Mendier quelque part le canton de Vaud sera une sacrée paire de manche. La loi sur la mendicité a à nouveau fait l'objet d'un long débat, ce mardi 24 septembre au Grand Conseil vaudois.
La droite de l'hémicycle a réussi à rajouter au projet du Conseil d'État quelques lieux supplémentaires où il sera interdit de tendre la main. La semaine dernière, trois amendements de la droite avaient déjà passé la rampe pour interdire l'accès des mendiants à une première série de lieux.
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Pour les marchés, ce ne sont plus les seules files d'attente devant les stands qui sont concernées, mais bien l'ensemble du périmètre de la manifestation hebdomadaire. Et pour les écoles, fini les «abords» des établissements scolaires. On parle désormais de «proximité immédiate». Trêve de précisions, il sera interdit de quémander:
- Dans l'ensemble du périmètre des marchés
- À l'entrée des établissements publics
- À proximité immédiate des écoles
- À proximité immédiate des crèches
- À proximité immédiate des places de jeux
- À proximité immédiate des banques et des bancomats
- À proximité immédiate des bureaux de poste
- À proximité immédiate des parcomètres
Mardi, après d'âpres discussions gauche-droite, un quatrième amendement est venu compléter ce catalogue. Celui de la députée libérale-radicale (PLR) Florence Bettschart-Narbel. La mendicité sera aussi proscrite:
- devant les entrées des immeubles d'habitation et de bureaux
- devant les entrées des bâtiments et des installations publics
- devant les entrées des magasins
- devant les entrées des établissements médicaux et de soins
- devant les entrées des musées, théâtres et cinémas
La loi prévoit également de sanctionner la mendicité «intrusive ou agressive». Les parlementaires avaient, à une très large majorité, ajouté «déloyale et trompeuse», pour des cas où les personnes mendiantes présenteraient de faux documents.
Quand la CEDH s'en mêle
La gauche n'a pas manqué de dire tout le mal qu'elle pensait de ces adjonctions. «Sera-t-il encore possible de mendier en dehors du rond-point de la Maladière et des bois de Sauvabelin?», a lancé Marc Vuilleumier d'Ensemble à gauche.
Les opposants dénoncent «une interdiction camouflée de la mendicité». Modifiée pour s'adapter à la décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), la loi vaudoise risque d'être retoquée par cette dernière, ont averti de nombreux députés verts et socialistes.
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Pour la droite, c'est la décision du Tribunal fédéral (TF) qui fait foi. En mars 2023, la justice helvétique a confirmé la loi bâloise sur la mendicité qui prévoit des périmètres d’interdiction. Le TF a jugé que ces périmètres étaient proportionnés, a rappelé le PLR Marc-Olivier Buffat mardi, se demandant si l'idée était de remettre en questions les compétences des juges de Mon-Repos.
La liste aurait pu être interminable
Et encore, cette «liste à la Prévert» aurait pu s'allonger. Les propositions de l'élu de l'Union démocratique du centre (UDC) Cédric Weissert ont été refusées à quelques voix près. Son amendement, qualifié de «provocation» par ses adversaires politiques, prévoyait d'empêcher de demander deux balles:
- devant les boîtes aux lettres
- devant les caissettes de journaux
- devant les distributeurs de boissons
- devant les WC publics
- devant les débarcadères
- devant les discothèques
- devant les abris de protection civile
- devant les établissements sportifs
Ce n'est pas tout. Il a aussi été refusé au député UDC d'interdire la mendicité en groupe, ou encore d'introduire une distance de cinq mètres. De quoi faire dire à Vassilis Venizelos (Les Vert-e-s), conseiller d'État en charge du dossier, qu'il refusait «de voir des agents de police avec des doubles-mètres». Le premier débat s'est achevé mardi. Un second aura lieu ultérieurement.
Pour rappel, la mendicité a été bannie dès 2018 dans le canton de Vaud, mais cette interdiction est devenue ensuite inapplicable à la suite d'un arrêt de la CEDH en 2021, concernant un cas de figure genevois. En substance, les juges de Strasbourg ont considéré que la répression sans nuances de la mendicité n'était pas conforme au principe de proportionnalité. Le Conseil d'État avait dû s'adapter et proposer, en juillet 2023, un nouveau projet de loi traité actuellement par le Parlement.