Le contre-projet d'Albert Rösti a besoin des dissidents du Centre
La Suisse est-elle sur le point de faire demi-tour sur le nucléaire?

Le projet d'Albert Rösti (UDC) de lever l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires fait monter au créneau les opposants à l'atome. Pour arriver à ses fins, le ministre de l'Energie devra aller chercher du soutien chez les dissidents du Centre.
Publié: 12.06.2024 à 06:03 heures
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Le conseiller fédéral UDC Albert Rösti veut faire sauter l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires.
Photo: Keystone
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Ruedi Studer

Après le oui à la nouvelle loi sur l'électricité, le ministre UDC de l'Energie Albert Rösti prévoit de frapper un nouveau coup: il veut supprimer l'interdiction des centrales nucléaires de la loi. Avec un contre-projet à l'initiative Stop Blackout, il veut empêcher la sortie du nucléaire engagée sous l'égide de la ministre de l'Energie du Centre de l'époque, Doris Leuthard.

Face au plan d'Albert Rösti, les opposants aux centrales nucléaires montent au créneau. La Fondation suisse de l'Energie (SES) a lancé sans tarder une pétition en ligne pour exiger du conseiller fédéral UDC l'arrêt immédiat de son «sabotage du tournant énergétique». «La loi sur l'électricité nous permettra de sortir des énergies fossiles et du nucléaire, une énergie dangereuse et dépassée», écrit Nils Epprecht, directeur de la SES. Pour réussir le tournant énergétique, il faut maintenant se concentrer sur le développement des énergies renouvelables et ne pas s'égarer «sur des sujets secondaires». En l'espace d'un jour, plus de 5000 personnes ont déjà signé l'appel.

Les amis des centrales nucléaires sentent le vent tourner

Les opposants aux centrales nucléaires font déjà barrage. La levée de l'interdiction des centrales nucléaires envisagée par Albert Rösti devrait également susciter des discussions animées au Parlement. Jusqu'à présent, les interventions à ce sujet lancées par l'UDC et le PLR ont échoué assez nettement. Pourtant, les amis du nucléaire sentent le vent tourner. Ils espèrent qu'un contre-projet formulé avec prudence pourrait faire bouger les choses.

Le conseiller national UDC Christian Imark est en première ligne dans la lutte contre l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires. «Nous voulons une levée générale de l'interdiction technologique.» Il ne pense pas que le développement des énergies renouvelables suffise à assurer un approvisionnement électrique autonome. De plus, la situation de départ a changé depuis le oui à la Stratégie énergétique 2050. «A l'époque, on partait encore du principe que l'électricité manquante pouvait être simplement importée», explique Christian Imark.

Le débat sur la pénurie d'énergie de ces dernières années a démontré qu'il est dangereux de miser uniquement sur les importations. Le co-initiateur de Stop Blackout pense qu'un contre-projet devrait obtenir une majorité au Parlement grâce aux voix de l'UDC, du PLR et d'une partie du Centre.

Les dissidents seront décisifs

Le PS, les Vert-e-s et les Vert'libéraux devraient voter en bloc contre une levée de l'interdiction des centrales nucléaires – ensemble, ils cumulent 74 voix au Conseil national. Avec le Centre, cela représenterait 105 voix sur un total de 200. Il suffit donc de quelques voix dissidentes du Centre pour que le contre-projet d'Albert Rösti ait une chance au Conseil national. Il en va de même au Conseil des Etats, où Peter Hegglin, élu du Centre, fait partie du comité d'initiative. Le Tessinois Fabio Regazzi prend lui aussi déjà position: «Les interdictions technologiques doivent être abolies», déclare le conseiller aux Etats.

Le conseiller national du Centre Thomas Rechsteiner estime que le contre-projet d'Albert Rösti a des chances d'aboutir. «Il y aura certainement chez nous aussi quelques personnes qui veulent permettre la recherche et le développement – ou même de nouvelles centrales nucléaires», dit-il. Certains devraient donc approuver un contre-projet ou s'abstenir. Lui-même laisse encore ces deux options ouvertes, précisant: «Je ne rejetterai certainement pas un contre-projet.»

Le Centre a initié la sortie du nucléaire

En revanche, il n'est pas question de lever l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires pour Stefan Müller-Altermatt, politicien du Centre en charge de l'énergie: «Toute autre solution reviendrait à désavouer notre orientation actuelle et à lancer un débat inutile, car de nouvelles centrales nucléaires ne sont pas rentables, ni sur le plan écologique ni sur le plan économique.» Il est convaincu qu'une majorité du groupe parlementaire du Centre votera comme lui.

Le conseiller national lucernois Leo Müller ne pense pas non plus que le Centre fournira les voix décisives pour Albert Rösti. «Nous sommes relativement unis sur cette question», dit-il. «L'avancée pour la stratégie énergétique et la sortie du nucléaire qui en découle est venue de nous, nous ne pouvons pas changer de stratégie tous les deux ans.» Selon lui, il faut désormais se concentrer pleinement sur le développement des énergies renouvelables. «Tout le reste n'est que manœuvres inutiles.»

Il y a aussi des dissidents au PLR

Le conseiller national PLR Matthias Jauslin est du même avis. Au sein du PLR, il fait partie d'une minorité qui ne veut actuellement pas de nouvelles centrales nucléaires. «Nous devons maintenant utiliser notre énergie pour développer les énergies renouvelables et non pour une utopie qui n'est pas prête à être commercialisée», dit-il. Si le contre-projet arrive au Parlement, il devrait donc y avoir «une poignée» de dissidents, même chez les PLR, estime Matthias Jauslin. «Cela devrait à peu près compenser ceux qui se trouvent du côté du Centre.»

Pour Albert Rösti, l'obstacle sera donc élevé. Sa réussite dépendra de la formulation concrète de son contre-projet. Le suspense reste entier.

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