Longue robe turquoise et imposante perruque violette. Le comédien lausannois Vincent David est méconnaissable lorsqu'il se présente devant le public du Jardin d'aventures de Plan-les-Ouates, mercredi 4 octobre.
Il s'est transformé en Tralala Lita, une drag queen conteuse. Pendant une heure et demie, son personnage chante et narre des histoires à une trentaine d'enfants âgés de plus de six ans, accompagnés de parents et d'animateurs.
Dernier en date d'une série de lectures en Suisse romande, cet évènement n'est pas du goût de l'Union démocratique du Centre (UDC). Sa vice-présidente Céline Amaudruz dénonce un «endoctrinement du wokisme» et la section genevoise du parti veut interdire tout spectacle d'homme travesti en femme aux moins de 16 ans. Blick s'est rendu à la lecture de Plan-les-Ouates et a donné la parole à Tralala Lita. Interview.
Vincent David, pourquoi ces lectures?
J'ai envie de transmettre des histoires qui traitent d'inclusivité et de diversité. Des histoires qui permettent à chacun de se rendre compte qu'on est tous différents, qu'on a tous un parcours singulier et qu'on peut le partager dans un contexte bienveillant, safe, en compagnie des parents, des accompagnants et accompagnantes. On aborde ces sujets de manière très directe et les enfants peuvent poser des questions. Tout se passe toujours très bien.
Cette montée d'opposition parfois violente, ça vous fait peur?
Ça ne laisse pas indifférent, évidemment. Mais on met tout en place pour pouvoir assurer la sécurité de tout le monde durant ces spectacles. Il y a beaucoup de personnes qui y travaillent: les bibliothécaires, la fondation Bibliomedia. Le public répond toujours présent et les bibliothèques continuent de s'intéresser au projet. C'est un signe très positif qui nous encourage à aller de l'avant.
Vous auriez aimé assister à une lecture animée par une drag queen quand vous étiez petit?
Étant un enfant un peu différent des autres, ça m'aurait peut-être plu et je me serais senti moins seul. Et du reste, c'est le cas de personnes qui viennent me voir après le spectacle et me disent: «J'aurais adoré avoir ça lorsque j'étais enfant.»
Pourquoi avoir créé le personnage de Tralala Lita?
J'avais envie d'un personnage haut en couleurs, d'une créature. J'avais envie d'un personnage de théâtre qui puisse parler aux enfants. D'où ma grosse perruque, ma grosse robe. Et puis, il fallait que Tralala soit accessible directement aux enfants.
Est-ce qu'il arrive que votre personnage perturbe les enfants?
Non, je pense que les enfants prennent Tralala pour ce qu'elle est. C'est-à-dire un personnage de théâtre. Il n'y a pas tous les filtres que les adultes peuvent mettre dessus. Les enfants ont un rapport direct à ce personnage. Alors évidemment, ça les questionne. Ils ont envie de comprendre. Ils ont un rapport assez simple et assez sain avec Tralala. Il ne faut pas prendre les enfants pour des imbéciles!
Comment expliquer cette fronde contre vos lectures?
Je pense que ce sont des personnes qui ne comprennent pas le projet et qui projettent énormément de choses qui n'ont rien à voir avec ce qu'on fait durant ces spectacles. Une fois, j'ai été amené à discuter avec des personnes qui m'attendaient à la sortie de la bibliothèque. On a pu leur expliquer ce qu'on faisait.
Pour quel résultat?
Je ne sais pas avec quoi ils sont repartis, mais discussion il y a eu. Et puis, il me semblait que les esprits étaient un peu plus sereins. Mais on a eu droit à des pancartes aussi, de personnes qui manifestaient derrière les vitrines. C'est dommage parce qu'on avait invité ces personnes à voir le spectacle pour qu'elles puissent se rendre compte de ce qu'on faisait concrètement. Parce qu'encore une fois, on a l'impression qu'ils projettent des choses erronées sur le contenu de l'animation.