«Focus, focus, focus.» Telle est la devise du patron de Migros Mario Irminger pour guider la restructuration du géant orange. L'objectif: se concentrer sur l'activité principale et céder les parties de l'entreprise qui n'y s'alignent plus.
Cette restructuration crée de l'inquiétude chez les collaborateurs des entreprises dont Migros se sépare, mais aussi chez les acteurs culturels. Blick s'est renseigné auprès de plusieurs employés, associations et institutions, en vain: personne ne veut s'exprimer publiquement. Pas question de risquer de perdre Migros et ses subventions.
Pourtant, le géant orange est clairement devenu un sujet de discussion dans le milieu culturel. Certains se demandent si les subventions vont diminuer en raison de la restructuration de l'entreprise. D'autres se questionnent sur sa fidélité à la ligne de la promotion culturelle. Ou si, à l'avenir, elle utilisera ses subventions «comme instrument de marketing pour ses propres projets».
A lire aussi sur Migros et ses filiales
Les 3 piliers de «Migros Engagement»
Car une diminution des subventions pourrait bien avoir lieu. La promotion de la culture était une préoccupation du fondateur de Migros, Gottlieb Duttweiler (1888-1962). C'est lui qui a introduit le Pour-cent culturel en 1957, un fonds de promotion culturelle alimenté par le chiffre d'affaires de Migros. Actuellement, «Migros Engagement» regroupe trois piliers principaux: le Pour-cent culturel, le Fonds des pionniers et le Fonds de soutien. Mais qu'en est-il aujourd'hui, à l'heure du grand changement chez le géant orange?
Pour calculer le Pour-cent culturel, Migros sur base sur le chiffre d'affaires du commerce de détail de toutes les coopératives affiliées, ainsi que les chiffres d'affaires du commerce de détail en ligne de la Fédération des coopératives Migros (FCM). Les coopératives affiliées sont tenues d'affecter chaque année un demi pour cent de leur chiffre d'affaires du commerce de détail à des fins culturelles, sociales et de politique économique.
«Les cessions des marchés spécialisés entraîneront une baisse»
Les chiffres d'affaires des marchés spécialisés, dont Migros se défait maintenant en partie, font partie du chiffre d'affaires du commerce de détail important pour le Pour-cent culturel. «Dans cette mesure, les cessions des marchés spécialisés entraîneront une baisse», confirme une porte-parole de Migros à la demande de Blick.
De leur côté, les sociétés commerciales n'ont jamais versé de Pour-cent culturel, mais versent des contributions au Fonds pionnier Migros, créé en 2012. «Il n'y a donc pas de réduction des contributions du Pour-cent culturel, mais, dans certaines circonstances, une réduction des subventions du Fonds des pionniers», poursuit la porte-parole de Migros.
Le Fonds des pionniers est un fonds d'encouragement facultatif des entreprises Migros qui propose des «solutions durables aux défis sociaux». Ce fond est soutenu par des entreprises du groupe Migros comme Denner, la Banque Migros, Migrol, Migrolino et Ex Libris. La filiale d'Hotelplan n'en fait pas partie. La cession de la filiale de voyage n'aura donc aucune conséquence sur le budget culturel.
Migros va-t-elle utiliser ses moyens de manière plus intéressée?
Moins d'argent dans le pot culturel ne semble pas être une nouveauté. «Le fait que les investissements de Migros dans le Pour-cent culturel varient n'a rien d'exceptionnel et dépend toujours de la marche des affaires de l'année en question», explique la porte-parole de l'entreprise suisse.
Le Schauspielhaus, grand Théâtre à Zurich, est l'un des grands partenaires du Pour-cent culturel. Il se déclare serein: «Nous n'avons pas entendu de signaux concernant un changement.» L'EPFZ a également reçu à plusieurs reprises des fonds de soutien de Migros pour des projets, des chaires ou des start-up. Selon un porte-parole, les effets de la restructuration de Migros ne sont donc pas encore perceptibles.
Toutes les personnes interrogées s'accordent à dire que Migros honorera sans aucun doute ses engagements actuels. Mais une inquiétude demeure quant aux perspectives futures: Migros va-t-elle utiliser ses moyens de manière plus intéressée à l'avenir? Certains acteurs culturels critiquent le fait que l'entreprise, sous l'impulsion du nouveau patron Mario Irminger, «agit de plus en plus en fonction du rendement». Pourtant, les prestations culturelles et sociales du géant orange sont statutairement «équivalentes au succès commercial».
Pour obtenir un soutien financier, les entrepreneurs culturels doivent postuler auprès de Migros. «Je pense qu'à moyen terme, ils laisseront tomber les petits projets ou accepteront beaucoup moins de demandes», déclare un acteur culturel. Alors que les associations et les amateurs seraient touchés, les Ecoles-clubs Migros ou les manifestations portant la marque Migros comme M4Music n'auraient pas de soucis à se faire.
La plupart de l'argent va à l'Ecole-club Migros
Mais cette inquiétude n'est pas sans fondement. En 2023, le Pour-cent culturel Migros a investi 121 millions de francs. Sur ce montant, 67,2 millions, soit 55,5%, sont allés au domaine de la formation, c'est-à-dire aux 30 Ecoles-clubs Migros et à l'Institut Gottlieb Duttweiler (GDI). Le domaine de la culture a reçu 21,7%, soit 26,3 millions de francs. Les pourcentages restants ont été dédiés aux domaines des loisirs, de la société, de l'administration et de l'économie. Là aussi, Migros finance ses propres installations, comme le chemin de fer du Monte Generoso ou les quatre Parcs Pré Vert. Le Fonds des pionniers a récolté 18 millions de francs, le Fonds de soutien, alimenté par la FCM, 1 million.
Le budget culturel reste raisonnable pour un groupe de 32 milliards de francs comme Migros. Cela ne doit en aucun cas diminuer le sens et le mérite de l'engagement culturel. La stratégie Migros 2021-2025 l'indique clairement: «Le groupe Migros est la première référence en Suisse en matière d'engagement social.» Mais qu'en sera-t-il après 2025? L'entreprise suisse se veut rassurante: «Actuellement, il n'y a pas de modification des directives en ce qui concerne la promotion culturelle au sens large.» Avant d'ajouter: «Mais il va de soi que ces directives seront régulièrement réexaminées.»