37% des électeurs biennois ont voté
Les Biennois se rendent de moins en moins aux urnes

Bienne a le taux de participation le plus bas des grandes villes suisses. Cela s'explique notamment par le bilinguisme, l'idée reçue de la complexité du processus de vote, et l'impression de pas avoir de réel impact.
Publié: 30.10.2023 à 07:59 heures
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Dernière mise à jour: 30.10.2023 à 08:02 heures
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Alors que la Suisse entière est en train d'élire un nouveau Parlement, de nombreux Biennois préfèrent rester chez eux. Parmi les dix plus grandes villes helvétiques, Bienne bat des records en terme de non-participation aux élections.
Photo: Keystone
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Lino Schaeren

Alors que la Suisse entière est en train d'élire un nouveau Parlement, de nombreux Biennois préfèrent rester chez eux. Parmi les dix plus grandes villes helvétiques, Bienne bat des records en terme de non-participation aux élections. 

Dimanche dernier, 37% des électeurs biennois ont voté pour le nouveau Conseil national. En comparaison, ils étaient 59% à Berne, 52% à Zurich et 51% à Bâle. Même à Genève et à Lausanne (VD), qui ne sont pas réputées pour le taux de participation élevé, les électeurs ont été plus nombreux à se rendre aux urnes. 

Ce désintérêt a des conséquences: Bienne est la seule grande ville suisse qui ne sera pas représentée au nouveau Parlement. La dernière fois qu'un Biennois a été élu au Conseil national, c'était en 2007.

5 à 10% en dessous de la moyenne

Depuis des décennies, la participation aux votations fédérales dans la ville bilingue est de 5 à 10% inférieure à la moyenne nationale.

A quoi cela est-il dû? Le Blick a posé la question à des Biennoises et Biennois dans la zone piétonne du centre-ville. Un homme d'une quarantaine d'années répond laconiquement: «De toute façon, à Berne, ils font ce qu'ils veulent», puis il s'empresse de poursuivre sa route.

Une passante dans la soixantaine est restée chez elle pour une autre raison: «Trop compliqué», dit-elle en secouant la tête. Elle n'a même pas ouvert l'épaisse enveloppe de vote. D'autres passants abondent dans son sens au sujet de la complexité du processus de vote. La croyance selon laquelle chaque voix compte ne semble pas très répandue ici.

Une forte proportion d'étrangers, moins de voix

L'abstentionnisme des Biennois préoccupe également les autorités municipales. Elles ont mené plusieurs enquêtes à ce sujet, dont la dernière en 2014. Tous les ménages ayant le droit de vote avaient alors reçu un questionnaire avec les documents électoraux, et 8'500 d'entre eux avaient été retournés. Les réponses confirment l'hypothèse mise en avant par l'enquête de rue: les facteurs les plus importants qui poussent les électeurs à ne pas se rendre aux urnes sont le sentiment que leur vote n'aura aucun impact, et la complexité de la procédure.

L'enquête a également fourni d'autres explications, étayées par des études nationales. Bienne est une ville industrielle, le niveau de formation est relativement bas, les revenus sont faibles. Tout cela conduit à une participation plus faible, en particulier au sujet de thèmes complexes et pour les élections.

A Bienne, une personne sur dix dépend de l'aide sociale. «Ceux qui arrivent à peine à joindre les deux bouts n'ont plus de ressources pour participer à la vie politique», explique Anna Tanner. La Biennoise est coprésidente du PS cantonal et, il y a une semaine, elle était encore la plus proche d'une élection au Conseil national. Elle occupe maintenant la première place de remplacement sur la liste des femmes du PS.

Les Francophones votent moins

La population relativement jeune de la ville et la forte proportion de personnes naturalisées n'aident pas non plus à augmenter le taux de participation démocratique. Selon l'étude de 2014, ce qui pèse particulièrement lourd à Bienne est le fait que les électeurs de langue maternelle française votent nettement moins souvent que les Suisses alémaniques dans la ville bilingue. Les Romands représentent tout de même bien 43% de la population.

Pourtant, il serait réducteur de reprocher aux Biennois francophones leur paresse électorale. Il leur manque manifestement beaucoup plus de perspectives de succès: les candidats romands sont peu connus dans le canton de Berne, dominé par les germanophones, et se retrouvent régulièrement en fin de liste lors des élections.

«Beaucoup de Romands me demandent pourquoi ils devraient voter si les candidats francophones n'ont de toute façon aucune chance», déclare le politicien francophone du centre et journaliste biennois Mohamed Hamdaoui. Une frustration que les Romands biennois partagent manifestement avec le Jura bernois qui, le 22 octobre, était une fois de plus le dernier des arrondissements administratifs bernois en termes de participation électorale. S'ils composent 10% de la population, un seul Romand représentera le canton de Berne au Palais fédéral: Manfred Bühler, conseiller national UDC.

Une liste de Romands pour Berne?

Mohamed Hamdaoui demande donc que les francophones se serrent les coudes. Les partis devraient se mettre d'accord sur une liste romande commune dans le canton de Berne afin d'augmenter leurs chances d'être élus. Mohamed Hamdaoui est convaincu que cela éveillerait également l'intérêt des électeurs.

Et qu'en est-il des autorités municipales? En font-elles trop peu pour inciter les électeurs à se rendre aux urnes? Le maire Erich Fehr promet: «Nous avons fait tout ce que nous pouvions.» Langage simplifié dans les documents électoraux, hotline pour les questions, urnes disponibles dès le samedi et le vendredi. Erich Fehr considère plutôt que les partis et les médias locaux ont eux aussi un devoir à remplir. En ce qui concerne les questions communales, ils mènent trop peu de débats de fond. «La politique doit être encore plus proche des gens!»

Mais le maire ne pense pas qu'il faille rendre le vote obligatoire, comme l'a fait le canton de Schaffhouse. Certes, le droit de parole étendu est unique en Suisse et constitue un privilège. Mais: «La démocratie signifie aussi ne pas être obligé d'exercer son droit de vote.» Même si à Bienne, le nombre de personnes qui font usage de ce droit est supérieur à la moyenne.

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