Par 120 voix contre 75, le National a soutenu lundi une motion PLR pour que la Suisse puisse conclure un accord de transit avec un pays tiers pour y renvoyer les requérants d'asile érythréens déboutés.
A l'heure actuelle, les requérants d'asile érythréens déboutés ne peuvent pas faire l'objet de renvois forcés, les autorités érythréennes refusant catégoriquement les rapatriements sous contrainte de leurs ressortissants. Cette pratique perdure depuis de nombreuses années et touche tous les pays européens.
Cette situation est inadmissible et tend à décrédibiliser le système d'asile suisse, a dit au nom de la commission Christian Wasserfallen (PLR/BE). Il faut tout mettre en œuvre afin que la situation, à défaut d'être complètement débloquée, puisse au moins évoluer dans la bonne direction.
Reste à savoir vers quel pays
La motion de la sénatrice Petra Gössi (PLR/SZ) demande que la Suisse conclue un accord de transit avec un pays tiers pour y envoyer temporairement les requérants d'asile érythréens déboutés. Le Conseil fédéral est donc chargé d'identifier un pays tiers qui serait disposé à conclure un tel accord de transit, comme la Suisse a tenté de le faire avec le Sénégal en 2002.
La motion ne mentionne aucun pays, même si des Etats comme le Rwanda (accord avec la Grande-Bretagne) et l'Albanie (avec l'Italie) sont régulièrement cités dans ce débat.
Le texte ne vise en aucun cas à délocaliser la procédure d'asile, qui se déroulerait entièrement en Suisse. Seuls seraient concernés les ressortissants érythréens dont la demande d'asile a été rejetée, a encore précisé Christian Wasserfallen.
C'est la Suisse devra payer les transferts vers ce pays tiers
La gauche et quelques centristes se sont opposés sans succès à la motion. Ils ont critiqué une proposition inefficace. L'Erythrée n'acceptant pas le renvoi forcé de ses ressortissantes et ressortissants, le recours à un Etat tiers n'y changera rien. Les coûts seront élevés, a aussi fait valoir Marc Jost (PEV/BE). La Suisse devra payer les transferts vers ce pays tiers, aller et retour.
Le Conseil fédéral a déroulé le même argumentaire. Dans le cas d'un accord de transit, il est probable que la représentation érythréenne dans le pays tiers refuserait la demande de document d'identité, a prévenu le conseiller fédéral Beat Jans. Les requérants érythréens transférés devraient par conséquent être réadmis en Suisse.
A l'époque des discussions avec le Sénégal, la Suisse avait un problème pour identifier de nombreuses personnes, d'où l'idée des accords de transit. Vingt ans plus tard, «la problématique est complètement différente, et nous n'avons plus ce problème», selon M. Jans.
Le nombre d'érythréens tenus de quitter la Suisse diminue
Le nombre de ressortissants érythréens tenus de quitter la Suisse a légèrement diminué (278 à fin décembre 2023). Le nombre de demandes d'asile primaires recule lui depuis plusieurs années (8542 en 2015 contre 426 en 2022).
Des arguments qui n'ont pas fait le poids face à la volonté de la droite. Une motion similaire du Conseil des Etats, qui visait simplement un renvoi vers un pays tiers sans accord de transit, avait échoué de peu au National l'an dernier.
Les ONG actives dans le domaine de la migration, comme Migrant Solidarity Network et l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés, ont dénoncé dans des communiqués une décision irresponsable et «disproportionnée», au vu du nombre de personnes concernées.