont des raisons personnelles et médicales qui ont poussé l’ex-conseillère fédérale Simonetta Sommaruga à quitter ses fonctions mercredi. L’AVC de son mari l’a poussée à changer ses priorités. Une décision soudaine qui a mis en lumière un pan de l’économie nationale négligé et pourtant vital: le travail des proches aidants en Suisse.
Rien qu’en 2020, des centaines de milliers de personnes ont travaillé gratuitement dans le pays pendant neuf milliards d’heures. Que ce soit par leur simple présence, les soins apportés, la surveillance des enfants ou le soutien émotionnel ou dans le ménage, les proches aidants se sont occupés de personnes malades ou en difficulté sans demander un seul centime en échange.
600’000 travailleurs de l’ombre
Si ce travail dit de care était entièrement rémunéré, il constituerait le plus grand secteur économique de Suisse avec une valeur de 408 milliards de francs. Actuellement, 60% de ces activités non rémunérées sont effectuées par des femmes et 600’000 personnes seraient considérées comme proches aidants.
Compte tenu du vieillissement de la société, l’importance de ce travail devrait encore s’accroître. «Malgré cela, la prise en charge des adultes est occultée par la politique fédérale», déplore Valérie Borioli Sandoz, responsable de la politique de l’égalité chez Travail Suisse et la Communauté d’intérêts pour l’aide aux proches.
«Les personnes qui effectuent un travail de care doivent souvent faire face à des problèmes dans leur travail, plus tard en ce qui concerne leur retraite et leur propre santé», détaille encore la spécialiste.
La nouvelle loi fédérale sur l’amélioration de la compatibilité entre l’activité professionnelle et la prise en charge des proches est en vigueur depuis 2021. Les proches aidants peuvent désormais s’absenter brièvement de leur travail, les parents d’un enfant gravement malade peuvent prendre un congé de 14 semaines.
Pour la gauche, il s’agit pourtant «d’une goutte d’eau dans l’océan». La conseillère nationale PS Barbara Gysi aimerait que le gouvernement aille plus loin: «Tous les proches qui doivent interrompre ou réduire leur activité professionnelle pour s’occuper d’un membre de leur famille devraient être indemnisés à hauteur de 80% de votre salaire, comme c’est le cas pour le service militaire ou civil.»
Des offres de décharge à grande échelle sont nécessaires
La politicienne s’occupe elle-même des finances de sa mère, âgée de 92 ans. Mais lorsqu’on doit s’occuper d’un membre de sa famille 24 heures sur 24, on peut vite rencontrer certaines limites. «Il faut des offres de décharge généralisées pour répondre aux différents besoins de tous les proches aidants et des congés de repos pour tous ceux qui s’engagent quotidiennement auprès de leurs proches», demande Valérie Borioli Sandoz.
Les féministes vont plus loin en réclamant un salaire pour le travail domestique et familial. Un groupe réuni autour de l’ancien porte-parole du Conseil fédéral Oswald Sigg est convaincu que le travail de soin gratuit serait valorisé par un revenu de base inconditionnel. Le socialiste et ses partisans sont actuellement en pleine récolte de signatures pour une initiative populaire à ce sujet. Il s’agit d’une deuxième tentative pour faire aboutir ce projet: en 2016, les électeurs avaient clairement rejeté le projet «Pour un revenu de base inconditionnel».
(Adaptation par Louise Maksimovic)