Le suspect se pose en victime
La Suissesse tuée à Phuket est morte pour 8,20 francs

Le meurtrier présumé de la Suissesse Rita N. à Phuket dit avoir agi par détresse financière en raison de la pandémie. Dans ses premiers aveux, il parlait de viol, ce qui soulève la question de savoir si les autorités n'auraient pas influencé ce revirement.
Publié: 09.08.2021 à 11:01 heures
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Dernière mise à jour: 09.08.2021 à 11:26 heures
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Le Thaïlandais T*., ancien kickboxeur professionnel et meurtrier présumé de la Suissesse Rita N.
Photo: kapook.com
Daniel Kestenholz, Jocelyn Daloz (adaptation)

L'homme arrêté et accusé du meurtre de Rita N.*, une Suissesse haut placée auprès de l'Administration fédérale, a une carrure imposante, des muscles saillants. Les autorités ont relevé des écorchures sur son dos et au-dessus de sa hanche droite.

Rita N.* était une des premières touristes à se rendre à Phuket début juillet dans le cadre du programme de réouverture au tourisme «bac à sable» mené par la Thaïlande. Elle est partie mardi admirer une chute d'eau que seuls quelques locaux connaissent. Des caméras de surveillance sur la route ont capturé ses dernières images avant qu'elle ne disparaisse dans la jungle, où son assassin présumé l'a repéré. L'homme de 27 ans y ramassait des orchidées sauvages, selon ses dires. L'ancien kickboxeur professionnel T.** vit non loin de la scène de crime où il aurait brutalement tué la Suissesse.

L'auteur voulait voler, pas tuer

La police de Bangkok a tenu une conférence de presse dimanche, dans laquelle elle a exposé le suspect, le faisant s'exprimer par téléphone en présence de sa petite amie, d'un oncle et de son avocat. Devant les journalistes, T. a essayé d'expliquer comment l'acte horrible s'est produit. Selon ses dires, il n'aurait pas voulu tuer la femme, uniquement la voler, agissant par nécessité. En raison de la crise de Covid 19, il a perdu son emploi et n'a pas d'argent.

T. avait des vues sur le sac de la victime, qui avait un total de 300 bahts, soit 8,20 francs, sur elle. Mais la «farang», comme on appelle les étrangers en Thaïlande, ne s'est pas laissée faire: «Je me suis approché d'elle et je lui ai fait un blocage de la tête par derrière, raconte T. «La farang a essayé de sortir de sous mon bras et s'est débattu, alors nous sommes tombés dans l'eau. Je lui ai refait un blocage de la tête jusqu'à ce qu'elle tombe inconsciente.»

Il aurait ensuite recouvert le corps de la femme d'une bâche sombre et lestée de pierres. Il s'est ensuite enfui - et a utilisé l'argent pour acheter de la marijuana, selon les médias thaïlandais.

La Thaïlande s'inquiète de sa réputation

L'auteur présumé n'a plus parlé de viol, alors que les premiers articles rapportaient qu'il aurait déclaré à la police avoir ressenti du désir à la vue de la femme. Lors de la conférence de presse qui s'est tenue le lendemain, il a donné l'image d'un homme contrit et qui se pose en victime. Il s'excuse: "Je ne voulais pas la tuer. Je voudrais m'excuser auprès de la famille pour ce que j'ai fait. Je demande le pardon de tous les habitants de la Thaïlande. Je me sens très coupable de ce que j'ai fait.»

Et l'homme de 27 ans de réaffirmer qu'il a agi à cause de la pauvreté. On dirait presque que les autorités thaïlandaises tenaient à mettre en avant cette version, plutôt que celle d'un délinquant toxicomane, violeur et assassin qui s'en prend aux touristes occidentales. C'est en effet la première fois en Thaïlande qu'un meurtrier présumé est relié par téléphone à une conférence de presse.

Un grand besoin dans le pays

Il faut dire que la situation économique de la Thaïlande est désastreuse. La pandémie a fait perdre leur emploi à des millions de travailleurs, le confinement mis en place par le gouvernement est draconien, les gens subsistent sans filet de sécurité sociale ou aide gouvernementale et accumulent les dettes.

C'est dans ce contexte que le suspect tente de justifier son acte violent: «Normalement, on m'engage pour tondre les pelouses. Je gagne très peu, environ 1000 bahts par semaine (soit environ 27,30 francs). J'ai donné tout l'argent à ma petite amie et à ma famille pour qu'ils puissent vivre et élever mon enfant.»

La peine de mort menace

La Thaïlande est très soucieuse de sa réputation. Cet acte brutal et sanglant fait tache alors que le pays veut se présenter comme une nation paradisiaque et ainsi attirer les touristes, dont dépendent de larges pans de son économie.

Le suspect était déjà connu des services de police, condamné en octobre dernier à 15'000 bahts (410 francs) d'amende et à deux ans avec sursis pour possession de méthamphétamine. Mais en se présentant comme un père de famille pauvre et attentionné qui a agi par nécessité, la Thaïlande pourrait tenter de limiter le dégât d'image.

Une autopsie de la victime sera néanmoins conduite afin de clarifier si elle a été violée ou non, tandis que le suspect n'est pour l'heure accusé que de vol et de meurtre. La police parle de saisie de preuves suffisantes pour une condamnation. Si l'accusé avoue, il risque la prison à vie. S'il nie les accusations, une condamnation à mort semble certaine.

*Nom connu de la rédaction

**Nom modifié

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