Jérôme Meyer faisait déjà partie d’Aldi lorsque le discounter allemand s’est lancé sur le marché suisse il y a près de deux décennies. Le 27 octobre 2005, Aldi Suisse a ouvert ses quatre premières filiales. Deux en Thurgovie, une dans le canton de Saint-Gall et une en Argovie. Dix-huit ans et 239 filiales plus tard, Blick retrouve l’homme qui occupe désormais le poste de patron de la branche helvétique au siège principal à Schwarzenbach (SG).
Jérôme Meyer, vos candidats n’ont pas réussi à être élus au Parlement. Êtes-vous déçu?
Ce n’était pas le but de nos affiches «Votez Aldi» (rires). Avec notre campagne électorale, nous ne faisions pas de politique et nous n’étions pas candidats à une fonction politique.
Votre campagne publicitaire a pourtant irrité une partie de la population!
Le moment était tout simplement trop bien choisi. Nous avons eu dix-huit ans, c’est le moment où l’on peut voter et être élu. Au lieu de faire une campagne d’anniversaire traditionnelle, nous avons décidé d’égayer les élections. Cela nous a valu beaucoup d’attention.
Une telle action aurait été impensable lors du lancement d’Aldi en Suisse fin octobre 2005.
Certainement. Au fil des années, nous avons beaucoup appris et nous nous sommes adaptés aux besoins des Suisses. Nous sommes devenus plus sûrs de nous.
Qu’est-ce qui a le plus changé?
Par exemple, les caisses sans zone de réception à la fin pour les marchandises. Elles ont beaucoup fait parler et n’ont pas été appréciées. Désormais, comme tous les autres détaillants, nous disposons d’un bac pour pouvoir emballer ses achats sans se presser. Au début, nous vendions nos produits dans des cartons et sur des palettes. Aujourd’hui, cela serait également impensable.
Et vous avez aussi réduit la part non alimentaire de votre assortiment…
… Au profit des produits alimentaires. Nous avons commencé avec 700 produits au total, nous en avons aujourd’hui 1800. Au début, nous n’avions pratiquement pas de produits alimentaires suisses, car nous avions du mal à trouver des fournisseurs locaux. Aujourd’hui, nous réalisons déjà plus de 50% de notre chiffre d’affaires avec des produits d’origine suisse. Dans le domaine des produits frais, il y a eu une véritable révolution. Auparavant, l’assortiment de fruits et légumes comptait 30 articles, aujourd’hui on en compte plus de 100!
Vous avez commencé avec quatre magasins. Combien Aldi en comptera-t-il à la fin de l’année?
Nous ouvrons cette semaine notre 239e filiale. Le rythme d’expansion ralentit quelque peu. Au lieu de dix à douze succursales par an, nous en développons désormais quatre à cinq. À moyen terme, nous maintenons notre objectif de 300 magasins pour notre réseau suisse.
Les magasins en pleine campagne ne sont plus demandés?
L’expansion à la campagne est en grande partie terminée, nous visons à présent davantage les villes. Zurich et Genève ont encore beaucoup de potentiel pour nous, nous voulons également ouvrir d’autres magasins dans le centre-ville de Bâle et de Berne. Le 26 octobre, nous voyons grand. Nous ouvrons une filiale au Glatt, le centre commercial le plus fréquenté de Suisse, situé sur l’autoroute A1 à Wallisellen.
Les succursales comme celle de la gare de Stadelhofen à Zurich, ouvertes 365 jours par an de 6 à 22 heures, sont-elles rentables?
Absolument. D’une part, nous y avons moins de personnel, et davantage de caisses self-scanning. D’autre part, nous ne travaillons qu’avec des produits qui tournent très vite, comme nous le disons dans notre jargon. Ce sont les boissons, les croissants, les fruits et légumes, la bière et les saucisses en été.
Les détaillants font à nouveau de la publicité à tour de bras avec des baisses de prix. Le renchérissement est-il terminé?
Le renchérissement en Suisse n’est pas encore de l’histoire ancienne. Mais le pic a été dépassé et la situation se détend peu à peu dans le domaine de l’approvisionnement. Je suppose que le renchérissement va se stabiliser. Parallèlement, nous constatons que de plus en plus de ménages de la classe moyenne doivent se serrer la ceinture et calculent précisément où ils vont dépenser et où ils vont réduire leurs dépenses. C’est pour cela que nous baissons nos prix, si possible, en premier.
Comment le faites-vous?
Cette année, nous avons gagné beaucoup de nouveaux clients, surtout parmi la jeune génération, avec un premier emploi ou avant de fonder une famille. Parallèlement à cette nouvelle clientèle, les ventes de nos aliments bio ont augmenté de manière significative. Malgré le renchérissement, ces personnes peuvent faire leurs achats chez nous sans devoir renoncer à quoi que ce soit.
L’arrivée d’Aldi sur le marché a contraint Coop et Migros à développer leurs gammes bon marché. Toutefois, pour les marques et les produits conventionnels, Aldi est presque aussi cher que les grands distributeurs.
La qualité de nos produits les moins chers est nettement meilleure que celle des lignes bon marché des grands distributeurs. Et dans la gamme de prix moyens, nous sommes toujours moins chers que nos collègues du commerce de détail.
Une nouvelle étude universitaire montre que le bio coûte beaucoup plus cher que les produits conventionnels chez les grands distributeurs, et ce, de manière disproportionnée.
Mais ce n’est pas le cas du bio chez nous.
Pourquoi misez-vous sur ces produits?
Nous sommes ceux qui vendent les produits bio au meilleur prix. Nous n’écrémons pas et appliquons exactement la même marge que pour les produits conventionnels. Le bio ne doit pas être un luxe. Il est important pour moi que les gens le sachent.
Mais vous ne parlez pas ici de produits bio avec le label Bourgeon?
Nos prix sont 30% plus bas que ceux des produits bio Bourgeon comparables de nos concurrents. Bien que notre assortiment bio offre le même standard que les produits bio Bourgeon, nous n’avons pas le droit de porter ce label, nous nous en sommes accommodés. Avec notre propre marque bio «retour aux sources», nous allons cependant encore plus loin que ce qu’exige le standard bio traditionnel et nous offrons le standard bio le plus élevé de Suisse. Nous avons commencé par le lait issu d’élevages sans antibiotiques, puis la viande, et maintenant la volaille et le pain sans enzymes ajoutés, ainsi que les fruits et légumes certifiés cultivés en bio sans utilisation de déchets d’abattoir [pour la fertilisation].