Grand Conseil vaudois
La mendicité fait grand débat sur ses restrictions en ville

Le Grand Conseil vaudois débat ce mardi d'un projet de loi visant à restreindre la mendicité avec des interdictions plus sévères, tout en cherchant un équilibre pour éviter des recours auprès de la CEDH.
Publié: 17.09.2024 à 15:28 heures
|
Dernière mise à jour: 18.09.2024 à 15:26 heures
sda-logo.jpeg
ATS Agence télégraphique suisse
Quelles limites fixer à la mendicité dans le canton de Vaud? Les députés sont partis pour de longs débats sur le sujet et un projet de loi gouvernemental (archives).
Photo: JEAN-CHRISTOPHE BOTT

La mendicité a été au cœur d'un long débat inachevé mardi matin au Grand Conseil vaudois. Les députés ont commencé à recadrer le projet du Conseil d'Etat avec des restrictions plus sévères. Les discussions déjà bien nourries se poursuivront la semaine prochaine. Pour rappel, la mendicité a été bannie dès 2018 dans le canton de Vaud, mais cette interdiction est devenue ensuite inapplicable à la suite d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en 2021, concernant un cas de figure genevois. En substance, les juges de Strasbourg ont considéré que la répression sans nuance de la mendicité n'était pas conforme au principe de proportionnalité.

Le Conseil d'Etat a ainsi dû s'adapter et proposer, en juillet 2023, un nouveau projet de loi. Il pose un principe de base: la mendicité est autorisée pour autant qu'elle ne porte pas atteinte à la liberté de choix du passant. Il est prévu de sanctionner la mendicité intrusive ou agressive. Et le fait de mendier dans un certain nombre de lieux «sensibles».

Multitude d'amendements

En commission, de nombreux amendements ont été déposés pour préciser ces lieux, en rajouter et étendre des périmètres d'interdiction, en clair, pour serrer un peu plus la vis. Le conseiller d'Etat en charge du dossier, Vassilis Venizelos, a tenu à mettre en garde de «ne pas avoir la main trop lourde» afin d'éviter de futur recours, notamment auprès de la CEDH. Le ministre a aussi rappelé en substance que la mendicité n'était pas un problème de sécurité en soi du point de vue de la police, mais plus un sentiment d'insécurité des gens. Et un seul cas de traite d'êtres humains, condamné en 2013, a été enregistré dans le canton, a-t-il souligné. Il n'y a pas de recrudescence d'agressivité des mendiants, a-t-il encore ajouté.

L'entrée en matière sur ce dossier a auguré de la longueur des débats à venir tout comme les deux rapports – un de majorité et un de minorité – de la commission chargée d'examiner le projet de loi gouvernemental. Avec un clivage gauche-droite attendu. D'un côté, le message était de ne pas criminaliser la pauvreté et d'autoriser la mendicité passive, et de l'autre bord, de répondre au ras-le-bol général de la population des principales villes du canton.

«Un fléau»

C'est du côté de l'UDC que les mots étaient les plus forts, le parti défendant une interdiction totale de la mendicité ou au moins la plus large possible. Plusieurs députés ont aussi tiré à boulets rouges contre la CDEH, obstacle à la souveraineté suisse. Le PLR Guy Gaudard a parlé de la mendicité comme «un fléau qui altère le quotidien de nombreux citoyens et centres urbains». Son parti a été le fer de lance de nombreux amendements visant à cadrer encore plus et renforcer le projet de loi du Conseil d'Etat.

A gauche, l'élue EP Joëlle Minacci a été la grande défenseuse des plus démunis. «Le projet de loi équivaut à une interdiction partielle de la mendicité. Il y a un problème de vision qui se limite à la répression sans trouver de solution à la mendicité et à la pauvreté. On ne peut pas chasser la mendicité sans résoudre la pauvreté», a-t-elle argumenté. Deux heures de discussions n'auront pas permis de prendre beaucoup d'avance sur l'ensemble de la loi, mais d'ancrer déjà un paradigme de fond et ensuite de fixer de premières restrictions.

Question de sémantique

Les députés se sont finalement prononcés en faveur de la version du Conseil d'Etat pour un article de fond longuement disputé. Ils ont opté pour «la mendicité est interdite si elle est de nature à porter atteinte à la liberté de choix du passant». La gauche souhaitait le paradigme suivant, afin d'éviter toute stigmatisation et répression: «La mendicité est autorisée sous réserve des comportements de nature à porter atteinte à la liberté de choix du passant». Une proposition écartée par 79 non contre 56 oui.

La loi prévoit de sanctionner la mendicité «intrusive ou agressive». Les parlementaires ont, à une très large majorité, ajouté «déloyale et trompeuse» (en référence par exemple à de faux papiers).

Liste allongée

Trois amendements de la droite ont aussi passé la rampe: l'interdiction de la mendicité à l'ensemble du périmètre des marchés et non pas seulement aux files d'attente devant les stands, aux entrées des établissements publics, enfin à proximité immédiate (et non «aux abords") des écoles mais aussi des crèches (ajoutées), des places de jeux, banques, bureaux de poste, distributeurs automatiques d'argent, horodateurs.

Un quatrième amendement n'a pas pu être voté encore en ce premier débat, faisant l'objet d'âpres discussions inachevées. Il s'agit de l'ajout d'autres lieux d'interdiction: aux entrées des immeubles d'habitation et de bureaux, bâtiments et installations publics, magasins, établissements médicaux et de soins, musées, théâtres et cinémas. La semaine prochaine, il s'agira aussi de régler la question des amendes et éventuellement de préciser ou non la notion de «proximité immédiate» (en mètres).

Découvrez nos contenus sponsorisés
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la