A un an des élections fédérales, les Vert·e·s vivent déjà des heures cruciales. Alors que des activistes climatiques bloquent des routes et aspergent des tableaux de maîtres protégés par des vitres, les sondages montrent un parti en perte de vitesse, en recul de 1,5 point à 11,7% des intentions de vote. Conséquence: son président Balthasar Glättli a condamné les actions de Renovate Switzerland le 25 octobre.
Ce n’est pas au goût de Margot Chauderna, coprésidente des Jeunes Vert·e·x·s Suisse (la graphie inclusive fait partie du nom de la section). «Nous sommes critiques face à sa prise de position: l’activisme, c’est extrêmement important et utile à la cause», lâche-t-elle dans cette interview, à l’aube de l’assemblée générale des… Jeunes Vert·e·x·s Suisse. Lors de la réunion de ce samedi à Neuchâtel, les membres devraient adopter une résolution, qui demande notamment la fermeture de la raffinerie de Cressier (NE), l’unique encore active dans le pays.
Est-ce réalisable? A quel horizon? Quid du nucléaire? Et ce siège écologiste au Conseil fédéral, c’est pour quand? En amont et en primeur, la conseillère générale de la Ville de Fribourg répond aux questions de Blick, alors que la 27e conférence sur le climat de l'ONU (COP27) démarre lundi en Egypte et que les émissions de gaz à effet de serre doivent baisser de 45% d'ici à 2030 pour avoir une chance d'atteindre l'objectif le plus ambitieux de l'accord de Paris. Soit limiter le réchauffement à 1,5 degré par rapport à l'ère pré-industrielle.
Vous voulez la fermeture de la raffinerie de Cressier. Vous n’en avez pas marre de demander l’irréalisable?
C’est tout à fait réalisable! Ce que nous demandons dans notre résolution, c’est 100% d’électricité renouvelable et l’abandon de toutes les énergies fossiles d’ici à 2030. Nous n’avons pas le choix si nous voulons survivre aux changements climatiques, continuer de pouvoir boire de l’eau potable et de nous nourrir. En Suisse, trois quarts des émissions de gaz à effet de serre sont dus à la combustion d’énergies fossiles.
Quand souhaiteriez-vous la voir disparaître exactement?
Les scientifiques du GIEC nous disent que nous avons trois ans pour changer drastiquement de cap. Mais nous savons qu’il est impossible de fermer cette raffinerie aussi vite, car sa fermeture doit s’accompagner de mesures d’accompagnement et d’un plan de réinsertion dans le secteur des énergies renouvelables pour les quelque 280 personnes qui y travaillent. Si je devais donner une date, je dirais qu’il faudrait qu’elle n’existe plus au plus tard en 2030.
Mais on ne change pas la réalité d’un coup de baguette magique. Pensez-vous vraiment que la Suisse sera devenue 100% renouvelable d’ici à 2030?
Nous sommes obligés d’y arriver et nous pouvons le faire. Ça demandera des changements profonds dans nos comportements, notamment en matière de transport. Il faudra par exemple investir massivement dans les transports publics locaux et les rendre gratuits. Et si le transport individuel est absolument nécessaire, il faudra rouler en véhicule électrique. Il faudra aussi vivre plus simplement. Sortir de notre système capitaliste qui pousse à la surconsommation. Il est impossible de consommer de manière illimitée sur une planète où les ressources sont limitées.
Revenons à la raffinerie de Cressier. En octobre, des activistes y ont bloqué l’accès. En tant que coprésidente des Jeunes Vert·e·x·s Suisse, vous soutenez ce genre d’actions?
Oui. Parce que ces actions permettent de maintenir le sujet du climat au sommet de l’agenda politique et médiatique. Après, je ne peux pas soutenir les actions qui empêchent une ambulance de circuler, comme récemment en Allemagne. Peut-être qu’il faudrait trouver un moyen de permettre le passage des véhicules en cas d’extrême urgence, même si l’action perdrait en radicalité. Et, de manière générale, face à l’urgence, il faut continuer sur la voie de la radicalité.
Ne pensez-vous pas que l’activisme radical, comme celui de Renovate Switzerland, qui énerve la population et les automobilistes, est contreproductif pour les Vert·e·s et le climat?
Non. C’est complémentaire avec la politique que les Vert·e·s tentent de mener au niveau institutionnel. C’est sûr, il y a des gens qui s’énervent, mais aussi d’autres qui sont déçus de constater que la lutte contre les changements climatiques ne va pas assez vite, pas assez loin.
Au contraire de vous, Balthasar Glättli, président des Vert·e·s au niveau national, a condamné les blocages d’autoroutes… Ça vous fait quoi?
Je comprends la stratégie en vue des élections fédérales de 2023. Le but est de ne pas perdre les voix des personnes que ces blocages irritent. Mais, nous, les Jeunes Vert·e·x·s, sommes critiques face à sa prise de position: l’activisme, c’est extrêmement important et utile à la cause. Ce qui la dessert, c’est de ne pas se soutenir les uns les autres. Le problème, ce n’est pas l’activisme radical, c’est le green washing des partis de droite!
Continuons de parler stratégie politique. Deux sièges se libèrent au Conseil fédéral. Les Vert·e·s ne vont en revendiquer aucun des deux. La bonne décision?
Concernant le siège du Parti socialiste, la question ne se pose pas: il ne faut pas l’attaquer parce que ce que nous voulons, c’est un changement de majorité. Pour le siège de l’UDC, c’est un peu différent. Nous, les Jeunes Vert·e·x·s, étions pour le challenger avec une candidature de combat. Mais, sans le soutien des socialistes et des Vert’libéraux, ça aurait été impossible. Donc, au final, c’est la bonne idée de se concentrer sur les fédérales de 2023 avant de penser au Conseil fédéral.
A l’heure où la pénurie d’énergie guette, la droite — UDC et PLR en tête — roule pour un retour au nucléaire. N’a-t-on pas là une solution propre et durable pour continuer à vivre sans se priver?
Le nucléaire est une énergie décarbonée, mais n’a rien de propre, de renouvelable ou de durable. Pire, le nucléaire est dangereux pour la population et la biodiversité en cas d’accident, mais pas seulement. Par ailleurs, les déchets nucléaires restent un problème irrésolu puisque nous ne savons pas les éliminer. Et n’oublions pas qu’il faut 20 ans pour construire une nouvelle centrale. Or, le temps presse.
Aujourd’hui, la population et les entreprises souffrent de la hausse des prix de l’énergie. Que faire?
Nous demandons un impôt sur les bénéfices des grands groupes gaziers et pétroliers. Avec cet argent, l’Etat pourrait par exemple financer une allocation énergie pour aider les citoyennes et les citoyens. La Confédération et les cantons pourraient aussi obliger les sociétés immobilières à prendre en charge une partie des coûts qui pèsent aujourd’hui sur le porte-monnaie des locataires. La transition énergétique doit être solidaire.