Une loi vieille de plus d'un siècle a été fatale à Julian Assange. Avec l'Espionage Act de 1917 – qui vise à poursuivre la divulgation d'informations secrètes – les autorités américaines ont fait du fondateur de Wikileaks un exemple au cours des douze dernières années. Celui qui publie des informations gênantes est poursuivi et mis en prison. Peu importe la noblesse de ses intentions et l'horreur de ce qu'elles révèlent.
Pour rappel, Wikileaks a révélé entre autres la torture, les exécutions extrajudiciaires et les crimes de guerre. La vidéo intitulée «Collateral Murder» est restée gravée dans la mémoire collective. Les images proviennent d'un hélicoptère de combat américain qui attaque des civils et tue onze d'entre eux, dont deux journalistes.
A lire sur l'affaire
La Suisse est en mauvaise posture
La menace des autorités américaines ne vise toutefois pas uniquement les lanceurs d'alerte. Tous les journalistes du monde entier sont menacés du même sort s'ils osent travailler avec des informations secrètes divulguées qui vont à l'encontre des intérêts américains.
Ceux qui pensent que seule une poursuite pénale américaine, combinée à une loi martiale vieillissante, a rendu possible un tel excès contre la liberté de la presse, se bercent d'illusions quant à leur sécurité.
La Suisse, justement, protège très mal des personnes comme Julian Assange. Les lanceurs d'alerte qui rendent publics des abus perdent souvent leur liberté... et leur existence. Le Parlement refuse depuis plus de 15 ans d'accorder une protection adéquate en matière de droit du travail à ceux qui se rebellent contre les puissants.
La loi sur les banques est néfaste pour la démocratie
Depuis 2015, nous disposons d'une loi bancaire qui respire l'esprit totalitaire de l'Espionage Act: elle criminalise non seulement les personnes qui volent et transmettent des données bancaires, mais aussi tous ceux qui reçoivent de telles données et les «révèlent à d'autres personnes».
A l'origine, cette loi doit permettre d'empêcher la création d'un marché avec des données bancaires volées. Mais le fait qu'elle prive les médias de révéler des sales opérations bancaires comme le blanchiment d'argent et la complicité d'évasion fiscale est sciemment pris en compte. Tout comme l'Espionage Act, la loi bancaire peut être utilisée contre les journalistes et les lanceurs d'alerte gênants.
Alors que les autorités américaines n'ont osé utiliser l'Espionage Act contre les lanceurs d'alerte et les journalistes qu'au fil des décennies, la loi sur les banques a montré immédiatement son effet néfaste sur la démocratie. Même si des journalistes suisses ont connaissance d'agissements illégaux de banques suisses, ils n'ont pas le droit de faire des recherches à ce sujet, et encore moins d'écrire quelque chose dessus.
Activistes politiques et terroristes dans le même tiroir
Cela devrait être un avertissement suffisant. Pourtant, il y a bientôt trois ans, le peuple suisse a approuvé une nouvelle loi antiterroriste selon laquelle les efforts visant à influencer l'Etat et la société en répandant la peur et la terreur doivent être considérés comme une «activité terroriste».
Au sens strict, cela inclut également ceux qui mettent en garde contre la catastrophe climatique, l'instauration d'une dictature par le Conseil fédéral ou les étrangers criminels. Les activistes politiques sont ainsi placés dans le même tiroir que les terroristes potentiellement violents.
Les partisans de cette loi ont joué l'apaisement en faisant référence au sens de la mesure de nos autorités et à l'État de droit suisse. Le cas de Julian Assange montre à quel point les conséquences de telles lois peuvent être dévastatrices si le sens de la mesure est perdu.